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2007-04-12 |
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Lycée Int. SGEL, 2007 [2] |
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Les quatre paradoxes |
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SOMMAIRE |
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Carl Sagan Le paradoxe est, en philosophie, l'équivalent de l'absinthe : un alcool fort qui rend fou. Paradoxalement, c'est aussi une vision qui délivre de l'endoctrinement de la raison en permettant de constater les limites de la rationalité. On arrive plus facilement à le concevoir si on le compare à l'effet d'optique. Les dés de cette image sont assemblés de telle sorte que nous voyons une réalité impossible (oxymore révélateur). Nous savons d'expérience que les dés ne peuvent véritablement être disposés ainsi. Pourtant, notre vision « prouve » le contraire. On a beau insister, chercher la faille optique ; la conscience est impuissante : les yeux contredisent impitoyablement la raison. L'effet est si puissant que j'ai déjà vu une classe d'étudiants en délire suite à l'explication des paradoxes de Zénon. Certains étaient profondément troublés, et luttaient âprement avec le professeur pour essayer de se sortir de cette vision menaçante. Leur rapport au monde vacillait. On est alors tenté de se réfugier dans le déni pur et simple. Je vous propose aujourd'hui de mettre de côté ce bouclier mental pour plonger dans le pur vertige philosophique. Attachez vos ceintures ! |
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Zénon d'Élée fut le premier grand mathématicien sceptique. Ses paradoxes intriguèrent les mathématiciens de tous les siècles et les irritèrent assez pour les entraîner à des découvertes susceptibles de les résoudre.
Zénon était avant tout philosophe. Aristote lui attribua l'invention de la dialectique, une forme de débat dans lequel l'un des partis soutient une thèse tandis que l'autre essaie de la rendre absurde. Cette technique repose surtout sur le procédé de reductio ad absurdum, qui est la réduction d'une idée à l'absurdité par la mise en évidence d'une contradiction lui étant inhérente. Zénon n'a écrit qu'un seul livre, L'Epicheiremate, dans lequel il attaque les adversaires de son mentor Parménide. La renommée de Zénon lui vient de ses paradoxes. Seulement 200 mots nous sont parvenus de son livre et les informations relatives à son oeuvre nous viennent de sources secondaires, principalement d'Aristote. Bien qu'il y en ait eu une quarantaine, seulement huit ont pu traverser les siècles. Leur but était de défendre les idées de son mentor. Parménide était persuadé que la réalité était unique et immuable. Le mouvement, le changement, le temps et la pluralité étaient selon lui des illusions. Cette position entraîna évidemment maintes critiques. Les paradoxes de Zénon avaient pour but de montrer que la thèse inverse était absurde et contradictoire. |
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Les Paradoxes
1.
La dichotomie :
2.
L'Achille :
3.
La flèche :
4.
Le stade : Bien que ces démonstrations semblent illogiques, elles n'en demeurent pas moins ardues à réfuter. Elles ont donc posé de sérieux problèmes mathématiques. Pour les mathématiciens grecs, qui n'avaient aucune notion de convergence ou d'infinité ces raisonnements étaient incompréhensibles. Aristote les qualifia de fallacieux, sans pour autant se justifier, et ils furent ignorés pendant 2 500 ans. Cependant, ils furent étudiés durant notre siècle par les mathématiciens Bertrand Russell et Lewis Caroll. Aujourd'hui, grâce à des outils telles les suites convergentes et les théories de Cantor sur les séries infinies, ces paradoxes peuvent être réfutés de manière satisfaisante. Cependant le débat sur la validité de ces paradoxes et de leur rationalisation se poursuit encore de nos jours. |
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D'un point de vue moral, quatre autres paradoxes contribuent depuis toujours à défier la raison : 1. science vs ignorance : Je sais que je ne sais rien. (Socrate) ; 2. exception vs généralité : « Je mens ! » (le barbier de Russell) ; 3. vérité vs mensonge : Il y a toujours une exception à la règle, excepté l'exception de la règle — qui est, en elle-même, une règle. (autoréférence) ;
4.
liberté vs contrainte :
Pour être libres, nous devons observer les règles et obéir aux lois. |
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[1] Adaptation de la page Zénon d'Élée publiée sur le site du Lycée international de Saint-Germain-en-Laye, 2007.
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Sources : |
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