Spéculations philosophiques 

 

François Brooks

2005-07-03

Essais personnels

 

Regard philosophique sur le Raëlisme[1]

SOMMAIRE

La spiritualité

Nous sommes UN

Ressentir l'infini

Les trois niveaux de la conscience

Regard philosophique sur le Raëlisme

Le Maitreya bouddhiste est, à l'instar du messie judéo-chrétien, le personnage attendu par les croyants orientaux pour sauver le monde. À titre de Raël, Claude Vorilhon affirme être le dernier messie, le prophète de l'ultime Révélation, il affirme donc être la réincarnation du Christ aussi bien que celle du Maitreya. (F. B.)

(NOTE : L'auteur a modifié légèrement l'orthographe de Maitreya, remplaçant le e par un a : Maitraya. On ne trouve aucune occurrence de Maitreya dans cette édition de 2002.)
 

La spiritualité

p. 37

Le seul privilège qu'il y a d'être vivant, c'est d'être conscient. [2] Et quand on est conscient, on ne peut qu'être émerveillé de sa propre conscience et qu'être heureux de vivre.

Raël

Nous sommes UN

Nous sommes UN [3] et c'est une très belle chose de ressentir cette fluidité lorsque nous sommes en méditation.

Ressentir un véritable état de méditation ne demande pas des années d'études, car c'est instantané. Ce qui demande des années d'entraînement, c'est de rester dans l'état de sentir cette unité en soi.

Et c'est important de le ressentir, parce qu'on ne peut pas se sentir UN avec les autres si on ne se sent pas UN avec soi-même. Comment ne pas nous sentir séparé des autres, si cette division existe à l'intérieur de nous-mêmes, si par exemple nous ressentons que nous sommes bien dans notre esprit mais sale dans notre corps [4].

C'est seulement après avoir réussi l'union en nous-mêmes que nous pouvons espérer atteindre l'étape suivante : être UN avec les autres.

Etre UN avec nous-mêmes signifie être UN avec l'Univers, avec l'Infini, avec tout, mais aussi avec rien. Parce qu'il n'y a pas de différence entre tout et rien... C'est la même chose.

Il n'y a pas plus de distance entre vous et moi, qu'il n'y en a entre les étoiles et moi. Il n'y a pas plus de distance entre vous et moi qu'entre les atomes et moi parce que l'infini est UN.

Lorsqu'on arrive à ce stade de compréhension et de ressenti, alors nous atteignons la conscience. Nous devenons de petits fragments de conscience individuelle qui, enfin, prennent conscience qu'ils ont cette conscience, parce que la conscience elle aussi est UNE.

Il n'y a pas d'écart dans l'univers entre la conscience individuelle et la conscience collective. On parle souvent de l'inconscience collective. Mais il y a plus important que l'inconscience collective : Il y a la conscience collective, qui n'est pas seulement planétaire mais également universelle et infinie.

La conscience collective est l'unité entre nous et tous les autres, car il y a unité entre tout ce qui est conscient dans l'infini.

Ressentir l'infini[5]

p. 38

Eprouver un sentiment d'unité entre tout ce qui existe dans l'univers, dans l'infiniment grand et dans l'infiniment petit de la matière ainsi que dans l'infini dans le temps, c'est ressentir l'infini. Et lorsque nous ressentons cette unité et ce lien avec tout ce qui nous entoure, nous devenons conscients, nous devenons capables de comprendre que nous sommes de petits fragments de matière qui se sont assemblés pour donner l'être vivant que nous sommes. La matière qui nous compose devient consciente d'elle-même.

Je suis en vous et vous êtes en moi [6]. Même si je disparais demain, je vais rester en vous. Cette conscience que je vous ai emmenée de l'Infini va continuer de vivre en vous et vous pouvez la transmettre à d'autres. Peu importe ma présence ou non, cette pensée et cette attention juste portées à la conscience ne dépendent pas de ma présence, car si vous êtes vraiment dans la conscience, je serai présent éternellement en vous, ainsi que chez vos descendants, comme vous-même le serez également. Car l'Infini et la conscience de cette unité sont éternels, ils sont partout à la fois, dans toutes les directions, ils existent et existeront toujours. En prendre conscience c'est leur donner vie !

Celui qui a conscience de l'infini est illuminé et c'est ce qui fait de lui un être éveillé, un être heureux [7].

Ni les petits bonheurs superficiels : l'argent, une grande maison, une belle voiture, ni les diplômes n'apportent réellement le bonheur. Le savoir et l'avoir n'ont rien à voir avec l'éveil, mais l'ETRE oui, car il laisse l'infini s'exprimer en lui. On ne peut pas « avoir » heureux, on ne peut pas « savoir » heureux mais on peut « être » heureux.

L'« avoir » et le « savoir » passent mais la conscience de celui qui « est » s'élève toujours.

L'âge n'a aucune prise sur l'intelligence de celui qui a décidé d'être conscient.

Les trois niveaux de la conscience

p. 40

1. Le premier niveau est celui de l'imbécillité.

L'imbécile est celui qui subit ses désirs et ses frustrations sans aucun contrôle sur ses réactions émotionnelles. Il est souvent agressif et parfois même violent. Il agit poussé par ses pulsions et se désole ensuite des conséquences qu'il a déclenchées autour de lui, car la plupart du temps ses paroles ou ses actes ont dépassé sa pensée [8].

Celui-là agit ainsi parce qu'il souffre, il souffre de ne voir jamais (ou peu) ses désirs assouvis et tant qu'il fera dépendre son bonheur de l'extérieur de lui-même, tant qu'il attendra des autres qu'ils lui apportent les stimulations dont il a besoin pour se valoriser et se donner l'impression d'être important, il restera dans cet état de perpétuelle frustration.

Nous devons éprouver de la compassion et donner notre amour à ces personnes, car elles ne savent pas ce qu'elles font [9] et c'est l'origine de leur souffrance.

2. Le second niveau est celui de la voie du détachement total.

C'est le refus des plaisirs, le refus de se confronter aux réactions de notre corps, de notre cerveau et aux risques d'insatisfaction qu'entraîne la gestion des différents plaisirs qu'offre la vie.

C'est une attitude de facilité car si nous ne cherchons aucun plaisir, nous n'aurons forcément aucune frustration. Celui qui ne se confronte pas, n'a pas de tentation...

En s'abstenant, on ne prend pas de risque, donc on reste serein... Il suffit de se convaincre que l'attitude obtenue est une preuve de sagesse... C'est évidemment faux car la vraie sagesse s'obtient par l'expérience : faire des erreurs, les corriger et continuer à avancer. Chaque erreur réparée est une victoire et un pas de plus vers l'éveil.

Ce second niveau est la voie de l'abstinence, enseignée par la plupart des religions : le refus de jouir de nos sens. Comme celui ou celle qui s'isole sur une montagne, dans un monastère tout seul loin du monde, loin de toutes les tentations. Il est facile de rester propre lorsqu'on ne se risque jamais à se salir. Cela peut-être très beau... pendant ce temps la vie passe à côté de nous avec son cortège de joies et de souffrances.

3. Enfin, il y a la voie supérieure qui est celle de jouir de la vie avec conscience.

C'est être capable d'évoluer dans la société au milieu des imbéciles, des tentations, en gardant le sourire et l'harmonie, en utilisant tous ses sens, toute sa musique intérieure, toute sa capacité de jouir de soi-même et des autres, sans être frustré si les autres ne nous apportent pas ce que nous espérions.

C'est être capable de faire du hockey sans devenir fanatique de sa ville. Etre capable de faire de la compétition et s'entraîner avec acharnement pour arriver le premier, non pour dominer les autres, mais pour se dépasser soi-même. Etre amoureux et cependant détaché de la relation amoureuse, ô équilibre subtil ! Etre capable d'être dans le désir et dans le plaisir si épanouissant, mais en même temps dans le détachement.

C'est oser goûter aux plaisirs directs qui s'offrent à nous parce que nous sommes totalement ouverts sur le monde, tout l'univers étant destiné à nous faire plaisir, sans toutefois attendre que le plaisir vienne de l'extérieur mais au contraire d'être capable de le stimuler à l'intérieur de nous-mêmes.

« Mon plaisir c'est moi qui le crée, je n'ai pas de frustration si on me refuse un plaisir que j'aurais sollicité. »

Le plaisir qui vient de l'intérieur c'est notre imaginaire qui le déclenche, ce plaisir là ne nous frustre jamais car nous le créons parfait et différent selon notre volonté.

Tout cet équilibre est délicat, mais qu'il est beau ! Je sens les fleurs, je respire leur parfum, mais si elles se détournent de moi je n'en suis pas frustré ou malheureux.

Etre dans le détachement, c'est savoir que tous les plaisirs de la Terre sont merveilleux, mais qu'ils ne sont pas indispensables : ce sont des plaisirs, pas des besoins. La confusion mentale consiste justement à considérer les plaisirs comme des besoins. En fait, nous avons peu de besoins fondamentaux (manger, boire, dormir...) [10] tout le reste ne sont que des envies.

Diversifions nos sources de plaisir à l'infini, ne les limitons pas à une seule chose, à une seule personne, à une seule passion, à un seul plaisir, goûtons-en le plus grand nombre possible ainsi, si un de ceux-là nous abandonne, il nous reste tous les autres, et même s'il n'en restait qu'un seul, nous pourrions encore être heureux avec celui-là, et même sans lui [11].

Regard philosophique sur le Raëlisme

Raël semble s'être forgé une philosophie éclectique en négligeant de mentionner les sources. Évidemment, comme il prétend être dicté par les Élohim, il pense que son inspiration est divine. Mais le premier venu est à même de reconnaître l'enchevêtrement culturel occidental qui l'habite, et les luttes intérieures qui l'animent.

On peut s'interroger sur les motivations personnelles de ce prophète moderne non bénévole. Est-ce un imposteur exploitant la crédulité des gens simples en quête de sens ? Les mouvements anti-sectes ne cessent de nous alarmer, mais que peut-on lui reprocher ? Que je sache, il ne fait de mal à personne. Libre adhésion au Mouvement raëlien ; contribution volontaire ; personnage paisible et sympathique : bel homme disposant de quelques facilités médiatiques.

Mais en ces temps où les grandes religions sont en perte de vitesse en France et ailleurs dans le monde, il m'importe davantage de comprendre pourquoi nous avons besoin de lui. Raël arrive à un moment où la technologie a répondu à de nombreuses questions qui, par le passé, étaient considérées comme des mystères ou des miracles. Jouissant de la protection garantie par la Charte des droits et libertés, il peut donc répandre sa Bonne Nouvelle sans autres obstacles que les critiques de détracteurs jouissant des mêmes privilèges.

Le principal message de Raël est qu'il n'y a rien de mystérieux dans l'existence. Il faut simplement jouir de la vie. Pour appâter nos âmes, il propose la possibilité d'être réincarné par le clonage. Le raëlisme nous invite à y souscrire. La conscience de notre mort nous angoisse toujours. À travers l'Histoire, c'est le principal problème que l'humain a essayé de contourner par la foi religieuse.

Mais est-ce que Raël est un imposteur, oui ou non ? Pour le savoir, il faudrait vérifier auprès des extra-terrestres qu'il prétend avoir rencontrés. On a beau vivre une époque technologique avancée, mais, comble d'imprévoyance, quand il est allé rencontrer Jésus et autres Jéhovah sur leur planète en soucoupe volante, il n'avait pas pensé à apporter une caméra ou un magnétophone qui aurait confirmé ses dires.

Tout comme le Royaume des Cieux du Christ était inaccessible aux vivants, les Élohim de Raël semblent hors de notre portée pratique. Comme pour tout prophète et dans toute religion, le seul accès reste la FOI. Qu'est-ce que Raël apporte de plus ? Les Élohim ne sont pas pressés de se faire connaître ; on peut attendre le Messie encore longtemps.

D'un point de vue philosophique, le Raëlisme est une toute nouvelle religion en gestation. Va-t-elle durer ? Va-t-elle s'éteindre avec la mort du fondateur comme s'est éteinte la religion de Rajneesh ? Qui vivra verra. Je suppose que de tout temps, les religions naissent et meurent comme les étoiles au firmament de nos besoins métaphysiques.

Aujourd'hui comme au temps de Jésus, nous traversons une époque d'incertitude politique où nous sommes toujours friands de messies qui apportent un sens à notre vie. Raël n'a rien à craindre ; aussi longtemps que ses promesses — comme celles de Jésus à son époque — ne rencontrent pas la nécessité d'aboutir, il peut compter sur l'espérance de ses fidèles — principal ciment des communautés religieuses — pour combler nos béances existentielles.

Avec le temps, l'articulation des théologies a apporté aux humains un ersatz à l'accomplissement des religions qui ne se produit jamais. Il reste alors aux raëliens à articuler leur propre théologie. Les Évangiles nous avaient habitués à une littérature de grande qualité. Ici, le balbutiement initial du Maitraya Raël n'offre malheureusement pas une formulation très engageante.

Il y a 2000 ans, les judaïstes avaient déjà compris l'inutilité de la venue réelle du messie : à quoi servirait la foi, si la promesse devait se réaliser ? De fait, sous son apparence grossière, Claude Vorilhon n'est peut-être pas plus bête. L'espérance fonde toute religion. Comme le désir s'évanouit lorsqu'on le comble, la venue du messie apporterait l'effondrement de la foi qui maintient toute religion. Bref, l'arrivée effective des Élohim sur terre sonnerait le glas du raëlisme. La nature humaine étant ce qu'elle est, aucun messie ne pourrait apporter la paix éternelle sur terre. Celui qui se déclare messie est donc, par essence, un imposteur.

[1] Extrait de Raël, Le Maitraya, Ed. Fr © 2002, Ch. IV : La spiritualité (p. 37-42).
(Voir aussi Raël, réel, raëlisme)
                                                      Ci-après, les commentaires de : F. B.

[2] Freud a, pour ainsi dire, inventé la notion d'inconscient. Il a travaillé toute sa vie pour élaborer la thèse qui postule que le bonheur (ou la guérison) consiste à devenir conscient de ce qui est refoulé dans l'inconscient. Les bouddhistes répandent depuis des millénaires une croyance analogue en enseignant les techniques d'éveil destinées à libérer de l'illusion de l'ego, et à provoquer la sensation d'unité avec l'Univers, extase sublime. Raël reformule ici l'idée en vogue, reprise par tous les gourous du Nouvel-Âge depuis 25 ans. Cette idée (ce mème) est d'ailleurs l'une des plus populaires de la fin du XXe siècle. (Voir les textes La conscience, c'est le pactole (1) et (2).)

[3] Voir le concept de l'UN, rénové chez Plotin au IIIe siècle apr. J.-C., mais dont le peuple hébreu avait initié l'usage religieux avec le concept du Dieu unique élaboré par Moïse. Plus tard, au XVIIe siècle, le mathématicien Leibniz en fit un système philosophique complexe en concevant l'idée de monade. Voir aussi Nicolas de Cues qui, au XVe siècle, établit le lien incontournable entre l'unicité de Dieu et ses attributs d'infinité. En philosophie occidentale, on retrouve les premières réflexions sur la notion d'unicité dès le VIe siècle av. J.-C. chez Xénophane, Pythagore et Anaxagore qui a élaboré l'étonnant concept de Noüs.

[4] La notion de souillure corporelle est très présente dans la Bible. Celle-ci fut le précurseur de l'application du code d'hygiène publique. Si, à l'époque de Moïse ou d'Abraham, l'hygiène représentait quelque chose de mystérieux qu'il fut nécessaire de sacraliser pour imposer une forme élémentaire de santé publique, depuis Pasteur et le perfectionnement des microscopes, on a une connaissance scientifique des virus et microbes qui nous a éloignés des besoins de mystification bibliques pour appliquer l'hygiène aux populations. La reprise de cette métaphore symbolique par Raël me semble en discordance avec la généralité de ses messages qui se veulent scientifiques.

[5] L'infini est un des nombreux attributs de Dieu. La Bible et les philosophes du moyen âge, dont Nicolas de Cues, ont longuement trituré la notion. Bruno a d'ailleurs brûlé sur le bûcher de l'inquisition pour avoir démontré la thèse évoquée ici par Raël. Chez les anciens Grecs, comme Zénon d'Élée, on y trouvait une représentation géométrique qui alimentait d'intéressantes réflexions. Plus près de nous, dans sa Doctrine de la science, Fichte nous dit que notre Moi absolu est activité infinie. Dans cette thèse, il met l'infini — attribut spécifiquement divin — à portée de l'humain. La notion d'infinité est une notion philosophique très populaire. Qu'ils soient naturalistes, spiritualistes ou athées, les philosophes Anaxagore, Spinoza, Leibniz, Pascal, Feuerbach et tant d'autres s'en sont alimentés copieusement.
 
Dans le monde religieux, l'infini se confond avec « Dieu » ; dans le monde scientifique, c'est une notion mathématique. Pythagore fut le premier philosophe à diviniser les nombres, établissant un rapport direct entre la divinité et les mathématiques, qui, encore aujourd'hui, persiste dans le monde entier. On fait toujours la guerre pour la conquête de territoires ou pour les divergences culturelles, mais les maths sont universelles. Quelle que soit l'allégeance, chacun reconnaît l'universalité du principe affirmant que 2 + 2 = 4. Mais la notion d'infinité reste encore fortement débattue ; autant sous l'aspect religieux que scientifique, elle aboutit toujours sur de troublants paradoxes.
 
À la faveur du courant Nouvel-Âge — nouveau romantisme axé sur l'exaltation de l'ego — Raël propose d'établir le lien entre l'infinité et le ressenti individuel. Démarche éminemment paradoxale puisque, face à la multitude, l'on ne peut faire autrement que de constater nos limites individuelles. Le rapport aux autres augmente certainement le sentiment d'exister — il énergise — mais dans l'intimité à soi-même, l'incontournable sentiment de solitude nous ramène aux inévitables limitations de la condition humaine.

[6] Raël s'approprie ici une citation de l'Évangile : « En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et que je suis en vous. » (Jean 14:20, Louis Second, 1910).

[7] L'être éveillé, l'illuminé, celui qui a conscience de l'infini, est nécessairement un privilégié — une sorte d'élu que Raël qualifie d'heureux. Y a-t-il vraiment lieu de se réjouir lorsqu'on est privilégié ?
 
La notion d'« élu de Dieu » revient constamment dans la Bible pour désigner le peuple d'Israël. Mais cette notion apparaît aussi dans la philosophie occidentale. Notamment chez Marx qui élabore le concept de lutte des classes. Dans toute hiérarchie, il y a toujours un dominateur suprême qui s'établit au haut de la classe dominante. C'est l'« élu ». Marx dénonce l'injustice sociale issue de la hiérarchie. Il s'attaque particulièrement à la religion qu'il qualifie d'opium du peuple.
 
La prétention d'être « choisis de Dieu », donc d'occuper une place privilégiée dans l'ordre divin, a valu aux Juifs une haine impitoyable. Au cours de l'Histoire, l'immigrant juif qui arrive dans le pays d'accueil, et refuse de s'assimiler en prétendant que son Dieu unique est universel encourt déjà le rejet. Mais s'il affirme en plus être le peuple élu de Dieu, comment peut-il s'intégrer harmonieusement ?
 
Le nouveau venu débarque avec sa culture, ses dogmes, ses coutumes, et il prétend être supérieur de par son rapport privilégié avec Dieu. Comment désamorcer l'inévitable conflit ? La solution chrétienne ou raëlienne consiste à tous devenir Juifs ; c'est-à-dire, tous adhérer au même système de valeurs. Mais, ô paradoxe ! comment pourrions-nous tous être privilégiés ?
(Voir le texte Si vous étiez Juif... sur les fondements du racisme et de l'antisémitisme.)

[8] Raël opère ici à un glissement de sens dans lequel il exprime sa haine dans une opinion bancale. Comme on le fait souvent à tort, il amalgame l'« imbécile » avec le « colérique » (ou atrabilaire, ou irascible, ou rageur) qu'il n'aime manifestement pas. Il considère ces comportements comme un manque d'intelligence. Pourquoi son système de valeur invite-t-il à faire l'économie des nuances ? Le terme injurieux dit « ceci est mauvais ». Il escamote l'examen des causes en suggérant que la personne a fait le mauvais choix. Mais la colère est-elle toujours à proscrire ? N'est-il pas « intelligent » d'exprimer une saine colère plutôt que de refouler ?
 
D'autre part, le manque d'intelligence est-il une faute ? Chacun naît avec ses propres limitations. Doit-on se culpabiliser d'être moins intelligent qu'un autre ? Si l'intelligence dépendait de la volonté ne serait-il pas facile de l'être ? Et puis, le manque de volonté est-il une faute ou une disposition naturelle et circonstancielle ?

[9] Le pardon que Raël recommande est formulé par le Christ en croix : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. » (Luc 23 : 34) Discours familier des prêches du dimanche. Ceux qui ne savent pas ce qu'ils font sont des inconscients ; on ne peut les blâmer. On retrouve un principe analogue chez les philosophes qui ont recours au destin pour justifier les évènements.
 
La contrepartie est de croire en la liberté de l'individu. D'une part, on accepte tout ce qui arrive en estimant que c'était écrit dans le ciel ; ou bien l'on se responsabilise en agissant volontairement pour que le monde obéisse à notre volonté. Éternel dilemme : choisir entre liberté et destinée. On peut aussi envisager l'idée sous le simple aspect temporel : le destin c'est le passé ; la liberté, c'est le futur ; et dire que si nous voulons garder le pouvoir d'agir sur l'avenir, il est nécessaire de pardonner, c'est-à-dire oublier les rancoeurs qui alourdissent l'esprit pour libérer l'énergie d'agir un futur meilleur.

[10] Raël dénombre trois besoins fondamentaux ; Maslow en compte cinq ; j'en avais dénombré huit (voir le texte Besoins fondamentaux). Raël a pensé au besoin de dormir. Très judicieux ! Personne ne l'a mentionné, pourtant il est aussi nécessaire que la respiration. Henri Laborit en avait mentionné un autre : copuler (se reproduire).

[11] À une nuance près, les anciens Grecs, Aristippe et Épicure soutenaient un discours analogue. Aristippe, pour les plaisirs sans limites, et Épicure pour les plaisirs avec tempérance. L'Ecclésiaste de la Bible tenait aussi un discours hédoniste. Mais Raël, épris de l'infini et en phase avec l'époque consumériste effrénée, recommande d'une part la multiplication sans fin, et d'autre part, affirme la possibilité du bonheur sans aucun plaisir. Comment soutenir une affirmation aussi paradoxale ?

Philo5
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