Bienvenue au 78e

« Philo sans fumée »

de novembre 2006

Bonjour à tous!

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1.     NOUVELLES DE PHILO5

*      Un nouveau philosophe s'ajoute : Guy Debord

*      Textes originaux de Alain (Émile Chartier) et Scheler

*      Philo5 a maintenant son babillard

2.     SUJETS DU MOIS  : 1. MARCHANDISATION DE L'ÊTRE, 2. QU'EST-CE QUE LA PHILOSOPHIE et 3. MAUVAISE FOI ÉCOLOGIQUE.

3.     PHILOSOPHE DU MOIS  : PASCAL

4.     LES QUESTIONS PHILOSOPHIQUES  : QUESTIONS TYPIQUES : « À quelle condition...? »

5.     QUELQUES LIVRES REMARQUABLES  : LES SITUATIONNISTES, LA SOCIÉTÉ DU SPECTACLE et PROPOS IMPERTINENTS

6.     MAGAZINE  : MÉDIANE et COURRIER INTERNATIONAL

7.     RIRE ET S'ATTENDRIR  :

8.     PENSÉES DU MOIS  : BILLON, MARTINET et HABERMAS

9.     POUR LES NOUVEAUX PARTICIPANTS...  : Écrivez nous pour participer...

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1 – N O U V E L L E S   D E   P H I L O 5

Un nouveau philosophe s'ajoute : Guy Debord

* Guy Debord est-il un philosophe? Mais en qui d'autre pourrait-on reconnaître une pensée contestataire aussi bien ficelée? Quand je vois le punk sur le coin de ma rue, dois-je lui dénier toute pensée structurée comme le missionnaire niait l'âme du « sauvage », ou ne puis-je essayer de reconnaître les structures de pensée qui le constituent? Quel penseur pourrait-il me faire comprendre cet être humain régi principalement par ses plus fondamentales pulsions? Debord et le situationnisme m'ouvrent alors une fenêtre. Les slogans chocs de Mai 68 me reviennent : « Il est interdit d'interdire!», « Ne travaillez jamais! », « Jouir sans temps mort et jouir sans entraves! ». Dadaïsme, anarchisme, marginalisme, nihilisme, surréalisme et subvertionnisme se justifient alors chez les vandalistes, hippies, punks et contestataires de tout poil et se confondent alors aisément avec les situationnistes de Debord : une philosophie qui avait alors dénoncé la spectacularisation, réification de l'être devenu marchandise et à quoi s'opposait la dérive et la psychogéographie théorisées alors comme la façon idéale d'affirmer sa vie. On a répudié Debord mais son ouvrage La société du spectacle  m'a laissé troublé par une vision aussi lucide de son époque et de celle que nous vivons.

 

Textes originaux des philosophes

 Je vous offre ce mois-ci les textes fondateurs de la pensée philosopĥique de deux philosophes

1.     Alain (Émile Chartier) : Raisonner . C'est un philosophe dont la manière d'écrire est aujourd'hui si répandue chez les chroniqueur journalistiques qu'elle n'est pas évidente au premier abord. C'est un style que j'utilise abondamment dans mes propres textes. On se demande ce qu'il peut bien avoir de philosophique dans une pensée qui critique tout ce qu'elle regarde. Mais il faut distinguer deux types de critiques : celle qui prêche et celle qui questionne [1]. La première nous dit ce que l'on devrait penser et la seconde nous invite à examiner par le questionnement ce que nous pensons déjà. C'est à cette dernière que s'inscrit notre philosophe Alain. Quand il dit « Penser c'est dire non!», au contraire des contestataires qui veulent révolutionner le monde, il veut tout simplement raisonner. Il nous invite à nous interroger sur les convictions qui motivent nos diverses opinions pour les éprouver au feu de la négation. Exercice éprouvant mais qui nous permet de distinguer immédiatement le philosophe du prosélyte : le premier sait que la vérité est un état de grâce fuyant qu'il importe de remettre toujours en question si nous voulons rester vivant alors que le second pense qu'il connaît la vérité et nous propose d'adopter la sienne pour instaurer une paix dogmatique mortelle. Mais en bout de compte, c'est souvent notre propre attitude qui décide de l'intention du billet que l'on lit.

2.     Max Scheler : Sympathie . Voilà un philosophe qui nous oriente en établissant l'échelle des différentes valeurs de la sympathie. À partir du plus bas niveau, Scheler ordonne la sympathie comme une progression graduelle allant de la fusion (premier niveau) jusqu'à l'amour acosmique de Dieu en passant par la reproduction affective, la participation affective et l'humour de l'humanité. J'ai été surpris d'y découvrir l'exacte discours de l'éducation que j'ai reçue en ce qui concerne l'amour en général et la sexualité en particulier. C'est un philosophe qui n'a plus la cote mais ô combien important pour nous aider à comprendre d'autres époques. Et qui sait si son échelle de valeurs redeviendra pas populaire un jour?

Philo5 a maintenant son babillard

* Vous pouvez maintenant afficher vos événements philosophiques sur le nouveau Babillard Philo5. Si vous ne vous sentez pas très familier avec la procédure, vous n'avez qu'à me communiquer les détails, je les épinglerai au babillard pour vous. Mettez votre événement en valeur en m'envoyant une image et le site où vous le publiez. Puisque, en moyenne, Philo5.com est visité près de 30 000 fois par mois voilà une façon de faire connaître vos activités philosophiques, qu'elles soient ponctuelles ou périodiques. J'attire à nouveau votre attention sur le colloque de l'UNESCO concernant les nouvelles pratiques philosophiques qui y est affiché. Si vous habitez une partie du monde qui vous empêche d'y être présent, imprimez-vous quand même le programme. À lui seul, il vaut la peine. On y trouve un foisonnement d'activités qui nous présentent des idées tout à fait nouvelles et nous présentent les prémisses de concepts d'avenir.

 

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2 S U J E T S   D U   M O I S   :

Je vous invite ce mois-ci à me partager votre réflexion sur 3 sujets :

1. MARCHANDISATION  DE L'ÊTRE

            Pourquoi acceptez-vous de payer pour vous mettre en relation avec les autres?

2. QU'EST-CE QUE LA PHILOSOPHIE

            Et pour vous, c'est quoi?

3. MAUVAISE FOI ÉCOLOGIQUE

Ces temps-ci, je travaille à Pointe-aux-Trembles (quartier de Montréal où foisonnent les pétrolières). J'ai été saisi par l'affichage gigantesque affirmant l'engagement écologique des employés de Petro-Canada.

 

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3 L E   P H I L O S O P H E   D U   M O I S   :

Pascal

Pascal était mathématicien. Il est bien connu pour ses Pensées dont Achille Talon se repaissait J et que Voltaire critiquait copieusement. Pour aider son père qui était commissaire aux impôts, il mit au point, à l'âge de 19 ans, la première calculatrice mécanique. Un boulier aurait sans doute fait l'affaire, mais la sienne avait l'avantage de la convivialité : elle permettait d'additionner et de soustraire en effectuant automatiquement les retenues grâce à un système ingénieux. Sa plus étonnante contribution à la philosophie, à mon sens, c'est d'avoir démontré l'avantage statistique de la foi en Dieu. Nous admettons aujourd'hui que chacun est libre de croire ou non à sa guise. La foi, aujourd'hui assimilée à la fumisterie, est souvent fui parce que le croyant est considéré comme un naïf auquel on refuse de s'identifier. Mais Pascal pourrait bien vous démontrer votre tort. Et si c'était vous le naïf? En prenez-vous le pari?

 

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4 – L E S   Q U E S T I O N S   P H I L O S O P H I Q U E S

Question qui sème le soupçon...

Dans les types de questions possibles, nous avions choisi de les examiner sous l'angle théologique :

 Les types de questions sur Dieu

(Je répète que ceci est un exercice philosophique et non pas une étude sur la foi en Dieu. Si j'ai choisi ce thème, c'est qu'il est universel et peut par la suite se prêter à n'importe quel autre sujet. Dieu n'est ici qu'une variable générale commode. J'espère que ceux qui ont la foi sensible sauront faire abstraction de leurs connotations personnelles pour profiter de la richesse de l'exemple.)

*     Dieu n'est-il rien d'autre qu'une illusion?

*     Dieu est-il vraiment tout puissant?

*     Toujours juste?

*     À jamais éternel?

*     L'unique fondement de la transcendance des valeurs?

Le doute sur l'existence de Dieu est peut-être l'aspect le plus tenace qui soit. D'ailleurs, dans quelque domaine que ce soit, l'être humain est un être de doute. Combien de fois nos sens nous ont-ils abusés? Effets d'optiques, et illusions variées, notre esprit n'est tranquille qu'après avoir vérifié. Descartes nous en a appris quelque chose dans sa Méthode . Plus que par nos sens, c'est souvent les autres qui nous trompent. Il faut alors être doublement suspicieux quand on recherche la vérité. On vous pose ici des questions qui laissent entendre qu'il pourrait en être autrement. Essayez-vous de répondre à chacune de ces questions mais toujours en appuyant votre réponse d'un argument positif et négatif, de telle sorte que vous appuyiez la thèse dans un temps et que vous la réfutiez dans l'autre. Exercez-vous à vivre le doute.

 

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5 – Q U E L Q U E S   L I V R E S   R E M A R Q U A B L E S

Les situationnistes, Laurent Chollet

Éd. Découvertes Gallimard © 2004

Qu'est-ce qu'un situationniste? Au Québec, ce vocable est peu connu et ne réfère à rien de familier. Nous avons bien vécu, comme à Paris, les années de contestations à la fin des années soixante, mais ici c'est plutôt le phénomène hippy qui s'est imposé pour désigner ce mouvement. En France, pays où la pensée et l'intellectualisation ne font pas peur, la contestation promouvait bien la farniente et les paradis artificiels, mais ils n'était pas gratuits. Ils s'enracinaient dans une théorie très articulée expliquant le refus de la société spectaculaire qui transformait la moindre de nos activités en marchandise. Les situationnistes proposaient La Dérive en opposition à l'aliénation de la consommation. Même s'ils ont manifestement échoué dans les moyens à prendre pour s'y opposer, les situationnistes n'en ont pas moins été les premiers à proposer une action concrète pour éviter la déshumanisation de l'humain qui n'a pas cessé depuis de sombrer dans la marchandisation.

 

La Société du Spectacle (1967), Guy Debord

Éd. Gallimard / Folio # 2788 © 1992

« Il faut lire ce livre en considérant qu'il a été sciemment écrit dans l'intention de nuire à la société spectaculaire. Il n'a jamais rien dit d'outrancier », déclare Debord dans son Avertissement pour la troisième édition française. Il m'a rappelé que la plupart des philosophes étaient des contestataires lucides à qui le temps a donné raison. Et ils sont d'autant plus méritants qu'ils aient dû affronter la réprobation de leur époque. e pour. Jugez par vous-même :

(4) Le spectacle n'est pas un ensemble d'images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images. (9) Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux. (12) Le spectacle se présente comme une énorme positivité indiscutable et inaccessible. Il ne dit rien de plus que «  ce qui apparaît est bon, ce qui est bon apparaît  ». L'attitude qu'il exige par principe est cette acceptation passive qu'il a déjà en fait obtenue par sa manière d'apparaître sans réplique, par son monopole de l'apparence. J'en passe et des meilleures...

 

Propos impertinents (1906-1914), Alain

Éd. Mille et une nuits © 2002

Après lui, on a lu beaucoup plus virulent, mais il faut se mettre dans le contexte qu'à cette époque l'ordre établi ne se critiquait pas aussi vertement qu'aujourd'hui. « D'abord massacrer les lieux communs », telle est l'ambition du jeune philosophe Alain qui attaque, chaque matin, dans La Dépêche de Rouen et de Normandie, les « tenants du désordre établi ». Églises, académies, partis, politiciens, bureaucrates, sorbonnards, misogynes, bourgeois, bellicistes et tyrans de tout poil constituent les cibles favorites d'un polémiste cinglant qu'on a parfois tendance à oublier.

De 1906 à 1914, le philosophe Alain signera 3083 chroniques écrites avec virulence! Ce livre contient 43 textes choisis pour leur lucidité et leur impertinence qui se sont attaqués à l'injustice et à la bêtise du monde.

 

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6 – M A G A Z I N E

 

La fin de l'éducation?

Médiane – Magazine philosophique québécois 1er numéro – Octobre 2006

Le Québec se prépare à vivre la dernière phase de la mutation dans l'enseignement moral et religieux depuis le rapport Parent des années 60 qui avait proposé de remplacer l'enseignement religieux par une vision humaniste et pluraliste. Avec le nouveau programme Éthique et culture religieuse, à partir de septembre 2008, 216 heures au primaire et 250 heures au secondaire seront consacrées à l'étude de l'agir humain et du vivre-ensemble. Il aura fallu près de 50 ans pour compléter la réforme. Ce programme vise trois grandes compétences : 1. Manifester une compréhension éclairée du phénomène religieux ; 2. Se positionner, de façon réfléchie, au regard d'enjeux d'ordre éthique ; 3. Pratiquer le dialogue dans la perspective du vivre ensemble. On avait d'abord espéré transformer l'enseignement moral et religieux en enseignement de la philosophie mais cette option, telle quelle, n'a malheureusement pas été retenue. Il s'agit d'inculquer des principes moraux laïques aux enfants plutôt que de leur apprendre à penser par eux-mêmes. Bien sûr, la philosophie sera mise à contribution puisque l'éthique et la discussion en sont des domaines inhérents. De plus, on n'a pas voulu fermer la porte complètement à la religion mais celle-ci sera désormais présentée comme une option personnelle qu'il faut comprendre (et tolérer).

Voici un dossier important que couvre très bien cette nouvelle revue qui vient combler un grand vide au Québec. Ce nouveau bébé de 130 pages dont la modeste présentation a choisi de faire l'économie de la couleur et des mises en pages aux graphismes séduisants, fait une large place à la philosophie scolaire, aux dissertations, aux comptes rendus de films et de livres. Espérons que les prochaines livraisons sauront accorder une place aussi à Diogène sans toutefois concéder au populisme. Une revue philosophique dans laquelle on ne donne pas la parole aux philosophes me laisse un peu sur ma faim. Parler des philosophes c'est bien, mais les écouter parler, ce serait encore mieux.

 

 

Spécial insolites

Courrier International – HORS SÉRIE – Été 2006

Je n'achète jamais le journal. J'ai l'impression de lire toujours les mêmes nouvelles. Lire les (mêmes) titres en tête des journaux quand je passe au dépanneur acheter mon litre de lait suffit à me confirmer que je vis dans un monde sécurisant qui ne change pas. Mais je le regrette parfois parce que je sais que dans l'épaisseur de La Presse se glisse parfois un fait original que je manque. Mais Claire Maupas travaille pour moi et je l'en remercie. Ce spécial insolites est son œuvre. De 1995 à 2006, elle compulse quelque 204 000 journaux et nous livre ici, sous la forme d'un Dictionnaire de la vie ordinaire où, pour chaque mot, un article, curieux, étrange, baroque, décalé ou surréaliste nous titille l'esprit.

En voici un parmi d'autres. Sous le mot Têtu, on retrouve un article sur Justo Gallego, 80 ans qui travaille à construire de ses propres mains une cathédrale depuis 1961. Pas un monument miniature. Non. Un édifice grandeur nature à Mejorada, près de Madrid qui s'étend sur 8 000 mètres carrés et a 25 mètres de hauteur. Justo est un maçon de métier qui voulait entrer dans les ordres. Après 7 ans de couvent, il fut expulsé parce qu'il avait contracté la tuberculose dont on avait peur de la contagion. Désespéré de ne pouvoir consacrer sa vie à Dieu entre les murs d'un couvent cistercien, il décide de le faire seul et en plein air. « Je suis très croyant. Si je me suis lancé dans cette entreprise, c'est parce que j'ai la foi. » Son œuvre, toutefois, n'est pas le fruit d'une promesse faite à la Vierge après sa guérison. « Je ne fais pas de promesses, on ne sait jamais. Je me tais et je me donne tout entier, mais sans promettre. La seule chose qui compte, c'est la constance et le travail. » Lire l'article ... (sous 30 juin 2005)

Et vous, à votre mort, quelle cathédrale votre foi vous aura-t-elle permis de bâtir?

 

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7 – R I R E   E T   S ' A T T E N D R I R

 

 S'entendre penser

 

 

 

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8 – P E N S É E S    D U   M O I S

La vraie force de l'intelligence n'est pas de comprendre les choses compliquées, mais de les dépouiller de ce qui les empêche d'être simples.

Pierre Billon (Citation No. 325)

 

Quand on songe combien il est naturel et avantageux pour l'Homme d'identifier sa langue et la réalité, on devine quel degré de sophistication il lui a fallu atteindre pour les dissocier et faire de chacune un objet d'étude.

André Martinet, Élément de linguistique générale (Citation No. 326)

À l'ère de la Publicité manipulée, ce n'est plus l'opinion publique qui est motrice, mais un consensus fabriqué prêt à l'acclamation.

Jürgen Habermas, L'espace public (Citation No. 327)

 

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9 P O U R   L E S   N O U V E A U X   P A R T I C I P A N T S

 « Philo sans fumée » est le bulletin mensuel de Philo5.com mais c'est aussi une rencontre mensuelle organisée le premier vendredi de chaque mois. Vous êtes cordialement invité à y participer. Pour être invité, écrivez-nous.

Si vous n'habitez pas Montréal et que nos rencontres vous intéressent, vous pouvez encore nous écrire vos réflexions. Elles seront communiquées au groupe et viendront enrichir notre échange. Qu'elle soit épistolaire ou en personne, nous vous remercions de votre présence.

 

François Brooks

 

 www.philo5.com

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[1] La critique peut aussi être un jeu de société (le « bitchage ») décrit par Eric Berne dans Des jeux et des hommes, (Stock © 1975) mais là n'est pas mon propos.