Texte référence 050407

Mais, qu'est-ce donc qu'un philosophe ?

Recherche F. B.

L'origine du mot philosophe [1] est généralement attribuée à Pythagore. Selon les époques et le champ d'intérêt, le philosophe va se définir de façon variable...

  1. Le Petit Larousse (1998)

  2. Le Petit Robert (1996)

  3. Didier Julia, Larousse références (1991)

  4. Gilles Deleuze Qu'est-ce que la philosophie? (1990)

  5. André Comte-Sponville (2001)

  6. Paul Foulquié, Dictionnaire de la langue philosophique (1962)

  7. Voltaire (1769)

  8. Diderot et d'Alembert, L'Encyclopédie (1765)

* * *

1. Petit Larousse (1998) [2]

philosophe  nom

(gr. philosophos , ami de la sagesse)

1. Spécialiste de philosophie.

2. Penseur qui élabore une doctrine, un système philosophique.

3. [HIST. ] Partisan des idées nouvelles, des « Lumières », au XVIIIe s.

adjectif  et nom
Se dit de qqn qui supporte les épreuves avec constance et résignation, qui prend la vie du bon côté.

2. Le Petit Robert (2012) [3]

philosophe [filCzCf] n. et adj. 

• 1160; lat. philosophus, gr. philosophos « ami de la sagesse » 

 N.

 Anciennt Personne qui s'adonne à l'étude rationnelle de la nature et de la morale. « Le philosophe est l'amateur de la sagesse et de la vérité » (Voltaire).  Spécialt -> alchimiste. La pierre des philosophes : la pierre philosophale. 

 Hist. Personne qui s'appuie sur la raison, et récuse la révélation, la foi. « Tout philosophe est cousin d'un athée » (Musset).  

à (XVIIIe Personne qui, par le culte de la raison appliquée aux sciences de la nature et de l'homme, par l'honnêteté morale mise au service de l'humanité, cherchait à répandre le libre examen et les lumières. -> aussi encyclopédiste. « La raison est à l'égard du philosophe ce que la grâce est à l'égard du chrétien. La grâce détermine le chrétien à agir; la raison détermine le philosophe » (Diderot).  

 Mod. Personne qui élabore une doctrine ou des éléments de doctrine philosophique. -> penseur. Philosophe idéaliste, matérialiste. Les nouveaux philosophes.  

 (v. 1660)  Cour. Personne qui pratique la sagesse, conforme sa vie à ses principes. -> sage. Je « ne trouvais rien de si doux que de vivre à Paris, en philosophe, [¼] au moyen des cent cinquante francs par mois que mon père me donnait » (Stendhal).  

 Spécialt Sage de l'Antiquité. « La nécessité de mourir faisait toute la constance des philosophes » (La Rochefoucauld).

II¨ Adj.

 (1534)  Vieilli Relatif à la philosophie, aux philosophes. -> philosophique. Un ton philosophe.  

 (XVIIe Mod. Qui montre de la sagesse, de la fermeté d'âme, du détachement. « Que c'est donc bête, vieux, de vous tourmenter comme ça ! [¼] mais vous n'êtes guère philosophe, ah ! non ! » (Zola).

3. Didier Julia, Dictionnaire de la philosophie, Larousse références (1991) [4]

philosophe, (du gr. philos, amoureux, et sophein, savoir), individu dont la vie est consacrée à la recherche de la vérité.

Un philosophe n'est pas nécessairement celui qui écrit une œuvre, crée un système. Socrate est, selon Hegel, un « vrai philosophe », précisément parce qu'il a vécu sa doctrine au lieu de l'écrire. « Être philosophe, disait Socrate, ne consiste pas à savoir beaucoup de choses, mais à être tempérant. » C'est seulement par déviation, et depuis que la philosophie est devenue un métier, une forme d' « enseignement rétribué », que la notion de « philosophe » a perdu sa signification originaire de type exemplaire, de chercheur désintéressé, soutenu par sa seule vocation ; depuis lors, il n'y a plus eu de philosophes, remarque Hegel, mais des philosophies, des systèmes de pensée.

4. André Comte-Sponville, Dictionnaire philosophique (2001) [5]

PHILOSOPHE

Je ne sais plus si c'est Guitton ou Thibon qui raconte l'anecdote, comme lui étant personnellement arrivée. La scène se passe au début du XXe siècle, dans une campagne un peu reculée. Un jeune professeur de philosophie, se promenant avec un ami, rencontre un paysan, que son ami connaît, qu'il lui présente, et avec lequel notre philosophe échange quelques mots.

— Qu'est-ce que vous faites dans la vie?, lui demande le paysan.
— Je suis professeur de philosophie.
— C'est un métier?
— Pourquoi non? Ça vous étonne?
— Un peu, oui!
— Pourquoi ça?
— Un philosophe, c'est quelqu'un qui s'en fout... Je ne savais pas que cela s'apprenait à l'école!

Ce paysan prenait « philosophe » au sens courant, où il signifie à peu près, sinon quelqu'un qui s'en fout, du moins quelqu'un qui sait faire preuve de sérénité, de tranquillité, de recul, de décontraction... Un sage? Pas forcément. Pas totalement. Mais quelqu'un qui tend à l'être, et tel est aussi, depuis les Grecs, l'étymologie du mot (philosophos : celui qui aime la sagesse) et son sens proprement philosophique. On me dit parfois que cela n'est vrai que des Anciens... Ce serait déjà beaucoup. Mais c'est oublier Montaigne. Mais c'est oublier Spinoza. Mais c'est oublier Kant (« La philosophie est la doctrine et l'exercice de la sagesse, écrivait-il dans son Opus postumum, non simple science ; la philosophie est pour l'homme effort vers la sagesse, qui est toujours inaccompli »). Mais c'est oublier Schopenhauer, Nietzsche, Alain... Le philosophe, pour tous ceux-là, ce n'est pas quelqu'un de plus savant ou de plus érudit que les autres, ni forcément l'auteur d'un système ; c'est quelqu'un qui vit mieux parce qu'il pense mieux, en tout cas qui essaye (« Bien juger pour bien faire », disait Descartes : c'est la philosophie même), et c'est en quoi le philosophe reste cet amant de la sagesse, ou cet apprenti en sagesse, que l'étymologie désigne et dont la tradition, depuis vingt-cinq siècles, n'a cessé de préserver le modèle ou l'exigence. Si vous n'aimez pas ça, n'en dégoûtez pas les autres.

Qu'est-ce qu'un philosophe? C'est quelqu'un qui pratique la philosophie, autrement dit qui se sert de la raison pour essayer de penser le monde et sa propre vie, afin de se rapprocher de la sagesse ou du bonheur. Cela s'apprend-il à l'école? Cela doit s'apprendre, puisque nul ne naît philosophe, et puisque la philosophie est d'abord un travail. Tant mieux si cela commence à l'école. L'important est que cela commence, et ne s'arrête pas. Il n'est jamais ni trop tôt ni trop tard pour philosopher, disait à peu près Épicure, puisqu'il n'est jamais ni trop tôt ni trop tard pour être heureux. Disons qu'il n'est trop tard que lorsqu'on ne peut plus penser du tout. Cela peut venir. Raison de plus pour philosopher sans attendre.

5. Paul Foulquié, Dictionnaire de la langue philosophique (1962) [6]

PHILOSOPHE — Lat. philosophus. Gr. philosophos. C'est Pythagore qui, refusant, par modestie, de se dire sophos (sage), se serait donné pour philosophos, c.-à-d. ami (philos) de la sagesse (sophia).

Subst. masc. Cependant Voltaire l'emploie fréquemment au féminin : « ma belle philosophe ». On lit aussi dans Molière :

  1. • ............A votre fille aînée
    On voit quelque dégoût pour les nœuds d'hyménée ;
    C'est une philosophe enfin............
                                 
    (Femmes sav., II, VIII.)

Celui qui s'adonne à la philosophie (philosophie spéculative, sens A, B, C), ou celui qui la pratique (philosophie pratique).

A. Acceptions vieillies :

1. Dans l'Antiquité et jusqu'au XVIIIe s. : syn. de savant.

  1. Les philosophes conviennent unanimement que le flux et le reflux de la mer est dû principalement à l'action de la lune. (D'Alembert, Esprit, max. et princ, 51, Paris, 1769.)

2. Appliqué aux intellectuels du XVIIIe s. — Qui prétend se diriger d'après les lumières de la seule raison et rejette toute doctrine révélée. V. Philosophie des lumières*.

  1. vous avez perdu l'abbé de Condillac [fausse nouvelle] (...). Mous perdons là un bon philosophe, un bon ennemi de la superstition. (Voltaire à d'Alembert, L. du 10 déc. 1764.)

  2. • La raison est à l'égard du philosophe ce que la grâce est à l'égard du chrétien. La grâce détermine le chrétien à agir ; la raison détermine le philosophe. (Diderot Encyclop. au mot Philosophe.)

  3. • Le vrai philosophe est donc un honnête homme qui agit en tout par raison, et qui joint à un esprit de réflexion et de justesse, les mœurs et les qualités sociales. (Ibid.)

  4. • Qu'est-ce qu'un philosophe? C'est un homme qui oppose la nature à la loi, la raison à l'usage, sa conscience à l'opinion, et son jugement à l'erreur. (Chamfort, Œuvres, II, 14, Paris, 1812.)

  5. • Le paradoxe est ici que le XVIIIe siècle si négligé par les historiens de la philosophie a pourtant été le triomphe de la philosophie militante et incarnée. (G. Gusdorf, Les sc. hum. et la pensée occid., I, 329, Payot, 1966.)

B. Dans l'usage courant (syn. de sage) : celui qui, détaché des avantages pour l'obtention desquels s'agitent les hommes, vit dans une tranquillité sereine que ne troublent pas les accidents de la vie.

  1. • Le nom de Philosophe s'applique avec beaucoup plus de raisons [qu'à ceux indiqués en C] à un homme sage, qui mène une vie tranquille et retirée, hors de l'embarras des affaires ; mais il ne faut pas porter trop loin cet esprit de retraite. L'homme est né pour les autres hommes (...). Le véritable philosophe sait se partager entre la retraite et le commerce des autres hommes. (Dumarsais, dans Dict. de Trévoux.)

C. Proprt : celui qui cherche les raisons et principalement les raisons dernières des choses.

  1. • c'est de chercher les premières causes et les vrais principes dont on puisse déduire les raisons de tout ce qu'on est capable de savoir : et ce sont ceux qui ont travaillé particulièrement à cela qu'on a nommés Philosophes. (Descartes, Principes, Préf. IX B, 5.)

  2. • les philosophes sont si subtils qu'ils savent trouver des difficultés dans les choses qui semblent extrêmement claires aux autres hommes. (Descartes, Le monde, VI, XI, 35.)

  3. • les vrais philosophes passent leur vie à ne point croire ce qu'ils voient, et à tacher de deviner ce qu'ils ne voient point. (Fontenelle, Entr. s. la pluralité des m., 1er soir.)

  4. • On ne compte d'ordinaire comme philosophes que ceux qui écrivent ; on a tort ; il y en a qui n'écrivent pas, mais qui pensent. (E. Bersot, Libre philos., 163.)

  5. • Les philosophes sont ici-bas pour maintenir un petit nombre de problèmes, pour inquiéter les esprits, comme les poètes pour inquiéter les imaginations et les cœurs. Qui ne veut que vivre tranquille peut se passer des philosophes et des poètes, mais on ne se passe pas d'eux quand on veut vivre avec dignité. (E. Bersot, Essais de philos, et de mor., I, 512.)

  6. • le philosophe est voué par état à chercher la raison des choses. (A. Cournot, Consid. s. la marche des idées, I, 8.)

  7. • Les philosophes ne sont vraiment forts que les uns contre les autres. Sans leurs erreurs mutuelles, que seraient-ils? (J. Barbey d'Aur., Les Œuvres et les hommes, I, 51, Amyot, 1860.)

  8. • Le vrai philosophe, selon l'opinion commune, ce n'est pas celui qui se contente de penser, non plus que celui qui se contente d'agir ; c'est celui qui, connaissant plus, agit mieux, celui qui tire de son expérience même un surcroît de lumière et de force, sachant davantage ce qu'il fait parce qu'il a fait d'abord ce qu'il savait. (M. Blondel, Ann. de philos, chrét., 54, juin 1906, 241.)

  9. • le philosophe est essentiellement l'homme d'un triple effort : 1° effort de critique, vers la pleine clarté de la conscience ; 2° effort de spéculation, vers une connaissance profonde, intime, désintéressée du réel ; 3° effort de sagesse, vers le discernement des réalités spirituelles et la réalisation des valeurs idéales. (E. Le Roy, Pensée intuit., I, 4-5.)

  10. • II est bien impertinent de vouloir montrer à un philosophe une expérience qui trouble ses idées. (Alain, Propos, 250, Pléiade.)

  11. • J'estime philosophe tout homme, de quelque degré de culture qu'il soit, qui essaie de temps à autre de se donner une vue d'ensemble de ce qu'il sait par expérience directe, intérieure ou extérieure. (P. Valéry, dans F. Lefèvre, Entretien avec P. Valéry, 78-79.)

  12. • Le philosophe n'en sait réellement pas plus que la cuisinière ; si ce n'est en cuisine, où elle s'entend réellement (en général) mieux que lui.
         Mais la cuisinière (en général) ne se pose point de question universelle. Ce sont donc les questions qui font le philosophe. Quant aux réponses... Par malheur, il y a dans chaque philosophe un mauvais génie qui a réponse à tout.
    (P. Valéry, Rhumbs, 193-194.)

  13. • La façon d'un philosophe, son entrée en danse est bien connue... II esquisse le pas de l'interrogation. (P. Valéry, Pléiade, I, 1395.)

  14. À entendre les philosophes, ne les dirait-on pas candidats à un examen où répondre n'importe quoi vaut mieux que de se taire? (J. Rostand, Carnets d'un biol., 8.)

  15. • l'éminence d'un philosophe doit se manifester autrement que dans ce caractère si fréquent de demeurer incompréhensible au grand nombre. (G. Gusdorf, Auto-biogr., La Table ronde, juin 1959, 23.)

Philosophe, empl. adjectt : philosophique, prédisposé ou adonné à la philosophie. Nature philosophe.

  1. • quand ils [Platon et Aristote] se sont divertis à faire leurs Lois et leur Politique, ils l'ont fait en se jouant ; c'était la partie la moins philosophe et la moins sérieuse de leur vie, la plus philosophe était de vivre simplement et tranquillement. (Pascal, Pensées, 483.)

  2. • Ce chagrin philosophe est un peu trop sauvage. (Philinte à Alceste, Le Misanthr., I, i.)

  3. • en ce siècle philosophe. (Rousseau, Emile, V, 483.)

Philosopher. — Chercher les raisons et principalement les raisons profondes, des choses. Faire des considérations générales.

  1. • Enfin il [le lièvre] se trahit lui-même
       Par les esprits sortant de son corps échauffé.
       Miraut, sur leur odeur ayant philosophé,
       Conclut que c'est son lièvre...
                         
    (La Fontaine, Fables, V, XVII.)

  2. • En résumé, philosopher, c'est connaître l'univers. L'univers se compose de deux mondes, le monde physique et le monde moral. L'étude de la nature et de l'humanité est donc toute la philosophie. (Renan, Dial. et fragm. philos., 292.)

  3. • les philosophes, dès qu'ils philosophent, sont ou semblent en désaccord sur toutes choses. (J. Maritain, Le philosophe dans la cité, 9.)

  4. • Philosopher revient donc, en somme, à ceci : se comporter à l'égard de l'univers comme si rien n'allait de soi. (W. Jankélévitch, La mauvaise cons., 3.)

  5. • Philosopher c'est universaliser une expérience spirituelle en la traduisant en termes intellectuels valables pour tous. (J. Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme, 68.)

  6. • philosopher, c'est chercher, c'est impliquer qu'il y a des choses à voir et à dire. Or aujourd'hui, on ne cherche guère. On « revient » à l'une ou l'autre des traditions, on la « défend ». (M. Merleau-P., Éloge de la philos., 57.)

6. Voltaire, Dictionnaire philosophique (1769) [7]

PHILOSOPHE

Philosophe, amateur de la sagesse, c'est-à-dire de la vérité. Tous les philosophes ont eu ce double caractère ; il n'en est aucun dans l'antiquité qui n'ait donné des exemples de vertu aux hommes, et des leçons de vérités morales. Ils ont pu se tromper tous sur la physique ; mais elle est si peu nécessaire à la conduite de la vie que les philosophes n'avaient pas besoin d'elle. Il a fallu des siècles pour connaître une partie des lois de la nature. Un jour suffit à un sage pour connaître les devoirs de l'homme.

Le philosophe n'est point enthousiaste, et il ne s'érige point en prophète, il ne se dit point inspiré des dieux ; ainsi je ne mettrai au rang des philosophes, ni l'ancien Zoroastre, ni Hermès, ni l'ancien Orphée, ni aucun de ces législateurs dont se vantaient les nations de la Chaldée, de la Perse, de la Syrie, de l'Égypte et de la Grèce. Ceux qui se dirent enfants des dieux étaient les pères de l'imposture ; et s'ils se servirent du mensonge pour enseigner des vérités, ils étaient indignes de les enseigner, ils n'étaient pas philosophes : ils étaient tout au plus de très prudents menteurs.

Par quelle fatalité, honteuse peut-être pour les peuples occidentaux, faut-il aller au bout de l'Orient pour trouver un sage simple, sans faste, sans imposture, qui enseignait aux hommes à vivre heureux six cents ans avant notre ère vulgaire, dans un temps où tout le Septentrion ignorait l'usage des lettres, et où les Grecs commençaient à peine à se distinguer par la sagesse? Ce sage est Confucius, qui étant législateur ne voulut jamais tromper les hommes. Quelle plus belle règle de conduite a-t-on jamais donnée depuis lui dans la terre entière?

« Réglez un État comme vous réglez une famille ; on ne peut bien gouverner sa famille qu'en lui donnant l'exemple.

« La vertu doit être commune au laboureur et au monarque.

« Occupe-toi du soin de prévenir les crimes pour diminuer le soin de les punir.

« Sous les bons rois Yao et Xu les Chinois furent bons ; sous les mauvais rois Kie et Chu ils furent méchants.

« Fais à autrui comme à toi-même.

« Aime les hommes en général ; mais chéris les gens de bien. Oublie les injures, et jamais les bienfaits.

« J'ai vu des hommes incapables de sciences, je n'en ai jamais vu incapables de vertus. »

Avouons qu'il n'est point de législateur qui ait annoncé des vérités plus utiles au genre humain.

Une foule de philosophes grecs enseigna depuis une morale aussi pure. S'ils s'étaient bornés à leurs vains systèmes de physique, on ne prononcerait aujourd'hui leur nom que pour se moquer d'eux. Si on les respecte encore, c'est qu'ils furent justes, et qu'ils apprirent aux hommes à l'être.

On ne peut lire certains endroits de Platon, et surtout l'admirable exorde des lois de Zaleucus, sans éprouver dans son cœur l'amour des actions honnêtes et généreuses. Les Romains ont eu leur Cicéron, qui seul vaut peut-être tous les philosophes de la Grèce. Après lui viennent des hommes encore plus respectables, mais qu'on désespère presque d'imiter : c'est Épictète dans l'esclavage, ce sont les Antonin et les Julien sur le trône.

Quel est le citoyen parmi nous qui se priverait, comme Julien, Antonin et Marc-Aurèle, de toutes les délicatesses de notre vie molle et efféminée? qui dormirait comme eux sur la dure? qui voudrait s'imposer leur frugalité? qui marcherait comme eux à pied et tête nue à la tête des armées, exposé tantôt à l'ardeur du soleil, tantôt aux frimas? qui commanderait comme eux à toutes ses passions? Il y a parmi nous des dévots ; mais où sont les sages? où sont les âmes inébranlables, justes, et tolérantes?

Il y a eu des philosophes de cabinet en France ; et tous, excepté Montaigne, ont été persécutés. C'est, ce me semble, le dernier degré de la malignité de notre nature, de vouloir opprimer ces mêmes philosophes qui la veulent corriger.

Je conçois bien que des fanatiques d'une secte égorgent les enthousiastes d'une autre secte, que les franciscains haïssent les dominicains, et qu'un mauvais artiste cabale pour perdre celui qui le surpasse ; mais que le sage Charron [Pierre Charron (1541-1603)] ait été menacé de perdre la vie, que le savant et généreux Ramus [Pierre de La Ramée dit Ramus (1515-1572)] ait été assassiné, que Descartes ait été obligé de fuir en Hollande pour se soustraire à la rage des ignorants, que Gassendi ait été forcé plusieurs fois de se retirer à Digne, loin des calomnies de Paris ; c'est là l'opprobre éternel d'une nation.

Un des philosophes les plus persécutés fut l'immortel Bayle, l'honneur de la nature humaine. On me dira que le nom de Jurieu, son calomniateur et son persécuteur, est devenu exécrable, je l'avoue ; celui du jésuite Le Tellier l'est devenu aussi ; mais de grands hommes qu'il opprimait en ont-ils moins fini leurs jours dans l'exil et dans la disette?

Un des prétextes dont on se servit pour accabler Bayle, et pour le réduire à la pauvreté, fut son article de David dans son utile dictionnaire. On lui reprochait de n'avoir point donné de louanges à des actions qui en elles-mêmes sont injustes, sanguinaires, atroces, ou contraires à la bonne foi, ou qui font rougir la pudeur.

Bayle, à la vérité, ne loua point David pour avoir ramassé, selon les livres hébreux, six cents vagabonds perdus de dettes et de crimes ; pour avoir pillé ses compatriotes à la tête de ces bandits ; pour être venu dans le dessein d'égorger Nabal et toute sa famille, parce qu'il n'avait pas voulu payer les contributions ; pour avoir été vendre ses services au roi Achis, ennemi de sa nation ; pour avoir trahi ce roi Achis son bienfaiteur ; pour avoir saccagé les villages alliés de ce roi Achis ; pour avoir massacré dans ces villages jusqu'aux enfants à la mamelle, de peur qu'il ne se trouvât un jour une personne qui pût faire connaître ses déprédations, comme si un enfant à la mamelle aurait pu révéler son crime ; pour avoir fait périr tous les habitants de quelques autres villages sous des scies, sous des herses de fer, sous des cognées de fer, et dans des fours à briques ; pour avoir ravi le trône à Isboseth, fils de Saül, par une perfidie ; pour avoir dépouillé et fait périr Miphiboseth, petit-fils de Saül et fils de son ami, de son protecteur Jonathas ; pour avoir livré aux Gabaonites deux autres enfants de Saül, et cinq de ses petits-enfants, qui moururent à la potence.

Je ne parle pas de la prodigieuse incontinence de David, de ses concubines, de son adultère avec Bethsabée, et du meurtre d'Urie.

Quoi donc! les ennemis de Bayle auraient-ils voulu que Bayle eût fait l'éloge de toutes ces cruautés et de tous ces crimes? Faudrait-il qu'il eût dit : « Princes de la terre, imitez l'homme selon le cœur de Dieu ; massacrez sans pitié les alliés de votre bienfaiteur ; égorgez ou faites égorger toute la famille de votre roi ; couchez avec toutes les femmes en faisant répandre le sang des hommes ; et vous serez un modèle de vertu, quand on dira que vous avez fait des psaumes. »

Bayle n'avait-il pas grande raison de dire que si David fut selon le cœur de Dieu, ce fut par sa pénitence, et non par ses forfaits? Bayle ne rendait-il pas service au genre humain, en disant que Dieu, qui a sans doute dicté toute l'histoire juive, n'a pas canonisé tous les crimes rapportés dans cette histoire?

Cependant Bayle fut persécuté ; et par qui? par des hommes persécutés ailleurs, par des fugitifs qu'on aurait livrés aux flammes dans leur patrie ; et ces fugitifs étaient combattus par d'autres fugitifs appelés jansénistes, chassés de leur pays par les jésuites, qui ont enfin été chassés à leur tour.

Ainsi tous les persécuteurs se sont déclaré une guerre mortelle, tandis que le philosophe, opprimé par eux tous, s'est contenté de les plaindre.

On ne sait pas assez que Fontenelle, en 1713, fut sur le point de perdre ses pensions, sa place, et sa liberté, pour avoir rédigé en France, vingt ans auparavant, le Traité des Oracles du savant Van Dale [Bernard Le Bovier de Fontenelle (1657-1757)], dont il avait retranché avec précaution tout ce qui pouvait alarmer le fanatisme. Un jésuite avait écrit contre Fontenelle, il n'avait pas daigné répondre ; et c'en fut assez pour que le jésuite Le Tellier, confesseur de Louis XIV, accusât auprès du roi Fontenelle d'athéisme.

Sans M. d'Argenson, il arrivait que le digne fils d'un faussaire, procureur de Vire, et reconnu faussaire lui-même, proscrivait la vieillesse du neveu de Corneille.

Il est si aisé de séduire son pénitent que nous devons bénir Dieu que ce Le Tellier n'ait pas fait plus de mal. Il y a deux gîtes dans le monde où l'on ne peut tenir contre la séduction et la calomnie ; ce sont le lit et le confessionnal.

Nous avons toujours vu les philosophes persécutés par des fanatiques ; mais est-il possible que les gens de lettres s'en mêlent aussi, et qu'eux-mêmes ils aiguisent souvent contre leurs frères les armes dont on les perce tous l'un après l'autre?

Malheureux gens de lettres! est-ce à vous d'être délateurs? Voyez si jamais chez les Romains il y eut des Garasse, des Chaumeix [Abraham Chaumix (1730-1790)], des Hayer [P. Hayer, auteur avec Soret de La religion vengée ou Réfutation des auteurs impies 1757-1763], qui accusassent les Lucrèce, les Posidonius, les Varron, les Pline.

Être hypocrite, quelle bassesse! mais être hypocrite et méchant, quelle horreur! Il n'y eut jamais d'hypocrites dans l'ancienne Rome, qui nous comptait pour une petite partie de ses sujets. Il y avait des fourbes, je l'avoue, mais non des hypocrites de religion, qui sont l'espèce la plus lâche et la plus cruelle de toutes. Pourquoi n'en voit-on point en Angleterre, et d'où vient y en a-t-il encore en France? Philosophes, il vous sera aisé de résoudre ce problème.

7. Diderot et d'Alembert, L'Encyclopédie (1765) [8]

1. PHILOSOPHE, s. m. Il n'y a rien qui coute moins à acquérir aujourd'hui que le nom de philosophe ; une vie obscure & retirée, quelques dehors de sagesse, avec un peu de lecture, suffisent pour attirer ce nom à des personnes qui s'en honorent sans le mériter.

D'autres en qui la liberté de penser tient lieu de raisonnement, se regardent comme les seuls véritables philosophes, parce qu'ils ont osé renverser les bornes sacrées posées par la religion, & qu'ils ont brisé les entraves où la foi mettoit leur raison. Fiers de s'être défaits des préjugés de l'éducation, en matiere de religion, ils regardent avec mépris les autres comme des ames foibles, des génies serviles, des esprits pusillanimes qui se laissent effrayer par les conséquences où conduit l'irréligion, & qui n'osant sortir un instant du cercle des vérités établies, ni marcher dans des routes nouvelles, s'endorment sous le joug de la superstition.

Mais on doit avoir une idée plus juste du philosophe, & voici le caractere que nous lui donnons.

Les autres hommes sont déterminés à agir sans sentir, ni connoître les causes qui les font mouvoir, sans même songer qu'il y en ait. Le philosophe au contraire demêle les causes autant qu'il est en lui, & souvent même les prévient, & se livre à elles avec connoissance : c'est une horloge qui se monte, pour ainsi dire, quelquefois elle-même. Ainsi il évite les objets qui peuvent lui causer des sentimens qui ne conviennent ni au bien-être, ni à l'être raisonnable, & cherche ceux qui peuvent exciter en lui des affections convenables à l'état où il se trouve. La raison est à l'égard du philosophe, ce que la grace est à l'égard du chrétien. La grace détermine le chrétien à agir ; la raison détermine le philosophe.

Les autres hommes sont emportés par leurs passions, sans que les actions qu'ils font soient précédées de la réflexion : ce sont des hommes qui marchent dans les ténebres ; au lieu que le philosophe dans ses passions mêmes, n'agit qu'après la réflexion ; il marche la nuit, mais il est précédé d'un flambeau.

Le philosophe forme ses principes sur une infinité d'observations particulieres. Le peuple adopte le principe sans penser aux observations qui l'ont produit : il croit que la maxime existe pour ainsi dire par elle-même ; mais le philosophe prend la maxime dès sa source ; il en examine l'origine ; il en connoît la propre valeur, & n'en fait que l'usage qui lui convient.

La vérité n'est pas pour le philosophe une maîtresse qui corrompe son imagination, & qu'il croie trouver partout ; il se contente de la pouvoir démêler où il peut l'appercevoir. Il ne la confond point avec la vraisemblance ; il prend pour vrai ce qui est vrai, pour faux ce qui est faux, pour douteux ce qui est douteux, & pour vraisemblable ce qui n'est que vraisemblable. Il fait plus, & c'est ici une grande perfection du philosophe, c'est que lorsqu'il n'a point de motif propre pour juger, il sait demeurer indéterminé.

Le monde est plein de personnes d'esprit & de beaucoup d'esprit, qui jugent toujours ; toujours ils devinent, car c'est deviner que de juger sans sentir quand on a le motif propre du jugement. Ils ignorent la portée de l'esprit humain ; ils croyent qu'il peut tout connoitre : ainsi ils trouvent de la honte à ne point prononcer de jugement, & s'imaginent que l'esprit consiste à juger. Le philosophe croit qu'il consiste à bien juger : il est plus content de lui-même quand il a suspendu la faculté de se déterminer que s'il s'étoit déterminé avant d'avoir senti le motif propre à la décision. Ainsi il juge & parle moins, mais il juge plus surement & parle mieux ; il n'évite point les traits vifs qui se présentent naturellement à l'esprit par un prompt assemblage d'idées qu'on est souvent étonné de voir unies. C'est dans cette prompte liaison que consiste ce que communément on appelle esprit ; mais aussi c'est ce qu'il recherche le moins, il préfere à ce brillant le soin de bien distinguer ses idées, d'en connoître la juste étendue & la liaison précise, & d'éviter de prendre le change en portant trop loin quelque rapport particulier que les idées ont entr'elles. C'est dans ce discernement que consiste ce qu'on appelle jugement & justesse d'esprit : à cette justesse se joignent encore la souplesse & la netteté. Le philosophe n'est pas tellement attaché à un système, qu'il ne sente toute la force des objections. La plûpart des hommes sont si fort livrés à leurs opinions, qu'ils ne prennent pas seulement la peine de pénétrer celles des autres. Le philosophe comprend le sentiment qu'il rejette, avec la même étendue & la même netteté qu'il entend celui qu'il adopte.

L'esprit philosophique est donc un esprit d'observation & de justesse, qui rapporte tout à ses véritables principes ; mais ce n'est pas l'esprit seul que le philosophe cultive, il porte plus loin son attention & ses soins.

L'homme n'est point un monstre qui ne doive vivre que dans les abîmes de la mer, ou dans le fond d'une forêt : les seules nécessités de la vie lui rendent le commerce des autres nécessaire ; & dans quelqu'état où il puisse se trouver, ses besoins & le bien être l'engagent à vivre en société. Ainsi la raison exige de lui qu'il connoisse, qu'il étudie, & qu'il travaille à acquérir les qualités sociables.

Notre philosophe ne se croit pas en exil dans ce monde ; il ne croit point être en pays ennemi ; il veut jouir en sage économe des biens que la nature lui offre ; il veut trouver du plaisir avec les autres : & pour en trouver, il en faut faire : ainsi il cherche à convenir à ceux avec qui le hasard ou son choix le font vivre ; & il trouve en même tems ce qui lui convient : c'est un honnête homme qui veut plaire & se rendre utile.

La plûpart des grands à qui les dissipations ne laissent pas assez de tems pour méditer, sont féroces envers ceux qu'ils ne croyent pas leurs égaux. Les philosophes ordinaires qui méditent trop, ou plûtôt qui méditent mal, le sont envers tout le monde ; ils fuient les hommes, & les hommes les évitent. Mais notre philosophe qui sait se partager entre la retraite & le commerce des hommes, est plein d'humanité. C'est le Chrémès de Térence qui sent qu'il est homme, & que la seule humanité intéresse à la mauvaise ou à la bonne fortune de son voisin. Homo sum, humani à me nihil alienum puto.

Il seroit inutile de remarquer ici combien le philosophe est jaloux de tout ce qui s'appelle honneur & probité. La société civile est, pour ainsi dire, une divinité pour lui sur la terre ; il l'encense, il l'honore par la probité, par une attention exacte à ses devoirs, & par un desir sincere de n'en être pas un membre inutile ou embarrassant. Les sentimens de probité entrent autant dans la constitution méchanique du philosophe, que les lumieres de l'esprit. Plus vous trouverez de raison dans un homme, plus vous trouverez en lui de probité. Au contraire où regne le fanatisme & la superstition, regnent les passions & l'emportement. Le tempérament du philosophe, c'est d'agir par esprit d'ordre ou par raison ; comme il aime extrèmement la société, il lui importe bien plus qu'au reste des hommes de disposer tous ses ressorts à ne produire que des effets conformes à l'idée d'honnête homme. Ne craignez pas que parce que personne n'a les yeux sur lui, il s'abandonne à une action contraire à la probité. Non. Cette action n'est point conforme à la disposition méchanique du sage ; il est paîtri, pour ainsi dire, avec le levain de l'ordre & de la regle ; il est rempli des idées du bien de la société civile ; il en connoît les principes bien mieux que les autres hommes. Le crime trouveroit en lui trop d'opposition, il auroit trop d'idées naturelles & trop d'idées acquises à détruire. Sa faculté d'agir est pour ainsi dire comme une corde d'instrument de musique montée sur un certain ton ; elle n'en sauroit produire un contraire. Il craint de se détonner, de se desacorder avec lui-même ; & ceci me fait ressouvenir de ce que Velleius dit de Caton d'Utique. " Il n'a jamais, dit-il, fait de bonnes actions pour paroître les avoir faites, mais parce qu'il n'étoit pas en lui de faire autrement ".

D'ailleurs dans toutes les actions que les hommes font, ils ne cherchent que leur propre satisfaction actuelle : c'est le bien ou plutôt l'attrait présent, suivant la disposition méchanique où ils se trouvent qui les fait agir. Or le philosophe est disposé plus que qui que ce soit par ses réflexions à trouver plus d'attrait & de plaisir à vivre avec vous, à s'attirer votre confiance & votre estime, à s'acquiter des devoirs de l'amitié & de la reconnoissance. Ces sentimens sont encore nourris dans le fond de son cœur par la religion, où l'ont conduit les lumieres naturelles de sa raison. Encore un coup, l'idée de malhonnête homme est autant opposée à l'idée de philosophe, que l'est l'idée de stupide ; & l'expérience fait voir tous les jours que plus on a de raison & de lumiere, plus on est sûr & propre pour le commerce de la vie. Un sot, dit la Rochefoucault, n'a pas assez d'étoffe pour être bon : on ne péche que parce que les lumieres sont moins fortes que les passions ; & c'est une maxime de théologie vraie en un certain sens, que tout pécheur est ignorant.

Cet amour de la société si essentiel au philosophe, fait voir combien est véritable la remarque de l'empereur Antonin : " Que les peuples seront heureux quand les rois seront philosophes, ou quand les philosophes seront rois " !

Le philosophe est donc un honnête homme qui agit en tout par raison, & qui joint à un esprit de réflexion & de justesse les mœurs & les qualités sociables. Entez un souverain sur un philosophe d'une telle trempe, & vous aurez un parfait souverain.

De cette idée il est aisé de conclure combien le sage insensible des stoïciens est éloigné de la perfection de notre philosophe : un tel philosophe est homme, & leur sage n'étoit qu'un phantôme. Ils rougissoient de l'humanité, & il en fait gloire ; ils vouloient follement anéantir les passions, & nous élever au-dessus de notre nature par une insensibilité chimérique : pour lui, il ne prétend pas au chimérique honneur de détruire les passions, parce que cela est impossible ; mais il travaille à n'en être pas tyrannisé, à les mettre à profit, & à en faire un usage raisonnable, parce que cela est possible, & que la raison le lui ordonne.

On voit encore par tout ce que nous venons de dire, combien s'éloignent de la juste idée du philosophe ces indolens, qui, livrés à une méditation paresseuse, négligent le soin de leurs affaires temporelles, & de tout ce qui s'appelle fortune. Le vrai philosophe n'est point tourmenté par l'ambition, mais il veut avoir les commodités de la vie ; il lui faut, outre le nécessaire précis, un honnête superflu nécessaire à un honnête homme, & par lequel seul on est heureux : c'est le fond des bienséances & des agrémens. Ce sont de faux philosophes qui ont fait naître ce préjugé, que le plus exact nécessaire lui suffit, par leur indolence & par des maximes éblouissantes.

2. PHILOSOPHES, [9] (Alchimie & Chimie). Ce mot dans le langage alchimique signifie la même chose qu'adepte ou possesseur de la pierre philosophale. Les Alchimistes n'ont pas manqué de se décorer de ce grand nom, & de celui de sage.

Il existe dans la Chimie ordinaire plusieurs préparations & opérations, la plûpart assez communes, & qui sont apparemment des présens de l'Alchimie qui sont spécifiées par le nom de leurs inventeurs, qualifiés du titre de philosophes. Ainsi il y a une huile des Philosophes, appellée autrement huile de brique, oleum laterinum, qui n'est autre chose que de l'huile d'olive dont on a imbibé des briques rougies au feu, & qu'on a ensuite distillée à feu nud ; une édulcoration philosophique, qui est une distillation des sels métalliques à la violence du feu (Voyez DISTILLATION) ; une pulvérisation philosophique, une calcination philosophique. Voyez PULVERISATION & CALCINATION. (b

3. PHILOSOPHES, huile des, (Pharmacie) c'est l'huile de brique. Ce nom lui a été donné par les Alchimistes qui se disent les véritables philosophes, à cause qu'ils employent souvent de la brique dans la construction de leurs fourneaux, dont ils se servent pour faire ce qu'ils appellent le grand-oeuvre, ou la pierre philosophale. Voyez BRIQUE.

[1] Origine du mot « philosophe »

« Au témoignage d'Héraclide du Pont, Pythagore aurait eu un entretien savant avec Léon, le tyran de Phlionte. Comme ce dernier admirait son génie et son éloquence, lui demandant sur quel art il s'appuyait, Pythagore aurait décliné l'épithète de "sage" (sophos) et répondu qu'il ne connaissait aucun art, mais qu'il était "philosophe" (philo-sophos). Léon s'étonna de ce terme nouveau et demanda quelles étaient les différences entre les philosophes et les autres hommes. Pythagore répondit que la vie humaine était comparable à ces assemblées où se rendait la Grèce entière lors des grands jeux : les uns y viennent lutter pour obtenir une couronne ; d'autres cherchent à y faire du commerce ; les autres, enfin, ne s'intéressent ni aux applaudissement ni au gain, mais viennent pour voir simplement ce qui se passe aux jeux. De même, dans la vie, les uns sont esclaves de la gloire, les autres de l'argent, mais d'autres, plus rares, observent avec soin la nature : "ce sont eux qu'on appelle amis de la sagesse, c'est-à-dire philosophes", commente Cicéron »
[Jean-François Mattei, Pythagore et les Pythagoriciens, Que sais-je? n° 2732, Presses Universitaires de France © 1996 p. 3 et 4] (Page consultée le 24 décembre 2008...)

[2] Microsoft, Le Petit Larousse illustré 1999, Bibliorom Larousse 2.0 © 1998.

[3] Alain Rey, Le Petit Robert 2012, © 2011.

[4] Didier Julia, Dictionnaire de la philosophie, Larousse références © 1991-1996, p. 213.

[5] André Comte-Sponville, Dictionnaire philosophique, Presses Universitaires de France © 2001, p. 441 et 442.

[6] Paul Foulquié, Dictionnaire de la langue philosophique, Presses Universitaires de France © 1962, p. 539 à 541.

[7] Voltaire, Dictionnaire philosophique (1769), Éditions Gallimard © 1994, p. 426 à 432.

[8] Diderot et d'Alembert, Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1765), Redon DVD-ROM © 2000.

[9] Ibid. Ce sous-article a été écrit par Gabriel François Venel (1723-1775), médecin qui enseignait tout autant la pharmacie, la médecine que la chimie. On se souviendra qu'à l'époque la philosophie évoquait chimie, alchimie et pierre philosophale.

Page consultée le 24 déc. 2008

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