Textes références

Isabelle Bazin (Samyn)

30 mai 2006

 

Docteur en psychologie

La formation d'impression[1]

SOMMAIRE

    I. Les inférences sur les traits

   II. Les méthodes d'étude de la formation d'impression

  III. La formation d'impression est un processus d'inférence

IV. Les relations entre les traits [L'effet de Halo]

   V. Le modèle de Asch (1946)

VI. Le modèle de Anderson (1965, 1974, 1981)

VII. Théories Implicites de Personnalités (Bruner et Tagiuri, 1954)

Champs d'étude qui relève de la perception sociale. La construction des sujets au fur et à mesure des contacts avec autrui, c'est l'opinion que l'on a d'autrui. Par exemple, les campagnes électorales, on se fait une opinion du politicien.

La formation d'impression est très importante dans la vie quotidienne. Dans la vie quotidienne nous nous forgeons rapidement des opinions sur autrui, on retient des caractéristiques d'autrui, on se forme un univers psychologique à propos d'autrui.

Processus par lequel on caractérise une personne donnée en un ensemble organisé de traits particuliers.

Il résulte de ce processus que l'individu s'est forgé une conception cohérente et organisée de la personne cible.

* * *

I. Les inférences sur les traits

Ils s'appuient sur des présupposés :

Stabilité des traits de personnalité.

Constance dans le temps et par delà les situations.

Disposition générale de la personne.

Différenciation entre les personnes.

C'est donc une activité de catégorisation. Notre environnement social est alors simplifié, systématique et ordonné. Les traits que nous attribuons à autrui créent une personnalité.

Les effets de l'impression ; l'impression détermine :

Mes réactions envers autrui.

Mes prédictions des comportements d'autrui.

Mes inférences à propos d'autres propriétés d'autrui
(processus de co-occurrence avec des correspondances des traits de personnalité).

Association et exclusion de traits entre eux.

a. Exemple des effets de l'impression

Processus d'inférence : Julien est aimable avec moi => je le trouve sympathique

Prédiction : il devrait être aimable et serviable avec une personne âgée.

Cooccurrence ou correspondance : je le trouve également sociable, généreux, mais pas avare ni égoïste.

Mes comportements à son égard : cela me fait plaisir de continuer à le fréquenter, de lui rendre des services...

b. Expérience de Berkowitz et Frodi (1979)

Ils demandent à 2 étudiants de punir un élève dès qu'il se trompe (tâche d'apprentissage). L'élève est un compère, la punition est des bruits déplaisants. Dans un cas l'enfant est enlaidi dans l'autre il est beau. Dans un cas, il bégaie et dans un autre il ne bégaie pas. Les résultats sont les scores moyens d'exécution en fonction de l'apparence physique et du niveau vocal. Lorsque l'enfant est laid, les bruits déplaisants sont d'intensité plus élevée que lorsqu'il est beau, l'enfant qui bégaie est puni plus sévèrement que celui qui ne bégaie pas. Intensité plus élevée : laid + bégaie. Intensité moins élevée : beau + allocution normale.

II. Les méthodes d'étude de la formation d'impression

Le répertoire des traits est très étendu (18000 termes différents).

Les premières recherches en psychologie sociale ont porté sur :

Ce répertoire (l'univers personnologique).

Les relations que les traits entretiennent entre eux dans ce répertoire
(les co-occurrences entre les traits).

La structure sous-jacente à ces relations entre les traits
(la structure, les dimensions).

Plusieurs procédures existent pour réaliser ces différentes recherches.

1. Les paradigmes de la formation d'impression

1re procédure :

Présentation d'une liste de traits ou de comportements sur une personne cible.

Consigne de formation d'impression à partir des informations fournies.

2e procédure :

Consigne de descriptions libres à partir de traits ou de comportements.

3e procédure :

Présentation d'informations (traits ou comportements).

Consignes de rappel des informations retenues.

2. L'étude des cooccurrences entre les traits

Objectifs :

Mettre en évidence les relations entre les bruits (les traits qui vont ensemble).

Établir des matrices de liens entre les traits, liens réalisés dans l'activité de description psychologique.

Appréhender certaines caractéristiques de la perception que le sujet a de lui-même ou des autres (autocritiques, auto-acceptations, évaluations d'autrui).

a. Les techniques descriptives

Plusieurs étapes dans la constitution du matériel :

Description psychologique ou portrait libre d'une personne (adj.)

Constitution d'une liste standard d'adjectifs ou d'un répertoire (adjective check-list) adapté à une population précise.

Une même population que la précédente remplit la liste standard (cocher les items qui correspondent le mieux à la personne décrite).

Soit les sujets cochent le nombre d'adjectifs qu'ils veulent, soit l'expérimentateur impose un nombre arbitraire d'items à cocher.

La technique du sorting test : demander aux sujets de réaliser un tri dans un ensemble de traits pour décrire une personne (répartir les traits dans plusieurs paquets, chaque paquet correspondant à une personne décrite).

Utilisation des échelles : présenter aux sujets des échelles d'appréciation (ration scales). Les personnes décrites doivent être situées sur des échelles opposant chacune une paire d'adjectifs supposés antonymes.

b. Les techniques d'inférence sémantico-conceptuelles

Faire des inférences psychologiques (donner directement ses convictions en matière de lien entre les traits).

Procédures :

Juger de la valeur de vérité des phrases qui affirment ou qui nient une cooccurrence (technique de vérification par falsification de phrases).

Une personne généreuse est généralement généreuse...                  Vrai / Faux

Une personne chaleureuse n'est généralement pas réservée...        Vrai / Faux

Estimer la probabilité d'une cooccurrence (technique interrogative).
Une personne est chaleureuse. Pensez-vous qu'il est probable qu'elle soit aussi :

Généreuse                  très probable / ? / peu probable         (? = ne sait pas)

Réservée                     très probable / ? / peu probable

Ou encore :
Une personne est chaleureuse. Dans quelle mesure pensez-vous qu'elle soit aussi :

Généreuse................Pingre

Réservée..................Culottée.

On peut établir des matrices synthétisant les liens entre les traits. Les sujets mobilisent de tels liens entre les traits quand ils doivent réaliser le portrait d'une personne.

Tableau des fréquences de co-occurrence entre les traits :

  Honnête Aimable Intelligent Violent Méchant
  Honnête X 80 70 10 10
  Aimable   X 80 20 10
  Intelligent     X 20 20
  Violent       X 100
  Méchant         X

On peut placer les traits le long d'une dimension qui serait positive...négative, avec d'un côté aimable — intelligent — honnête, et de l'autre violent — méchant.

3. L'analyse dimensionnelle

Objectifs : analyser les données contenues dans les matrices afin de dégager une structure sous-jacente. Ces matrices représentent des fréquences de cooccurrence (corrélation) ou des indices de distance ou de proximité entre les traits.

Des corrélations entre les traits : les traits sont l'un et l'autre l'expression plus ou moins pure d'une dimension (ou de 2, de 3) fondamentale de la personnalité.
Une analyse factorielle permettra alors de dégager ces facteurs sous-jacents, c'est-à-dire d'estimer la participation de chaque trait à la définition de ce facteur et de distribuer les portraits dans l'espace factoriel généré.

Si le chercheur raisonne en terme de distance ou en terme de proximité entre les traits, ces distances seront situées dans un espace. Le chercheur dégagera la représentation géométrique de l'ensemble des traits qui respectent le mieux les distances qui apparaissent dans la matrice empirique des données.

À quoi servent les dimensions ?

Ces dimensions structurent nos théories quotidiennes de la personnalité.

C'est sur la base de ces dimensions fondamentales que le sujet construit ses typologies sur autrui, ses connaissances sur autrui, sur la façon dont il catégorise autrui, sur ses impressions.

Exemple de représentation dimensionnelle :

Représentation dans un espace à deux dimensions d'une série de mots traits (d'après des descriptions sur une liste standard d'adjectifs).
Dimension  1 : sociabilité ; Dimension 2 : intelligence.

Dimension 1  
Stupide Généreux

 Chaleureux

 

Dimension2

 Frivole

Sensible

Gaspilleur Modeste

Intelligent

 Réservé

Malhonnête
 

III. La formation d'impression est un processus d'inférence

L'impression est constituée d'un ensemble de traits de personnalité attribués à une personne cible :

À partir de l'observation d'une personne, de ses comportements, d'un portrait qui nous en est fait.
C'est ce que l'on appelle une inférence ou la mise en correspondance d'une information tirée de notre observation avec des données tirées de nos connaissances ou de nos théories sur les gens, leur personnalité.
C'est un mécanisme cognitif qui correspond à la traduction de comportements observables en des termes abstraits non directement observables.

Les propriétés de l'inférence :

Consensus entre les personnes pour réaliser des inférences.

Règles d'inférences identiques pour tous (règles de cooccurrence des traits).

Nous inférons tous le même trait de personnalité d'un même comportement.

En procédant ainsi le sujet détermine des propriétés stables de la personne qu'il décrit.
Stabilité dans le comportement du sujet : ce sont les traits qui expliquent pourquoi il se comporte de cette façon.

Pourquoi une inférence : pourquoi se forger une impression stable et cohérente d'autrui ?

Pour rendre notre environnement explicable et prédictible voire même contrôlable.

Pour désigner le degré d'ajustement de l'individu à son environnement
(Beauvois, 1984).

Il s'agit donc d'une sorte de procédé de catégorisation des personnes ou de typologie observée.

IV. Les relations entre les traits

Comme l'impression est la mise en relation entre les traits et leur organisation, il nous faut le mettre en évidence. Un premier phénomène observé est l'effet de Halo[2]

1. L'effet de Halo (Thorndike, 1920)

Quand on accorde une caractéristique positive à une personne, on a alors tendance à lui accorder toutes les autres ; cette caractéristique positive se diffuse et se généralise à toute l'impression. Il en est de même pour une caractéristique négative.

Clifford, (1975)

Tâche : des enseignants doivent décrire des enfants d'après leur photo (jugement d'intelligence, chances de succès à l'école, de l'intérêt probable des parents de chacun des enfants pour leurs activités scolaires).

Résultats : un enfant (jugé) 'beau' est jugé par un enseignant comme plus intelligent, comme ayant plus de chances de succès à l'école comme ayant des parents investis dans ses activités scolaires par rapport à un enfant (jugé) 'laid'.

Aspect simplificateur de fonctionner avec les gens.

Expérience de Brunswick (1956)

Objectifs de l'auteur :

Illustrer des inférences de traits de personnalité à partir de traits physiques.

Éprouve l'exactitude des jugements formulés à partir d'indices physiques.

Procédure :

46 photos de soldats. 4 mesures pour chaque photo :

2 mesures subjectives de l'intelligence et de l'amabilité.

2 mesures objectives de l'intelligence (test de QI et de l'amabilité, évaluation sociométrique).

Il n'y a pas de lien entre les mesures objectives de l'intelligence et de l'amabilité. Dans l'ensemble, une personne jugée intelligente est estimée très aimable (mesure subjective). Cette surestimation produit une distorsion dans la perception d'autrui, c'est l'effet Halo.

Dans la réalité, il n'y a pas de correspondance entre ce que nous percevons et ce que nous jugeons.

2. L'erreur logique de Guilford, 1936

C'est une inférence d'un trait à partir d'un autre trait. Une personne pense que deux caractéristiques vont naturellement ensemble ou au contraire, s'excluent mutuellement.

Ex. : un sujet pense qu'une belle femme n'est pas intelligence, ou une autre personne pense que les femmes belles sont intelligentes. Les deux individus commettent une erreur logique.

V. Le modèle de Asch (1946)

Les sources : théorie de la forme (Wertheimer, Kölher, Koffa, Heider, Lewin...)

Les principes de la psychologie de la forme :

La globalité est un fait perceptif premier (on perçoit la totalité).

Les structures se donnent à la perception sans effort de construction pour assembler les composants en une forme globale.

Ces totalités ne sont pas la somme ou la juste position des éléments simples et primitifs.

Quelques principes :

« Une partie dans un tout est autre chose que cette partie isolée ou dans un autre tout. » (Guillaume, 1937)

Le principe de prégnance : « de plusieurs organisations géométriques possibles émerge celle qui possède la forme la meilleure, la plus simple et la plus stable. » (Koffka, 1935). Ex. : carrés, triangles.

Nous fonctionnons sur la base de théories, de structures, de schémas et leurs propriétés sont de donner forme aux informations.

3 buts :

Montrer que l'on se forge une impression cohérente d'autrui à partir de quelques éléments disparates à propos de la personnalité d'un individu fictif.

Montrer qu'il y a des traits centraux et d'autres périphériques.

Déterminer le sens de l'influence des traits (effet de primauté, de récence).

1er but :

Liste de traits : « intelligent, adroit, travailleur, chaleureux, déterminé, pratique, prudent. »

Tâche : réalise en quelques phrases le portrait de la personne décrite, remplir un questionnaire composé d'une liste de traits antonymes.

Résultats : les sujets n'ont pas de difficultés à répondre : « c'est une personne qui croit dans la justesse de certaines choses, qui veut que les autres considèrent son point de vue, qui serait sincère dans une discussion, etc. »
[Voir Deux questions d'éthique]

2e but :

Deux groupes de sujets lisent :
soit la liste de traits :
« intelligent, adroit, travailleur, chaleureux, déterminé, pratique, prudent »
soit la liste :
« intelligent, adroit, travailleur, froid, déterminé, pratique, prudent ».

Résultats : l'impression générale dépend de la liste.
Quand le terme est « chaleureux » alors 91% des sujets jugent la cible généreuse.
Quand le terme est « froid » alors 8% des sujets la perçoivent comme généreuse.
Chaleureux et froid sont des traits centraux, car à eux seuls ils changent l'impression générale.

Autre expérience :

Deux groupes de sujets lisent :
soit la liste de traits :
« intelligent, adroit, travailleur, poli, déterminé, pratique, prudent »
soit la liste :
« intelligent, adroit, travailleur, bourru, déterminé, pratique, prudent ».

Résultats : aucune différence d'attribution de traits entre les deux groupes. Poli et bourru sont des traits périphériques, et n'ont pas de poids dans l'impression.

Conséquence : l'hypothèse du « changement de signification est confirmée ».

L'impression est organisée comme un tout, un système. Si un élément central de ce système change, alors toute l'impression est réorganisée, modifiée.

3e but :

Soit la liste de traits : « intelligent, travailleur, impulsif, critique, entêté, envieux. »
Soit la liste de traits : « envieux, entêté, critique, impulsif, travailleur, intelligent. »

Tâche : écrire en quelques mots ce que l'on pense de tel individu.

Résultats : effet de primauté : le premier individu est jugé beaucoup plus sympathique que le second.

Principe : les premiers traits donnent le ton et indiquent comment il faut comprendre les suivants. Le premier trait de personnalité fourni sert de point d'ancrage.

Déduction : la formation d'impression est immédiate.

L'effet de contexte :

Selon Asch (1946), les traits changent de signification (meaning change hypothesis) selon le contexte où ils sont présentés. Un trait est perçu plus positivement quand la personne est présentée comme positive que lorsqu'elle est présentée comme négative.

Liste de traits : « prévenant, amical et rusé -> rusé = ingénieux. »
Liste de traits : « injuste, sans égard, hostile et rusé -> rusé = sournois. »

Le trait rusé n'a pas la même signification dans ces deux listes.

Pour résumer

L'ensemble des traits qui caractérise une personne forme un tout organisé dans lequel la signification de chaque trait dépend de tous les autres. Par ailleurs, Asch précise que tous les traits n'ont pas la même importance et que certaines caractéristiques sont perçues comme plus centrales et plus déterminantes que d'autres dont on peut dire qu'elles sont périphériques. Face à un ensemble d'éléments, nous sommes rapides à saisir les renseignements centraux et c'est à partir de ces renseignements que nous nous construisons une impression globale d'autrui. En fait, plus qu'une impression, Asch parle d'une véritable théorie sur la personne jugée et le problème est que cette théorie mise en place sera très difficile à bouleverser.

Asch précise que nous traitons les informations relatives à autrui en direct et au fur et à mesure. Ceci pose problème puisqu'on n'attend pas pour porter des jugements, de tout savoir sur autrui. Asch a aussi mis en évidence un effet de primauté c'est-à-dire que l'information reçue en premier déterminerait plus l'impression que l'on a d'autrui que l'information reçue en dernier. Une personne décrite comme « intelligente, travailleuse, critique, impulsive et envieuse », l'impression est plutôt positive. Alors que si on fait la description en sens inverse, l'impression est négative.

VI. Le modèle de Anderson (1965, 1974, 1981)

Les gens se livrent à une algèbre cognitive et combinent des informations à valences différentes (positives et négatives). Les gens fondent leurs impressions sur des faits et non sur des théories.

Objectifs : connaître l'algèbre mentale que les gens utilisent quand ils doivent intégrer une information.

Hypothèse : chaque trait a un score immuable, une valeur qui lui est propre, un degré de favorabilité ou de possibilité qui lui est unique, spécifique, quel que soit le contexte.

L'impression finale dépend de chaque trait considéré individuellement et de son poids. La présence d'autres traits ne change pas la signification ni le poids d'autres traits.

1. L'élaboration des cotations dans le modèle de Anderson et la validation du modèle

Un groupe d'étudiants cote une multitude de traits de personnalité (score de favorabilité pour chaque trait).

D'autres étudiants lisent des listes de traits (Asch) et cotent les traits (score global de sympathie des profils).

Anderson compare le score global avec les scores individuels des traits composant le profil.

Objectif : mettre à jour l'algèbre des sujets qui guide leurs jugements de sympathie. Deux solutions possibles : le modèle additif et le modèle par moyenne.

Les notions de pondération et d'impression initiale sont introduites dans son modèle pour rendre compte de l'effet de primauté (Asch) :

Il s'agit d'une pondération des scores de favorabilité pour rendre compte de l'ordre de présentation des informations et du but des jugements.

Il s'agit d'une formule contenant les pondérations et l'impression initiale des sujets.

Impression finale : f0p0+f1p1+...fnpn / p0+p1+...pn

f0 = impression initiale (par exemple : 2 - on est plus favorable au départ)
et p0 = poids de l'impression initiale (par exemple : 0,2 - elle contribue peu à l'impression finale).
f1 = score de favorabilité du premier trait (par exemple : spontané à 3).
p1 = points du premier trait (par exemple : spontané à 10 dans le cas de la pondération amitié).

Si nous faisons le calcul pour la personne A et que la pondération se porte sur l'amitié, nous obtenons le résultat suivant :

Impression finale = (2*0,2)+(3*10)+(3*10)+(3*1) / 0,2+10+10+1 = 2,93

Si nous faisons le même calcul pour la personne B et que les pondérations sont identiques nous obtenons le résultat suivant :

Impression finale = (2*0,2)+(10*10)+(-2*1) / 0,2+10+1 = 8,78

La personne B sera préférée à la personne A.

2. L'effet de primauté : modèle de Asch ou de Anderson ?

Anderson : l'effet de primauté résulte de la baisse d'attention des sujets.

Asch : le premier trait de personnalité fourni sert de point d'ancrage.

En fait, les listes de traits que propose Asch ne comportent que 6 traits.

3. Que se passe-t-il vraiment dans l'expérience de Anderson ?

Le sujet retient les traits les plus importants (selon ses intérêts personnels ou ses buts).

Le sujet procède à des éliminations d'informations (principe de discounting).

L'attention du sujet diminue au fur et à mesure du traitement des informations qui lui sont données (déficit attentionnel) => effet de primauté important.
 

4. Expérience de Belmore (1987)

Objectif : rendre compte du déficit attentionnel et de l'effet de primauté dans la lecture des portraits. L'attention est d'abord définie comme « la quantité de traitement d'une information stimulus » (1987).

Les informations sont présentées sur ordinateur.

Le temps de lecture des informations est mesuré.

Résultats :

Le temps de lecture augmente pour les 12 premières fois.

Le temps de lecture augmente peu pour les informations intermédiaires (13 à 24).

Le temps de lecture est très court pour les dernières informations (25 à 36).
 

5. Expérience de Tetloch (1983)

On peut annuler l'effet de primauté en impliquant les sujets à la tâche.

Expérience :

Procédure : une partie des sujets doit justifier ses conclusions (son impression envers autrui). L'autre partie n'a pas à justifier ses conclusions.

Tâche : lire la description d'un meurtre. La moitié des informations suggère la culpabilité de la cible et la seconde moitié, son innocence.

Hypothèse : les sujets qui devront se justifier seront moins sensibles à l'effet de primauté que l'autre groupe de sujets.

Résultats :

L'effet de primauté disparaît quand les sujets justifient leurs réponses.

Les sujets qui doivent justifier leurs réponses rappellent davantage d'informations que les autres (traitement en profondeur des informations).
 

6. Comparaison des modèles de Asch et de Anderson

Deux conceptions et deux approches différentes de la perception sociale.

Asch : Modèle impressionniste, globalisant — perception des formes — structures, schémas et prototypes guident le traitement des informations — chaque trait prend sa signification par rapport à la confirmation d'ensemble — connaissance d'autrui globale.

Problème : Comment les structures sont organisées. Comment les structures sont sollicitées dans la perception sociale.

Anderson : Modèle componentiel, individuation — chaque trait est isolable, évalué isolément — chaque information se combine avec les autres et agit sur l'impression en raison de son poids propre — connaissance d'autrui élémentaire.

Problème : Comment l'information est-elle évaluée — trouver la loi (algébrique) d'intégration des informations.
 

7. Qu'apportent de plus les TIP (Théories Implicites de la Personnalité) au modèle de Asch ?

Traits-stimuli => impression générale => inférences de traits particuliers (fig. a)

Traits-stimuli => TIP => Impression générale
                                              => Inférences de traits particuliers (fig. b)

Schématisation du modèle de Asch (fig. a) et du modèle de Bruner et Taguiri.

Fig. a = l'impression générale se fait en ligne.

Fig. b = une théorie implicite sur l'organisation des traits entre eux préexiste
               à la formation de l'impression.

VII. Théories Implicites de Personnalités (Bruner et Tagiuri, 1954)

En étudiant la perception sociale, nous avons vu que les gens arrivent à partir de quelques indices à se faire une idée générale de la personne, notamment avec Asch, on a parlé de la formation d'une impression globale grâce aux inférences concernant les traits décrits. Pour Bruner et Tagiuri, si nous donnons une certaine cohérence aux observations et aux informations qu'on a pu avoir de la personne, c'est que nous avons des connaissances préalables sur la personnalité d'autrui et c'est ce qu'on appelle les Théories Implicites de Personnalités.

1. Définition des Théories Implicites de Personnalités (Leyens, 1983)

Théories Implicites de Personnalités : Théories naïves que chaque individu a de la personnalité et qui rendent compte du fait que les gens considèrent que certains traits de personnalité vont généralement ensemble et d'autres non. Croyance générale à propos de la fréquence d'un trait, à propos de sa variabilité et de sa liaison avec d'autres traits.

Ces théories n'ont aucun critère objectif de validité. C'est un répertoire de traits qu'on utilise pour faire la description psychologique d'autrui.

Quand on voit qu'une personne possède telle ou telle caractéristique, on va inférer la présence ou l'absence d'autres traits de caractère. Si on parle de théories implicites c'est parce qu'elles sont naïves, c'est-à-dire que les sujets qui les utilisent ne savent pas vraiment les expliquer et cela repose sur la sagesse populaire. Cela ne veut pas dire que c'est inconscient.

Croyances générales sur l'espèce humaine et, notamment, en ce qui concerne la fréquence d'un trait et la variabilité d'un trait de caractère dans la population, ainsi que sa liaison à d'autres traits.

Théories naïves, car pas forcément conscientes.

Théories non scientifiquement fondées.
 

Jeffrey Mc Donald

 

Intelligent, aimable...

2 ensembles de traits que l'on ne pouvant pas être, d'après les TIP simultanément présents chez une même personne : étonnement général.

A tué sauvagement sa femme et ses enfants

Le comportement suggère qu'il est... (attribution de traits)

Violent, barbare, voire fou.

 

2. Les Théories Implicites de Personnalités sont partagées socialement

Il y a beaucoup de différences interindividuelles et interculturelles dans les TIP que possèdent les personnes, mais il y a une structuration que l'on retrouve très fréquemment : le Big Five (Zebrowitz, 1990 ; Norman, 1963). Dans de nombreuses recherches les mêmes TIP reviennent toujours : une classification des traits de personnalité en 5 catégories indépendantes (observé en Philippines, au Japon, à Hong Kong, Taïwan, en République de Chine et aux É.-U.).

Les dimensions relevées sont celles de :

1. l'amabilité — Ex. : « je suis sympathique »

2. la stabilité émotionnelle — Ex. : « je change souvent d'humeur »

3. la culture — Ex. : « je suis plutôt intellectuelle »

4. consciensosité — Ex. : « j'aime le travail bien fait »

5. introversion/extraversion — Ex. : « j'apprécie la solitude »
 

La structure en « big five » :

'Amabilité'

gentil / irritable
pas jaloux / jaloux
modéré / têtu
coopérant / négatif

'Stabilité émotionnelle'

posé / tendu
calme / anxieux
patient / excitable
non-hypocondriaque / hypocondriaque

'Culture'

sensibilité artistique / peu de sensibilité
intellectuel / instinctif
raffiné / rustre
imaginatif / simple, direct

'Consciencieux'

méticuleux / peu méticuleux
responsable / peu fiable
scrupuleux / peu scrupuleux
persévérant / peu persévérant

'Extraversion'

bavard / silencieux
franc-ouvert / secret
aventureux / prudent
social / solitaire

 

3. Théories Implicites de Personnalités et corrélations illusoires

Définition de Chapman et Chapman (1967) des corrélations illusoires : tendance de l'esprit à exagérer la fréquence des liens entre les événements en présence.

Chapman et Chapman (1967, 1969) ont présenté à des psychologues et à des étudiants en psychologie des cas de patients hypothétiques présentant des problématiques diverses. Chaque cas était accompagné d'un diagnostic (paranoïaque, problème d'impuissance, etc.) et du dessin du bonhomme, censé avoir été fait par le patient.

Les résultats ont mis en évidence que les sujets surestimaient la fréquence des signes présents dans le dessin en fonction de la problématique du patient. Ainsi, lorsqu'ils jugeaient un paranoïaque, ils ont trouvé davantage de gros yeux dans les dessins, et davantage de larges épaules et de musculature développée quand le patient était préoccupé par sa masculinité.

Il semble bien que nous préférions les explications qui confirment nos croyances. L'inconvénient est que, bien souvent, le recours à ces théories naïves renforce et entretien nos stéréotypes => racisme, sexisme.

4. Un prolongement des travaux sur les Théories Implicites de Personnalités

Cantor et Mischel (1979) — Solso et Mc Carthy (1981)

TIP : processus général de catégorisation, on a une représentation mentale générale d'autrui. On peut penser alors que :

l'on construit des prototypes abstraits d'autrui,

et que ces prototypes sont utiles à la classification des personnes en fonction de leur distance plus ou moins grande à ces types idéaux.

Objectifs : établir des hiérarchies ou des taxonomies de types de personnes.
 

Personne instable

Phobique Fou criminel
Claustrophobe Hydrophobe Violeur Étrangleur

 

Expérience de Solso et Mc Carthy (1981) : mémorisation des visages, construction de portraits-robots.

Matériel : 4 portraits-robots et pour chacun d'eux 3 visages dérivés supplémentaires (soit ressemblants à 75%, soit ressemblants à 50%, soit ressemblants à 25%, soit pas du tout ressemblants).

Tâche :

1. Mémoriser les 4 portraits et les images dérivées qui sont projetées toutes les 30 secs.

2. Deuxième projection des 4 portraits, mais avec de nouvelles images dérivées. Les sujets doivent dire s'ils ont déjà vu cette personne et donner leur certitude sur une échelle.

Conclusion :

On a une construction prototypique d'une personne que l'on mobilise par la suite pour reconnaître d'autres personnes.

On fonctionne de manière schématique, avec des schémas de personnes dans la tête.
 

5. La construction des Théories Implicites de Personnalités

Les TIP sont-elles acquises au fur et à mesure des contacts interpersonnels et des expériences sociales, et à partir des observations empiriques ?

Les TIP trouvent leur origine dans le fonctionnement de l'univers cognitif des sujets :

Les TIP sont utiles pour organiser l'environnement qui est fluctuant, instable,

Les TIP sont utiles pour prévoir,

Les TIP sont utiles pour le maintien de l'ordre des structures sociales.
 

6. L'utilisation des indices physiques

Felman (1971)

=> Felman Sh, Le scandale du corps parlant, Paris, Seuil, 1980.
 

Cas 1.

Felman classe les étudiants sortis de son université en deux catégories :
les grands (>1,85m) et les petits (<1,85m)

Les grands ont des salaires supérieurs de 12% à ceux des petits.
 

Cas 2.

140 conseillers professionnels.

Tâche : choisir un candidat parmi deux pour travailler ; soit le candidat fait 1,80m, soit il fait 1,55m.

Résultats : dans 72% des cas le plus grand des deux est choisi.
 

Cas 3.

Wilson, 1968 : quelqu'un de compétent est perçu comme plus grand qu'il n'est vraiment par rapport à quelqu'un de moins compétent que lui.

Conclusion : on juge les gens sur leur mine.

Voici quelques stratégies de résolution de l'incohérence entre les traits (Asch et Zuichier, 1984) :
 

Modes de résolution du conflit

Exemple de contradiction

Exemple de résolution

Ségrégation

Les traits sont séparés et assignés à deux aspects différents de la personnalité

Brillant et Idiot

Probablement très brillant sur les tâches abstraites, mais incapable sur les tâches pratiques de tous les jours.

Dimension de profondeur

Distinction entre états internes et externes de la personne

Sociable et solitaire

Il a beaucoup de liens superficiels, mais il est incapable d'avoir des relations sérieuses et il se sent seul.

Extrapolation

Une nouvelle information est introduite pour relier les 2 traits

Intelligent et peu ambitieux

Dans le passé, cette personne a subi des échecs et c'est pourquoi elle est maintenant peu ambitieuse.

=> On rationalise l'inconsistance.

[1] Texte extrait de la page :
http://www.e-monsite.com/isabellesamyn/rubrique-1012666.html consultée en janvier 2008.

Bibliographie

BOURDIEU P, PASSERON P, Les héritiers : les étudiants et la culture, Éditions de Minuit, 1964.

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DE LA HAYE A-M, La catégorisation des personnes, PUG, 1998.

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FISKE S-T, TAYLOR S-E, Social Cognition, New York, 1991.

JONES R-L, Black adolescents, Berkeley, 1989.

LIPPMANN W, Public opinion, New York, 1922.

PEDHAZUR E-J, Multiple regression in behavioral research, New York, 1982.

ROSENTHAL R, JACOBSON L, Pygmalion in the classroom : Teacher expectation and student intellectual development, New York, 1968.

MacRAE N, STANGOR C, HEWSTONE M, Stereotypes and stereotyping, New York, Guildford Press, 1996.

[2] À distinguer l'effet de Halo de l'effet Pygmalion.

Philo5
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