Bienvenue au 82e

« Philo sans fumée »

d'avril 2007

Bonjour à tous!

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1.     NOUVELLES DE PHILO5 Philo5Flèche_8(16x12)

*  La nuit de la philosophie Philo5Flèche_8(16x12)

*  La philosophie à Montréal Philo5Flèche_8(16x12)

*  Un nouveau philosophe s'ajoute : Michel Foucault Philo5Flèche_8(16x12)

*  Textes originaux de Camus, Merleau-Ponty, Dawkins et Levinas Philo5Flèche_8(16x12)

*  Philo5 célèbre sa millionième visite Philo5Flèche_8(16x12)

2.     SUJETS DU MOIS Philo5Flèche_8(16x12) : SE RÉCONCILIER AVEC SA PROPRE PAROLE, avec OSCAR BRENIFIER

3.     PHILOSOPHE DU MOIS Philo5Flèche_8(16x12) : VICO

4.     LES NOTIONS ET LEURS RELATIONS Philo5Flèche_8(16x12) : LA RELATION AU SENS LARGE

5.     QUELQUES LIVRES REMARQUABLES Philo5Flèche_8(16x12) : L'ÉGLISE CATHOLIQUE, SOCRATE, IRSHAD MANJI, MICHEL PRUNEAU et DESCARTES

6.     MAGAZINE Philo5Flèche_8(16x12) : RELIGIONS, CHRÉTIENTÉ ET MÉDIAS.

7.     RIRE ET S'ATTENDRIR Philo5Flèche_8(16x12) : LE VISAGE DE DIEU ; QUESTION–RÉPONSES ; INFORMATION TV ;

8.     PENSÉES DU MOIS Philo5Flèche_8(16x12) : BERNARD DE CHARTES

9.     POUR LES NOUVEAUX PARTICIPANTS... Philo5Flèche_8(16x12) : Écrivez-moi vos réflexions...

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1 – N O U V E L L E S   D E   P H I L O 5

La nuit de la philosophie / 24 heures

photo2007_01Philo5_(15x22) Pour la troisième année consécutive, l'UQÀM accueillait cet événement unique en Amérique où professionnels, étudiants et enthousiastes ont pu s'en donner à cœur joie dans 125 activités philosophiques tenues par plus de 215 participants. 6000 personnes se sont présentées à La nuit de la philosophie, dont 500 de 21 pays différents grâce aux visioconférences organisées par l'agence universitaire de la Francophonie. Philo5.com était fier d'y apporter sa contribution en exposant 125 philosophes. Merci à Madame Josiane Boulad-Ayoub pour son aimable parrainage, à Jean-François Landry et Sindy Brodeur, organisateur(trice)s bénévoles inestimables, et à Daniel Descheneaux et Guy Tétreault pour leur indéfectible support technique et philosophique.

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La philosophie à Montréal

Philo5_(15x22) LA PHILOSOPHIE À MONTRÉAL – PHILOSOPHY IN MONTREAL est un babillard administré par M. Julien Villeneuve où vous pouvez trouver rassemblés toutes les annonces d'événements se rapportant à la Philosophie à Montréal - Philosophy in Montreal(100x403)philosophie et qui se dérouleront à Montréal et les environs. C'est un site bilingue très actif, que je vous recommande d'ajouter à vos signets.

 

 

Un nouveau philosophe s'ajoute : Michel Foucault

Philo5_(15x22) Foucault-12(83x100)Michel Foucault nous a donné la notion de savoir-pouvoir Philo5Livre(12pt). En même temps que Dieu s'est effacé, il est apparu une population croissante qu'il a fallu « normaliser ». L'humain est donc devenu sujet d'étude. S'il fallait jadis l'endoctriner dans une foi métaphysique pour le contrôler, il a désormais fallu l'étudier pour comprendre ses mécanismes et appliquer des normes sociales nous permettant de le dominer. Maladie, folie, délinquance, ignorance, besoin et désir, autant de catégories créées pour prendre le contrôle de l'être humain et s'assurer qu'il entre dans le domaine du « connu », donc, maîtrisable. Mais déjà, Foucault entrevoit la mort de l'humanité qui n'est désormais plus qu'un effet de discours et d'assujettissement disciplinaire si nous refusons de le considérer en homme libre, ni fou, ni malade, ni bandit, ni psychiatre ni médecin, ni gardien de prison mais mon frère, ton frère qu'il faut accepter dans sa différence sans hiérarchiser cette différence.

 

Textes originaux des philosophes

Philo5_(15x22) Je vous offre ce mois-ci les textes fondateurs de la pensée de quatre philosophes

1.      Camus-5Camus : L'absurde et la révolte Philo5Livre(12pt). J'ai un faible pour Camus à cause de son honnêteté intellectuelle. C'est le premier philosophe qui a osé affronter le suicide avec une telle lucidité. Mais son originalité principale réside dans le fait qu'avec lui, est née l'idée d'un nihilisme éthique. Le bien et le mal provenaient traditionnellement de considérations religieuses. Nier Dieu, voulait dire « vivre dans le chaos », rejeter toute forme de morale. En essayant d'appliquer les philosophies de Nietzsche et de Hitler, la race humaine s'en était faite une cuisante démonstration. Avec une profonde réflexion d'une logique implacable et d'une humanité exemplaire, Camus a pourtant démontré que l'on pouvait faire l'économie de la foi sans rien sacrifier à l'éthique.

2.      Merleau-Ponty : L'homme est chair du monde Philo5Livre(12pt). L'originalité de Merleau-Ponty peut être MerleauPonty-3difficile à saisir si on ne tient pas compte du fait qu'il vivait à une époque des sciences et de la technologie triomphante. Pour un peu, on croyait pouvoir définir l'humain par nos seules connaissances scientifiques. Notre philosophe a démontré que « la science n'a pas et n'aura jamais le même sens d'être que le monde perçu pour la simple raison qu'elle en est une détermination ou une explication ». En clair, sa question pourrait se résumer ainsi : si l'humain explique le monde par sa science, comment « l'explicateur » pourrait-il être expliqué par son explication? Il nous faut donc autre chose pour sortir de cette aporie scientifique.

3.      Richard Dawkins : Les mèmes, nouveaux réplicateurs Philo5Livre(12pt). Dawkins a redonné une forme Dawkins-02-2(76x100)de spiritualité au Darwinisme. En effet, il applique la théorie de la sélection naturelle aux idées. Il nous explique que, comme le gène est une entité biologique mue par le seul désir de se reproduire, de manière analogue, les idées sont des « mèmes » dont le seul but est un besoin égoïste de se multiplier comme nos chromosomes.

4.      Emmanuel Levinas : Visage de l'autre Philo5Livre(12pt). Quoi de plus banal qu'un visage? On ne croirait pas Lévinas-4pouvoir bâtir toute une philosophie sur ce seul mot. Lévinas en a pourtant fait un concept incontournable. Il n'y a qu'à penser à toute la difficulté que représente le seul exercice de regarder quiconque en plein visage. Quel malaise! Un visage exprime une telle nudité de l'âme qu'il incite à tuer, nous dit Levinas. Pourtant, c'est en même temps ce qui m'oblige envers l'Autre ; obligation sacrée, dusse-t-il m'en coûter la vie, ma vie c'est son affaire.

 

1 000 000 : Philo5 célèbre sa millionième visite

Foule(301x200) Philo5 est né d'une question inspirée de Socrate : ... à philo5(73x100)_Anime2Tquelle source choisissez-vous d'alimenter votre esprit? Au fil des années, j'ai réalisé que si je me contentais d'enfiler les lectures comme on accumule les biens de consommation, il ne me resterait en bout de compte que de vagues souvenirs épars. Je me suis donc donné la prétentieuse mission de faire la promotion des philosophes et de la philosophie. Mais en fait, c'est le désir égoïste qu'il m'en reste quelque chose qui en est le principal moteur. Deux aspects m'ont semblé primordiaux : 1. Présenter la pensée originale des philosophes et grands penseurs occidentaux dans un langage accessible en leur donnant un visage familier. 2. Promouvoir la pratique philosophique au quotidien sous toutes ses formes. En ce mois d'avril 2007, le site dépasse le cap du 1 000 000 de visites en cinq ans. Mille mercis pour cet encouragement soutenu de ma pratique publique de la philosophie qui m'a aidé à ce qu'il reste quelque chose de mes lectures. Je me réjouis de savoir qu'elles profitent aussi à une multitude de personnes.

 

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2 IMG_1215_OscarBrenifier(126x100)S U J E T   D U   M O I S   : Oscar Brenifier, Se réconcilier avec sa propre parole Philo5_0flecheD-rouge

Un ami psychologue me disait un jour qu'il n'y avait pas de meilleur psychologue qu'un bon ami. Quand j'entre en relation, la première question est : quelle sont les dispositions de mon interlocuteur? Ami ou pas-ami? Nous avons appris la gentillesse. Nous nous attendons à la gentillesse. Mais la relation philosophique, à l'image de la relation marchande à laquelle nous sommes le plus accoutumée, doit-elle en être une de gentillesse?

Oscar Brenifier n'est pas gentil ; et le philosophe raterait sa cible s'il l'était. Il n'est pas paternaliste non plus ; il ne va pas vous guider avec les bons mots réconfortants que l'on attend généralement d'un père solide et supportant ou d'un psychothérapeute. Mais quelle est donc l'attitude du praticien philosophe? Comment Socrate s'y prenait-il? La pratique philosophique d'Oscar Brenifier se répand dans le monde sous la forme de la consultation philosophique. Quand il est venu au Québec, il a surpris. Pour la première fois, nous avons été confronté à notre propre parole. Il nous invite ici à une étonnante réflexion : Philosopher, c'est se réconcilier avec sa propre parole.

Mais avant de lire ce texte, je vous recommande de visionner au moins l'une ou l'autre de ces deux consultations :

Cyrille - L'homme a-t-il un vrai visage? (VIDÉO 1h10)...

Anne - Qui est-ce que je rencontre quand je rencontre l'autre? (VIDÉO 1h02)...

 

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3 L E   P H I L O S O P H E   D U   M O I S   :

Vico

 Vico nous a donné L'histoire idéale éternelle Philo5Livre(12pt). Il nous a expliqué que le caractère des peuples suit un cycle qui passe successivement de brut à sévère, ensuite doux, puis raffiné et enfin dépravé. Et puis, le cycle recommence. À la réflexion, on se rend compte que chaque époque appelle la prochaine. Il se produit des erreurs pendant l'époque brute que l'on juge inacceptables, trop brutales. La sévérité semble alors plus appropriée. Mais déjà, l'époque sévère empêche la vie et appelle plus de douceur. L'époque douce conduit à des raffinements impossibles dans toute autre époque. Comme l'humain est un être d'erreur et d'excès, l'époque raffinée rend possible la dépravation qui ne sera redressée que par un nouveau cycle de rudesse rendu indispensable.

Si l'on s'inspire de Vico, on peut penser que toutes les époques vivent à la fois sur la planète. D'un pays à l'autre, on se situe dans des époques différentes. Avec mes « lunettes québécoises », je serais tenté de voir la Hollande comme un pays dépravé alors que le Canada est un doux pays comparé à l'Iran qui est certainement un pays sévère. L'Afghanistan est rude et la Chine est en passe de muter de la sévérité à la douceur. Le Japon est passé de la rudesse des années ‘40 à la sévérité des années '50 et ‘60 à la douceur des années ‘80 pour être maintenant un pays raffiné. Ces cycles se succèdent plus ou moins rapidement et il est étonnant de les voir évoluer de décennies en décennies.

 

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4 – L E S   N O T I O N S   E T   L E U R S   R E L A T I O N S

Après avoir passé en revue tous les types de questions philosophiques possibles, nous abordons ce mois-ci les notions et leurs relations. Voyons la définition du dictionnaire :

 

Notion n. f. (latin, notio, connaissance)

1. Connaissance immédiate plus ou moins confuse. La notion du beau. N'avoir aucune notion du danger.

2. Concept, idée. « Les notions primitives sont comme des originaux sur le patron desquels nous formons toutes nos autres connaissances » (Descartes)

3. Connaissance élémentaire d'une langue, d'une science. Notion d'allemand, de géométrie.

(Hachette, Dictionnaire encyclopédique, © 1997)

 

On pense souvent que les notions relèvent de très savantes connaissances philosophiques, mais c'est tout le contraire. Une notion est une forme de compréhension plutôt vague, générale. Ce qu'il y a de beau dans une notion, c'est qu'elle n'est jamais finie, elle cherche toujours à être complétée, elle a l'humilité d'être en construction, en modification. Elle ne prétend pas tout savoir et elle a besoin d'être éclairée. Bref, la notion de quelque chose est tout à fait le matériau dont la philosophie a besoin pour travailler.

 

Commençons par la Relation au sens large :

Comment concevez-vous les relations entre l'État et l'individu? (cf. anarchisme, fascisme, démocratie...)

 

Je vous invite à répondre à cette question en gardant en tête que l'exercice en est un de compréhension des relations entre certaines notions (ici l'État, l'individu, l'anarchisme, le fascisme, la démocratie etc.) et non une rhétorique convaincante. Socrate vous dirait tout de suite : Qu'est-ce que l'État? Qu'est-ce que l'individu? Quelle est la différence fondamentale entre l'un et l'autre? Qu'est-ce qui les rapproche? Qu'est-ce qui distingue l'anarchisme, le fascisme et la démocratie? Y a-t-il un point commun entre les trois? Pensez-vous qu'il y en a une meilleure que l'autre? Pourquoi?

Je vous invite à me faire parvenir votre réflexion. Je me ferai un plaisir d'y faire écho.

 

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5 – Q U E L Q U E S   L I V R E S   R E M A R Q U A B L E S

Jésus lave plus blanc, Bruno Ballardini

BellardiniBruno_JésusLavePlusBlanc_Boréal2006(129x200)Éd. Boréal © 2006

L'auteur est un professionnel de la publicité.BallardiniBruno(173x200) L'Église a-t-elle pris des leçons de marketing? « Vous plaisantez!, répond Mgr. Ernesto Vecchi, l'Église peut en donner, des leçons en la matière [...]. Le marketing? C'est Jésus qui l'a forgé il y a 2000 ans ». Ce livre nous présente une thèse qui plairait sûrement à Guy Debord. L'Église catholique romaine y est dépeinte comme une société où le spectacle de la mise en scène d'une hiérarchie des valeurs se vend à prix fort : on le paye de son âme. Le salut et tous les accessoires de la divinité (lieux de culte, fétiches, reliques etc.), constituent la marchandise dont elle s'est appropriée le monopole. Ce fonds de commerce permet à des experts en marketing (papes, évêques et prêtres) de s'octroyer une place enviable sur la terre dans la hiérarchie céleste.

Les lunettes marchandes que nous propose Ballardini sont un point de vue original qui convient très bien à notre époque où pratiquement toutes nos vies sont axées sur la marchandisation de l'être. Mais, si l'on regarde par l'autre bout de la lorgnette, ne pourrait-on pas dire aussi que le marketing est devenu notre religion actuelle? « Le bonheur est au paradis » a été remplacé par « le bonheur est dans l'achat ». L'esprit humain est-il fondamentalement marchand ou religieux? Si le sentiment religieux peut se réduire à un comportement marchand, comme Ballardini le démontre, ne peut-il pas aussi prendre son expansion dans une multitude d'aspects, ou doit-on penser que tout n'est que marketing et marchandisation? Socrate nous demanderait plutôt Qu'est-ce que le bonheur? et Comment peut-on le trouver?

 

Le procès de Socrate - Euthyphron, Apologie de Socrate et Criton, Platon

Platon_LeProcèsDeSocrate_2004(124x200)Éd. E.J.L. © 2004, Texte intégral, Librio # 635

Ces trois textes sont sûrement les plus importants de toute la philosophie occidentale. René Girard nous apprend que la violence est le fondement de toute société. Ce qui fonde la nôtre – notre société démocratique – c'est la mise à mort de Socrate, personnage qui, comme Jésus de Nazareth (Ieschoua), est devenu sujet à l'injustice suprême : être condamné à mort pour des motifs abusifs, voire futiles. L'un et l'autre ont commis l'imprudence de réveiller des esprits qui auraient préféré rester endormis.

Nous avons ici une illustration éloquente des limites de la démocratie en République et un appel à la plus grande prudence lorsqu'il s'agit de juger les choses publiques? Mais comment penser que la démocratie est le système de gouvernement le plus juste quand il s'agit d'appliquer les lois? Ne doit-on pas reconnaître que « l'humainerie » n'est pas moins à l'œuvre lorsque la justice est appliquée autrement, que ce soit par un roi ou un tyran.

Comme Socrate – au contraire de Woody Allen – avait placé dans sa propre échelle de valeurs, l'honneur et la vertu au plus haut – plus élevés même que sa propre vie et les plaisirs qu'elle procure – le cas échéant, il n'a pas eu d'autre choix que de mourir s'il voulait rester fidèle à lui-même. Les mauvaises langues diront qu'à l'âge de 70 ans, il a ainsi échangé le peu de temps qu'il lui restait à vivre contre une renommée éternelle que Platon se donnerait pour tâche de perpétuer par ses textes. Mais une lecture attentive nous démontre que Socrate était avant tout au service de valeurs morales qui s'opposent dans une logique implacable. Il s'agissait de rester fidèle au devoir envers son âme et ses concitoyens ; discerner entre justice et injustice, honneur et honte, bien et mal, bon et mauvais, vertu et tromperie, sagesse et folie, respect et mépris, sacré et profane, piété et impiété, sensé et insensé, saint et impie.

Les personnages de Platon nous disent que le devoir de notre vie nous impose de rechercher le Bien et de mépriser le mal, non pas par une aveugle soumission à des lois rigides, mais par un inlassable questionnement sur ce que doit être la justice.

 

Musulmane mais libre, Irshad Manji

ManjiIrshad_TheTroubleWithIslam_2003(132x200)ManjiIrshad_MusulmaneMaisLibre_2004(122x200)Éd. Grasset & Fasquelle © 2004, Le livre de poche # 30527

Ne tenez pas trop compte de la couverture où elle se fait voir en femme séductrice aux délicieuses épaules dénudées. Simple effet de marketing de l'édition française. La version anglaise a plutôt misé plus opportunément sur l'image bâillon donnée à son titre. Une recherche d'images sur son nom vous montrera une femme vêtue plutôt sobrement qui n'a que faire de l'érotisme dont s'aide obstinément notre société marchande pour nous aguicher de ses mille produits qui cherchent à nous faire tourner la tête. Chez Irshad Manji, ce sont les idées qui comptent et sa foi en Allah.

Pour approcher les idées d'Irshad Manji, il faut d'abord franchir la barrière de sa façade idéologique qui, à l'image de sa chevelure en porc-épic, nous donne l'impression qu'elle va blesser nos convictions. Voyons plutôt : Homosexuelle? ‘Rien à foutre ; c'est pas mes oignons. Féministe? Encore une qui ne va se préoccuper que de la moitié de la race humaine? Pas du tout! Musulmane? Cocktail plutôt explosif, non? Libre penseuse? Comment est-ce possible? Hé oui! Dans la pure lignée de la tolérance voltairienne additionnée de la raison critique du philosophe Alain. Alors là elle m'intéresse! Qui est elle? Que fait-elle? Comment des convictions si controversées peuvent-elle cohabiter dans une musulmane?

Après l'étude critique du Coran, cette journaliste propose rien de moins qu'une réforme de ManjiIrshad_01l'Islam pour permettre au peuple de ce Saint Livre de recouvrir ses lettres de noblesse. Elle veut que les musulmans se rappellent qu'il fut un temps – le temps d'Avicenne et d'Averroès – où le monde arabe représentait la fine fleur intellectuelle du monde, le jugement éclairé, la réflexion juste, la science et le bon sens – qui alors étaient loin de se présenter sous la forme d'une guerre sainte. Elle veut réintroduire l'Ijtihad – tradition islamique de la réflexion indépendante – et nous rappelle que l'Islam est la culture qui a inventé la guitare, l'algèbre et l'université. Elle oppose libéralisme à conservatisme, pluralité à pureté sacrée, vie de l'esprit à dogme-appris-par-cœur, penser par soi-même à soumission aveugle et, il faut bien l'admettre, idolâtrie à Dieu unique.

Dans son discours bien ficelé et souvent convaincant, elle semble cependant passer à côté d'une dimension majeure de l'Islam : l'interdit de représentation. Bien sûr, il peut sembler absurde d'interdire de reproduire l'image des humains ou de la vie mais le Coran est en cela semblable a protestantisme ou au confucianisme qui s'opposent respectivement au Catholicisme et au Bouddhisme des milles statues. Femme publique de la télévision et journaliste, sa profession fait son pain et son beurre de l'image fabriquée, de la représentation d'idoles de tout poil. D'un côté elle pourfend un Islam rigide et belliqueux, mais qu'a-t-elle à proposer pour redresser les choses? Le raisonner et la tolérance ne peuvent-ils pas aussi mener à de regrettables débordements? Guy Debord lui aurait dit combien la société du spectacle nous mène à une déshumanisation non moins abrutissante que des prières apprises par cœur et récitées machinalement dans une langue inconnue. Mais voici ce qu'elle lui répond (à la page 253) : « Rendre équivalents les maléfices de l'Islam du désert et les péchés de la globalisation est une erreur que ne peuvent commettre que les ultra-privilégiés, ceux qui ne connaissent pas d'autres horreurs que celle d'être ciblé comme marché.»

Mais je luis suis reconnaissant d'avoir produit chez moi cette réflexion : La couleur de peau pour les Noirs, l'orientation sexuelle pour les gays, la religion pour les Musulmans (p.237) et la femme pour le féministes sont les névroses de chacun de ces groupes qui font que si vous n'en faites pas partie, un tabou vous interdit toute forme de critique envers eux.

 

Les monologues du pénis, Michel Pruneau

PruneauMichel_MonologuesDuPénis_Lanctôt2007(123x200)Éd. Lanctôt © 2007

Michel Pruneau avait commis Les marchands d'âmes que j'avais critiqué au 65e Philo sans fumée. Il avait alors démontré un esprit philosophique remarquable. Il nous revient maintenant avec un livre consacré aux hommes. Je n'ai (malheureusement) que des éloges pour celui-ci ; je risque de foirer dans la bête contemplation. Mais encore... Il nous livre ses réflexions sur les hommes de 5 groupes d'âges personnifiés par Luc, le pénis ludique (vingtaine) ; Claude, le pénis en colère (trentaine), Antoine, le pénis angoissé (quarantaine), Philippe, le pénis philosophe (cinquantaine) et Victor, le pénis visionnaire (soixantaine). Chacun parle pour lui-même mais leurs discours ne sont pas banals. Bien sûr, il peut sembler un peu irritant d'identifier les hommes à leur pénis ; ne sommes nous pas beaucoup plus que notre organe reproducteur? Mais ces hommes parlent de problèmes d'homme, honnêtement, et il faut reconnaître que la libido colore notre être plus que nous le voudrions. Avant d'atteindre à la sagesse de Victor – le moins intéressant des cinq, et pour cause – l'homme passe par une suite d'âges où il doit sans cesse moyenner des compromis entre les interdits sociaux et les impératifs hormonaux de la reproduction. On voit chacun, selon son âge, aux prises avec ses désirs, ses espoirs, et essayant malgré tout d'assumer ses problèmes dans une société qui n'est plus pensé pour eux et leurs besoins. Ce qui est touchant dans cette écriture, c'est que, au contraire de ce à quoi nous ont habitué le fémininisme et le masculinisme, ces hommes ne s'attaquent jamais à l'autre sexe en tant que tel. C'est toujours en regard de leur sensibilité et des problèmes qu'ils vivent qu'ils se permettent d'exprimer leurs émotions qui du coup, sortent du carcan infernal de l'autre sexe et deviennent légitimes.

Si le féminisme triomphant des dernières années nous avait tracé quelques traits grossiers pour décrire les hommes et ce qu'ils représentent pour elles, sous la plume de Michel Pruneau, ceux-ci nous apparaissent dans toutes les nuances de leur humanité et nous réconcilie avec notre pénis qui, faut-il le reconnaître, fait bien sûr que nous sommes des mâles mais aussi des humains qui dans leurs combats de chaque jour peuvent devenir des êtres attachants.

 

La révolution cartésienne, Josiane Boulad-Ayoub et Paule-Monique Vernes

Boulad-AyoubEtVernes_LaRévolutioCartésienne_2006(125x205)Éd. PUL © 2006

Boulad-AyoubJosiane(99x133)Déformation professionnelle, j'ai un faible pour Descartes. En tant qu'allumeur de réverbères, ce philosophe a suscité chez moi le respect parce qu'il s'est donné pour tâche de nous faire comprendre le monde clairement et distinctement. Après des siècles d'obscurantisme, il nous a prescrit une méthode pour allumer nos lumières. Il représente pour moi la porte d'entrés par excellence pour comprendre la philosophie.

Ce livre est un excellent complément à l'œuvre de Descartes qui, faut-il le dire, est un philosophe qu'on peut facilement lire dans le texte. Les auteurs nous le présentent en soulignant chacune des innovations de ce grand révolutionnaire en commençant par ses premières Règles pour la conduite de l'esprit [1] que notre philosophe rédigea à l'âge de 32 ans.

Dans l'œuvre de Descartes, Dieu est omniprésent ; il est aussi indispensable que le zéro en mathématiques. En page 158, les auteurs nous rappellent comment Descartes s'était dépris du piège de l'aporie qui naît entre la toute puissance de Dieu et le mal dans le monde qu'il a créé. Pour arriver à disculper Dieu de l'erreur, il a fallu donner à la liberté de l'humain une place de premier choix. Ainsi, Dieu ne peut pas faire d'erreur mais il nous laisse libre d'en faire en toute conscience. La bonté de Dieu s'en trouve donc affermi et du coup l'homme doit assumer.

Ce livre est un cours complet qui a le bonheur d'éviter les tergiversations que l'on rencontre trop souvent chez d'autres auteurs pour ce type d'ouvrage. L'œuvre de Descartes y est mise clairement en contexte, actualisée et additionnée de références pertinentes à de nombreux autres philosophes et personnages incontournables.

 

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6 – M A G A Z I N E

 

 

HS-11_TextesFondamentauxChristianisme_nov-déc2006(138x200)Saint Paul, Saint Thomas, Saint Athanase, Wesley, Luther... Les textes fondamentaux du christianisme

Le Point – Hors-Série # 11 – novembre-décembre 2006

Le Point continue ici ses « Hors-série » de textes fondamentaux. Il semble que ce soit maintenant au tour du christianisme de se manifester en Europe. Le numéro est paru en France pour Noël mais il est arrivé de ce côté-ci de l'Atlantique à l'occasion de Pâques. Loin d'être éteint, le catholicisme compterait 1,1 milliard de fidèles dans le monde suivi de près par 900 millions de protestants. Il y aurait aussi 230 millions d'orthodoxes, pour un total de 2,23 milliards de fidèles chrétiens sur la planète. Je suis étonné d'apprendre ces chiffres alors qu'on dit que les églises se vident et qu'on entend critiquer cette religion comme jamais. Ce numéro fait pourtant honneur à la chrétienté en présentant les textes fondateurs avec un respect remarquable. On a abandonné le ton prosélyte traditionnel pour faire place à l'approche philosophique. Il ne s'agit plus de convaincre mais de présenter, de connaître, parce qu'en fait, qu'on y croit ou non, le christianisme est la manière de penser de l'occident. Puisque nos valeurs en sont profondément imprégnées, s'intéresser à ces textes n'est plus un acte de foi mais un exercice philosophique de connaissance de soi.

 

 

GD-05_déc2006-jan-fév2007(141x200)L'origine des religions

Les grands dossiers des sciences humaines No. 5 – déc 2006 / jan-fév 2007

Dortier Jean-FrançoisLorsque Nietzsche a annoncé la mort de Dieu, on s'en est inquiété. Mais si Dieu peut mourir, il a donc fallu qu'il naisse. Jean-François Dortier y présente un article intéressant sur la naissance des dieux. « Derrière la diversité des formes, écrit-il en page 28, ces religions possèdent une forte homogénéité reposant sur un noyau commun de pratiques et de croyances. Ce noyau comporte quatre éléments fondamentaux : 1) toutes les religions traditionnelles admettent l'existence d'un monde invisible peuplé de divinités : dieux, esprits, ancêtres, âmes ou forces surnaturelles ; 2) les hommes cherchent à se rendre favorables ces esprits à l'aide de rituels – prières cérémonies collectives, rites propitiatoires ; 3) la religion impose aux individus des règles de conduite, des devoirs et interdits qui règlent la vie de la communauté ; 4) des médiateurs du sacré – chamane, prêtre , devin ou maître de cérémonie – sont chargés de présider aux rituels et de transmettre les connaissances relatives au monde sacré. Au-delà de leurs différences, l'animisme, le totémisme, le chamanisme seraient bâtis sur cette même architecture commune. » Et il me semble que nous n'aurions pas à faire un gros effort pour trouver où se trouvent dans nos sociétés modernes qui se pensent athées, les pratiques qui démontreraient que nous sommes aussi croyants, à notre manière, que ces peuples aux origines des religions.

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02_2007mars_PenserLesMédias(153x200)Médiane – Magazine philosophique québécois

Penser les médias No. 2 – (mars 2007)

L'ennui au Québec c'est qu'on semble avoir peur de la controverse. Ceci nous produit une revue soporifique. La philosophie que Médiane nous présente est essentiellement académique : des réflexions d'enseignants (50) et d'étudiants (7) qui discourent. N'eut été Alain de Botton (romancier), Hervé Fisher (artiste) et Madeleine Poulin (journaliste) cette revue serait 100% académique. On y trouve un dossier de plus de 40 pages qui s'efforce de penser les médias à la manière d'un cours magistral sur le mode impersonnel. Pourtant, le vice-président de la revue m'a bien dit qu'il n'avait reçu que des éloges pour cette revue. Je vous invite donc à vous la procurer, la lire et m'aider à allumer ma lanterne sur le stimulant philosophique et original que j'aurais dû y trouver.

Voici mes suggestions pour l'équipe de rédaction. Pourquoi ne pas nous présenter un débat entre deux penseurs qui s'opposent farouchement dans votre prochaine livraison? Pourquoi ne pas faire comme si vos lecteurs avaient un esprit actif pendant qu'ils vous lisent? Vous pourriez par exemple lancer une question à laquelle vous ne présenteriez pas la réponse toute faite des experts auxquels vous faites appel. Pourquoi pas donner des points de vue contradictoires et laisser le lecteur se faire sa propre idée en le lançant sur des pistes ouvertes par des philosophes? Pourquoi aussi désincarner vos textes en évitant systématiquement la première personne du singulier? Tiens, je vous propose un exemple que je vous invite à critiquer. Voici une réflexion sur votre dossier ; je l'ai intitulée « Philosophie de la communication ». Excusez cette prétentieuse bravade, mais comme personne d'autre n'a osé vous critiquer, ça vous donnera peut-être un peu de défi.

Tout n'est pas à jeter dans cette revue, loin de là. Michel Sasseville nous présente la philosophie pour enfant enseignée à la manière états-unienne par Matthew Lipman et Margaret Sharp. Il s'agit essentiellement de transformer la classe en communauté de recherche, sorte de maïeutique de groupe où l'enseignant doit éviter de « professer » et se transformer littéralement en un Socrate qui questionne sans cesse ses petits élèves pour les inciter à réfléchir par eux-mêmes. Formule prometteuse. Dommage que le Ministère de l'éducation n'ait pas choisi cette voie pour sa réforme de l'enseignement moral et religieux. Il aurait cependant été intéressant de le voir Michel Sasseville débattre avec Oscar Brenifier qui a produit toute une littérature sur la philosophie pour enfants qu'il semble ignorer.

On peut lire aussi une série de comptes rendus sur plusieurs livres intéressants dont celui de Bernard Larivière sur Slavoj Zizek, La marionnette et le nain, où l'auteur explique que dans l'histoire chrétienne, le héros n'est pas Jésus, mais bien Judas (!!!).

Je souhaite longue vie à Médiane ; c'est le seul périodique philosophique grand public au Québec. Il est important de le soutenir et de collaborer à l'améliorer. À vos plumes et que diable, mettez votre susceptibilité de côté et osez risquer des thèses impertinentes, touchez les dossiers chauds et les tabous, bref, abandonnez vos pantoufles académiques et chaussez les bottes de randonnée ; vous nous ouvrirez peut-être ainsi des sentiers nouveaux!

 

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7 – R I R E   E T   S ' A T T E N D R I R

 God'sFace(400x400)

 

 Saviez-vous que Dieu a le regard hagard, le nez en forme de bouteille et les yeux bleus? Philo5_0flecheD-rouge

 

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Question – réponses Philo5_0flecheD-rouge

Informations TV Philo5_0flecheD-rouge

 

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8 – P E N S É E    D U   M O I S

Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants. Nous voyons davantage et plus loin qu'eux, non parce que notre vue est plus aiguë ou notre taille plus haute, mais parce qu'ils nous portent en l'air et nous élèvent de toute leur hauteur gigantesque.

 

Bernard de Chartes (Citation No. 339)

 

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9 P O U R   L E S   N O U V E A U X   P A R T I C I P A N T S

 « Philo sans fumée » est le bulletin mensuel de Philo5.com. Vous êtes cordialement invité à y répondre en m'écrivant.Plume-encrier_1 vos réflexions. C'est un plaisir pour moi de vous lire.

 

François Brooks

 

 www.philo5.com

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[1] Merci au Dr. Josiane Boulad-Ayoub d'avoir gracieusement prêté son concours pour traduire et permettre de publier sur Philo5.com le résumé donné en titre par Descartes de chacune de ses règles.