Bienvenue au 74e

« Philo sans fumée »

de juillet 2006

Bonjour à tous!

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1.     NOUVELLES DE PHILO5 Ê :

*     Colloque de l'UNESCO concernant les « Nouvelles pratiques philosophiques » Ê

*     Texte originaux de Marx, Mill et Dilthey Ê

*     Deux nouveaux philosophes s'ajoutent : Helvétius et Sade Ê

2.     SUJET DU MOIS Ê : MATIÈRE DE LA PENSÉE

3.     PHILOSOPHE DU MOIS Ê : HUME

4.     LES QUESTIONS PHILOSOPHIQUES Ê : QUESTIONS TYPIQUES : « Choix de réponses »

5.     QUELQUES LIVRES REMARQUABLES Ê : 3 livres : Jean-Marie Domenach, Pierre Corbeil et Jean Bourbeau.

6.     MAGAZINE Ê : MAGAZINE LITTÉRAIRE : « Camus » et ENTREPRENDRE : « Le fées ont encore soif »

7.     RIRE ET S'ATTENDRIR Ê : ACHILLE TALON : Greg illustre Goethe

8.     PENSÉES DU MOIS Ê : Sébastien Chamfort et Woody Allen

9.     POUR LES NOUVEAUX PARTICIPANTS... Ê : Écrivez nous pour participer...

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1 – N O U V E L L E S   D E P H I L O 5

Colloque de l'UNESCO concernant les nouvelles pratiques philosophiques.

* À quoi sert la philo? se demande-t-on souvent. L'UNESCO a décidé de l'utiliser pour promouvoir la paix dans le monde. Pour la première fois de son histoire, et trois ans après avoir proclamé le troisième jeudi du mois de novembre de chaque année « Journée mondiale de la philosophie », cet organisme international s'est doté, en 2005, d'une stratégie intersectorielle concernant la philosophie (Cliquer ici pour voir le document .pdf)  Il y aura un colloque international sur les « Nouvelles Pratiques philosophiques » le 15 et 16 novembre à Paris. (lire la suite...)

Textes originaux des philosophes

* Je vous offre ce mois-ci les textes fondateurs de la pensée philosopĥique de trois philosophes :

  1. Marx : Le Capital &. Inspiré de Hegel et de Feuerbach auxquels il s'oppose, il a produit un matérialisme dialectique et historique. Son influence a été phénoménale dans un siècle où le capitalisme sauvage engloutissait la vies de tous les travailleurs dans des usines où l'homme était mis au service de la machine. Deux faits croustillants sur sa vie : 1. Le cours de l'histoire aurait pu être complètement changé puisqu'il s'est battu en duel à l'âge de 19 ans, lorsqu'il était étudiant à Berlin. 2. Comme de nombreux philosophes, il a joui d'une vie sans jamais véritablement travailler, au sens où on entendait le travail à son époque. Journaliste pigiste, il bénéficia de trois héritages et fut entretenu pendant une longue période par son ami Engels, propriétaire d'une grosse usine de filature qui exploitait des ouvriers.
  2. John Stuart Mill : Utilitarisme, logique, empirisme et féminisme &. Cet économiste britannique base sa pensée sur une solide fondation logique, linguistique et scientifique. On y reconnaît les racines de l'empirisme de Berkeley, mais son principal apport à la philosophie a été de concevoir l'utilitarisme qui consiste à rechercher le plus grand bonheur pour le plus grand nombre de personnes possibles. Il fut un des premiers penseurs du féminisme où il réclame avec une logique irréprochable l'égalité des femmes.
  3. Wilhelm Dilthey : Sciences de l'esprit &. Ce philosophe allemand est à la jonction de l'Histoire, la psychologie, les sciences sociales et le naturalisme. Il a élaboré les bases de la sociologie en tant que sciences de l'esprit. Nous savons que le XIXe siècle s'est acharné à passer d'un monde religieux à un monde scientifique. L'entreprise était titanesque. Imaginez... il faut complètement refaire les bases de notre conception du monde. Comme l'esprit a toujours été un phénomène intangible et plutôt mystérieux, il s'agissait de partir sur des bases empiriques pour expliquer le phénomène de la pensée humaine sans référer d'aucune manière à quelque conception religieuse que ce soit. Si la mort de Dieu a affecté Nietzsche, Dilthey a trouvé une voie tout à fait géniale pour éviter les écueils de cette révolution. Les deux courts textes que je vous propose sont très denses mais ils disent tout sur cette philosophie et démontrent la production d'un tour de force incroyable.

Deux nouveaux philosophes s'ajoutent : Helvétius et Sade

* Terminer le siècle des Lumières avec Jean-Jacques Rousseau aurait été un peu court et c'était escamoter deux penseurs très importants. D'abord, Helvétius nous a apporté une contribution essentielle au matérialisme. Considérant l'égoïsme sous un angle original, il démontre que cette attitude généralement considérée comme malsaine peut être tout à fait morale. Le tout consiste à légiférer de telle sorte que l'individu trouve plus d'intérêt à suivre la loi qu'à la violer. Parmi ses citations &, en voici une qui a inspiré toute la philosophie française actuelle « Nul n'a droit sur l'air que je respire, ni sur la plus noble fonction de mon esprit, celle de juger par moi-même »

On a longtemps voulu jeter Sade hors l'arène philosophique. Pourtant, si la philosophie s'engage à penser le monde, peut-on véritablement escamoter une pensée sur le sexe? La plupart des philosophes restent muet sur la libido, et nos racines judéo-chrétiennes réduisent l'activité sexuelle à la procréation. Mais la liberté sexuelle de notre époque et l'avancement de la pensée et des pratiques sadomasochiste (SM) nous oblige à reconnaître que la philosophie a aussi le devoir de « penser au cul ». Sade a choisi de redonner aux plaisirs de la chair toute leur noblesse. Même si les pratiques qu'il recommande dans ses écrits sont souvent répugnantes, on ne peut quand même pas rejeter du revers de la main ces idées dérangeantes qui s'emparent de nous et nous font parfois bander sans même passer par notre consentement. Toute la sexualité de Sade est basée sur la transgression. Sexualisme et immoralisme & voilà ce qui l'allume. Sa philosophie lui a coûté 30 ans de prison et il s'en eut fallu de peu qu'il passe par l'échafaud, mais personne ne le plaindra ; il a tant orgasmé aux frais de la déesse « désobéissance », il fallait bien qu'il lui paie quelque tribut.

 

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2 S U J E T   D U   M O I S   :

MATIÈRE DE LA PENSÉE ððð

J'ai eu le bonheur de rencontrer, ce mois-ci monsieur Éric Stern qui m'a proposé une réflexion philosophique très intéressante qui prolonge la sempiternelle question de la dualité matière-pensée, telle qu'envisagée par Platon, Descartes et tant d'autres. Il nous  invite à réfléchir avec lui sur la question suivante : « La pensée, plutôt que d'être considérée comme opposée à la matière, pourrait-elle, comme le ruban de Möbius, n'être qu'une seule et même chose? ».

Notre pensée occidentale nous a habitués à considérer nos perceptions à partir de contrastes. Les matérialistes s'opposent farouchement à la vision spiritualiste du monde et vice versa. Voir le monde en terme d'opposition est une perspective commode. Telle équipe sportive s'oppose à telle autre, le noir s'oppose au blanc, le bien au mal, etc. Comme Lao-Tseu l'avait si sagement exposé dans son deuxième verset du Tao Te King, la dualité, bien que commode pour apercevoir les contrastes est une vision qui nous cache une réalité plus profonde de la complémentarité.

 

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3 L E   P H I L O S O P H E   D U   M O I S   :

Hume

Hume est un philosophe d'une puissance de pensée extraordinaire. Imaginez, dans un siècle de sorcières où les fantômes des esprits sont omniprésents et que la magie est partout du simple fait que l'ignorance généralisée n'arrive pas à expliquer le monde d'une manière rationnelle qui nous rassure sur les causes matérielles, imaginez dis-je, qu'un philosophe se lève et trouve le moyen de démontrer que tout s'explique par une observation minutieuse du monde, de la matière, et qu'on puisse le comprendre sans craindre quelque effet inattendu de la superstition. Hume est celui-là. Il affirme que tout a une cause et que dans les mêmes conditions, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Il affirme aussi, audace suprême que la religion est un produit de l'esprit humain.

Son tour de force ne consiste pas tant à concevoir des réalités qui sont pour nous aujourd'hui banales mais d'avoir osé accepter d'organiser sa compréhension du monde de telle sorte que l'angoisse de l'incertitude disparaisse. Non, nous ne sommes pas à la merci de dieux superstitieux ou d'esprits extérieurs agissant sur nous, ni même d'idées générales. « Tout  dans la nature est individuel [...] les idées abstraites sont donc en elles-mêmes individuelles, quelque générales qu'elles puissent devenir quant à ce qu'elles représentent. ». Il est impossible de concevoir un espace qui ne serait ni tangible ni visible. « et une étendue tangible ou visible, qui n'est ni rude ni douce, ni noire ni blanche, est également hors de l'atteinte de la conception humaine. ». Il développe une philosophie de la perception qui explique, à l'aide de son concept d' « habitude » que nos réalités ne peuvent qu'être matérielles.

 

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4 – L E S   Q U E S T I O N S   P H I L O S O P H I Q U E S

Ou bien... Ou bien?

Dans les types de questions possibles, nous avions choisi le mois dernier de les examiner sous l'angle théologique :

 Les types de questions sur Dieu

 

Nous allons aborder ce mois-ci la troisième question philosophique type. Cette question est facile puisqu'elle donne un choix de réponse. Par contre, elle limite nécessairement notre liberté puisqu'elle circonscrit la réalité dans un champ déterminé :

Dieu est-il amour ou justice? (On a ici deux présupposés explicités.)

 

Dans le choix de réponse, les athées y verront à raison un piège. On présuppose que Dieu existe. Si vous acceptez d'envisager cette question, c'est que vous admettez automatiquement la prémisse de l'existence de Dieu. Vous refuserez alors de l'aborder si vous êtes farouchement athée, et c'est très bien d'être fidèle à sa croyance de non-croyance. Mais on peut aussi admettre que cette question n'est qu'un jeu qui pourrait nous permettre d'éclaircir cette prémisse. Le deuxième présupposé est que si Dieu Existe, il ne pourrait pas être et amour, et justice. Il faut choisir.

 

Comment répondriez-vous à cette question?

 

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5 – Q U E L Q U E S   L I V R E S R E M A R Q U A B L E S

Enquêtes sur les idées contemporaines, Jean-Marie Domenach

Seuil © 1981

Presque vingt ans avant la fin du siècle dernier, Jean-Marie Domenach nous livrait un opuscule dense comme je les aime. En onze chapitres de moins de dix pages, il nous livre l'essentiel de l'effervescence philosophique de l'heure. Les avatars du marxisme, les nouveaux historiens, de Freud à Lacan, les nouveaux philosophes, les nouveaux libertaires, nouvelle droite et sociobiologie, la systémique, sont les chapitres où il nous livre un compte rendu de la philosophie de l'heure. Écrit presque dix ans avant la chute du mur de Berlin, il est intéressant d'observer comment la pensée philosophique donne une vision juste de notre évolution sociale en fonction des grands thèmes auxquels elle s'intéresse.

 

À la découverte de l'Absolu, Pierre Corbeil

Éd. Isabelle Quentin © 2006

Pierre Corbeil est un des premiers disciples de Prabhoupad, celui qui est venu en Amérique dans les années soixante pour faire la promotion de la Bhagavad-gita – un des plus vieux et des plus populaires écrits religieux de l'Inde. Le groupe est maintenant connu sous le nom des Dévots de Krishna. Pierre Corbeil a décidé de mettre à la portée de tous les préceptes de cet enseignement qui n'a rien de relatif. Il analyse pour nous 18 versets de ce vénérable enseignement dans un langage clair.

En philosophie, l'absolu est ce qui s'oppose au relatif. J'ai trouvé un intérêt particulier à le lire pour deux raisons : 1. Puisque cet enseignement relève d'un folklore mythologique qui nous est peu familier, les aspects universels de l'absolu ressortent clairement. 2. Puisque nous ne nourrissons pas d'affect particulier envers cette religion, il nous est alors facile d'identifier les aspects caractéristiques de la nôtre.

Même si je me targue d'avoir une pensée nuancée et relative, la lecture de ce livre m'a démontré que je suis loin de l'idéal philosophique que je professe. Je possède moi-même ma petite idée bien arrêtée sur ce qu'est l'absolu. Et ce livre m'a confronté tout le long avec cette réalité. Il m'a fait le cadeau de ces questions : comment l'Absolu peut-il faire l'objet d'un consensus alors que nous vivons dans des conceptualisations du monde si variées? L'Absolu d'un autre doit-il mener à l'exclusion ou devrait-il chercher à trouver ce qui en nous est le plus fondamental? Et même si nous nous entendions tous à reconnaître le même Absolu, qui nous dit que cette vision collective serait véritablement Absolue? N'avons-nous pas effectivement besoin de relativiser notre rapport au monde pour définir l'Absolu? Qu'est-ce que l'Absolu?

 

Horty, Jean Bourbeau

Carte Blanche © 2000

La mutation de société dans laquelle nous nous sommes engagés – les femmes d'abord par le mouvement féministe – oblige l'homme à redéfinir sa position existentielle. Le masculisme est une culture émergente qui s'enrichit de jour en jour. Jean Bourbeau nous présente un roman miroir dans lequel de nombreux hommes vont se reconnaître. Il raconte l'histoire d'un Jules qui va se frotter à Hortie, une femme particulièrement irritante. Le roman couvre une période de trente ans et nous décrit l'aventure paternelle depuis le jeune collégien niaiseux jusqu'à l'adulte naïf qui s'engage dans une relation sans trop comprendre ce qui lui arrive et qui va se retrouver emprisonné dans un rôle tout à fait différent de celui pour lequel son éducation l'avait préparé. Avec la mutation des valeurs sociales, il va en quelque sorte devoir se rééduquer pour fonctionner. Éduqué pour le mariage exclusif, il sera confronté au divorce. Éduqué dans le partage et l'altruisme, il devra se rééduquer pour l'égoïsme et l'autocentrisme. La collaboration doit se transformer en autonomie ; le devenir père en devenir mon'oncl' gâteau ; le travailler pour vivre en vivre pour travailler. Bref, son union matrimoniale sera bouleversée de fond en comble et il devra, avec toute sa naïveté trouver le moyen de ne pas sombrer. Depuis Cali qui chante ses relations masculines douloureuses à l'autre sexe, jusqu'à Jean Bourbeau qui nous raconte sa vie dans son roman, le mouvement masculiste commence à nous proposer du matériel culturel dans lequel les hommes vont pouvoir désormais se regarder pour enfin un peu mieux se comprendre. Le masculisme, culture émergente à surveiller... (Ce livre n'est pas disponible en librairie mais l'auteur se fera un plaisir de vous l'envoyer pour un montant plus que raisonnable. Vous n'avez qu'à lui téléphoner au 450-424-9423)

 

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6 – M A G A Z I N E

 

Albert Camus, penser la révolte, Le magazine littéraire - No. 453 Mai 2006

Si vous êtes tannés d'entendre parler de philosophie, vous feriez mieux d'essayer d'apprendre comment vous pouvez y trouver votre compte. Pas un mois ne se passe sans que l'un ou l'autre des grands mensuels culturels ne sorte un dossier. Et ils ont raison. Sous la perspective de chaque grand philosophe, il y a un regard du monde original et incontournable. Si le XXe siècle a accouché d'un monde douloureux, en cette aube du XXIe, nous commençons à comprendre qu'il faudra le repenser et que les philosophes sont une mine inestimable pour nous inspirer. Ce mois-ci, le magazine littéraire nous présente un dossier sur Camus et l'époque qui a entouré la naissance de sa pensée. Il est intéressant de voir comment on peut traiter l'information qu'on a sur un philosophe quand on dispose de témoins vivants et de documents élaborés. Pour ce philosophe assez près de nous, le dossier foisonne de photos de scènes de sa vie qui nous permet d'en faire un personnage moins livresque et plus vivant.

 

 

Les fées on encore soif, Entreprendre – Hors série No. 19 - 2006

Régulièrement depuis 1996, la revue entreprendre fait une faveur au mouvement féministe en publiant un numéro hors série qui présente 100 femmes choisies pour leurs qualités exceptionnelles, en regard de leur réussite professionnelle. Entreprendre nous présente cette année une cuvée variée très intéressante que l'on pourrait partager en cinq classes féministes : 1.  Les paradoxales, 2. Les « light », 3. Les irréprochables, 4. Les intéressantes et 5. Les pas féministes du tout. (Lire la suite...)

 

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7 – R I R E   E T   S ' A T T E N D R I R

 Achille Talon : Greg illustre Goethe (mais si!)

IL N'Y A PAS DE MENU PLAISIR

 

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8 – P E N S É E S   D U   M O I S

& & &

Le bonheur n'est pas chose aisée, il est très difficile de le trouver en nous, et impossible de le trouver ailleurs.

Sébastien Chamfort (Citation No. 209)

¯ ¯ ¯

Les religions sont des clubs qui engendrent l'exclusion. Elles favorisent le concept de l'autre : elles t'indiquent clairement qui tu dois haïr.

Woody Allen (Citation No. 73)

 

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9 P O U R   L E S   N O U V E A U X   P A R T I C I P A N T S

 « Philo sans fumée » est le bulletin mensuel de Philo5.com mais c'est aussi une rencontre mensuelle organisée le premier vendredi de chaque mois. Vous êtes cordialement invité à y participer. Pour être invité, écrivez-nous.

Si vous n'habitez pas Montréal et que nos rencontres vous intéressent, vous pouvez encore nous écrire vos réflexions. Elles seront communiquées au groupe et viendront enrichir notre échange. Qu'elle soit épistolaire ou en personne, nous vous remercions de votre présence.

 

François Brooks

 

 www.philo5.com

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