050710 - 090727

Un credo post-religieux[1]

par Roger Léger[2]

Philo5 - 2005-2009

Défendre l'indéfendable

Les valeurs chrétiennes

Pourquoi je ne suis plus chrétien

Héritage de l'Histoire

Indécidables questions

Un credo post-religieux

* * *

Défendre l'indéfendable

« Il existe un vague sentiment de culpabilité (!) des Québécois (et de beaucoup d'Occidentaux) pour les excès passés de leur religion officielle », écrit Guy Durand dans l'extrait de son livre Le Québec et la laïcité, avancées et dérives (Éditions Varia), que La Presse citait dans une livraison récente. « Quand ce n'est pas un complexe amour/haine non résorbé, nourri des frustrations, rancœurs et déceptions accumulées, » continue-t-il.

J'avoue que personnellement je ne ressens vraiment aucun sentiment de culpabilité pour les folies commises par d'autres, même si ce sont mes ancêtres. De l'indignation ou de la colère, ou de la pitié, mais pas de sentiment de culpabilité. Sommes-nous responsables de ce qu'ont fait ceux qui nous ont précédés? Je peux les plaindre et essayer de ne pas répéter dans ma vie leurs erreurs passées. Me sentir coupable? Non. Et ma colère contre l'Église d'ici a disparu il y a longtemps, je ne suis pas porté vers ce sentiment-là; quoique, à dire vrai, elle refait surface de temps à autre, surtout quand l'Église prétend avoir le monopole de la vérité et de la vertu et veut diriger la société au nom de sa morale. Et j'ajoute que je n'ai pas connu de haine envers notre Mère-la-Sainte-Église-catholique-apostolique-et-romaine. Je me reprocherais plutôt mon sentiment de pitié envers elle. Nous avons tourné le dos à cette Église qui ne nous convenait plus ni dans sa morale ni dans sa conception du monde. Chacun peut se remémorer le parcours de son abandon des croyances chrétiennes. Ce n'est pas le lieu de raconter ici le mien. Je veux plutôt réagir à certains passages du texte de Guy Durand paru dans La Presse du 18 septembre 2004.

Et rappeler d'abord à ce théologien qu'il y a peu de pays aujourd'hui, en Occident du moins, où l'on retrouve une religion officielle, et qu'il n'y en aura plus demain dans un monde globalisé et pluraliste. L'humanité graduellement laisse derrière elle ce moment de son histoire. Et il est malséant de vouloir s'accrocher à un passé qui ne reviendra pas. Durand n'est pas le premier défenseur récent de l'Église de Rome à entonner le refrain de l'incommensurable supériorité de cette même Église qui, selon ses dires, « a donné naissance aux droits de la personne, à la liberté individuelle, à la valorisation de la femme, au souci des démunis. » Des livres et des articles ont été écrits, des colloques ont été tenus pour soutenir cette thèse (Les grandes inventions du Christianisme, sous la direction de René Rémond, Bayard Éditions, 1999). Des historiennes et des historiens distingués ont conclu leurs recherches historiques par ces affirmations péremptoires et étonnantes. Le commun des mortels, ou les accepte de bonne foi, ou s'en indigne. Il s'étonne à tout le moins que les maîtres de l'Inquisition et du totalitarisme spirituel qui ont fait des petits au 20e siècle, que ceux qui niaient la liberté de conscience il y a encore 150 ans au Concile Vatican 1, aient pu avoir donné naissance à la liberté individuelle et aux droits de la personne, que ceux qui maintiennent encore la femme dans une position secondaire dans leur entreprise aient pu avoir quelque influence significative sur la valorisation de la femme dans notre civilisation, et que ceux qui prêchaient aux pauvres la résignation aient pu avoir quelques soucis profonds d'éradiquer la pauvreté et les inégalités en ce monde, puisque c'était l'autre monde qui était le vrai. Celui-ci n'était qu'une vallée de larmes qu'il fallait accepter.

Si l'Occident est devenu plus ou moins une terre de liberté, de tolérance et de paix, contre qui donc avons-nous dû lutter tous ces siècles pour y parvenir? L'Église faisait partie de la cohorte de ceux contre qui nous avons dû lutter. Avant les barbaries séculières du 20e siècle, nous avons connu les barbaries religieuses des siècles passés. Qui donc a exterminé les Albigeois, a prêché les Croisades et persécuté les Juifs et tous les dissidents et tous les hérétiques de ce monde? Qui a été responsable du massacre de la Saint-Barthélemy à Paris en 1572? Qui a trahi sa parole et a mis à mort Jean Hus et ses compagnons à Prague en 1415? Qui a brûlé vif Giordano Bruno à Rome en 1600? Les dragonnades du siècle de Louis XIV ont été inspirées par qui? On massacrait au nom de la religion chrétienne à la fin du XVIIe siècle en France, faut-il le rappeler. Et on excommuniait encore à qui mieux mieux au XXe dans cette Église dont on dit qu'elle est à l'origine des droits de l'homme et de la liberté de conscience. Et voilà qu'un théologien de Montréal nous affirme que les quelques libertés dont nous jouissons et que les droits de la personne qui sont incarnés dans nos lois sont des cadeaux de l'Église de Rome et qu'on trouve leurs origines dans les Évangiles. Ces derniers siècles l'Église catholique a plutôt suivi que précédé l'évolution morale et intellectuelle de l'Occident. Elle a admis la démocratie et la liberté de conscience bien tardivement. Et la différence qu'il y a entre une secte et une grande religion n'est, en somme, que leur nombre d‘adhérents. Avec quelques millions de membres et quelques ajustements à sa doctrine, une secte devient une religion socialement respectable et acceptée.

Les valeurs chrétiennes

Je suppose que, si l'on veut chercher les valeurs chrétiennes, il faut les aller chercher dans les Évangiles. Contrairement à l'Église, le Jésus des Évangiles n'avait pas une aversion irrationnelle contre la femme, ne désirait pas le pouvoir et ne se servait pas de la faiblesse et de la perversion humaines comme une excuse pour la tyrannie et l'oppression. Mais on ne peut certes pas absoudre le Jésus des Évangiles des crimes commis en son nom. Jésus, s'il a vraiment existé, n'était pas l'être que la tradition et la légende veulent bien nous laisser croire. Nous n'avons qu'à lire les Évangiles, rien que les Évangiles. Il n'était pas le modèle de la tolérance et de la modération qu'on nous peint dans l'imaginaire populaire. Lisez l'Évangile de Jean, et tous les autres d'ailleurs, vous y verrez un autre Jésus, assez extravagant, intransigeant, immodéré et autoritaire. « Je suis la lumière du monde » lui fait dire Jean l'évangéliste. « Je suis la voie, la vérité et la vie, personne ne va à mon Père que par moi ». « Je suis le pain vivant... si quelqu'un mange de ce pain vivra éternellement...Qui a bu mon sang et a mangé ma chair aura la vie éternelle. » C'est assez cannibale comme métaphore! « Ce langage-là est trop fort », se plaignaient les disciples, « qui peut l'écouter »? (voir la Bible de Jérusalem, l'Évangile selon Saint-Jean). Si l'on ne se rebiffe pas contre de telles prétentions, ce n'est que parce que l'on accepte, que l'on croit que Jésus, le fils de Marie, est Dieu. Zoroastre ou le Bouddha ou Mahomet ou Confucius ou Lao-Tseu ou Mani ne se déclaraient pas Dieu ou Fils de Dieu, comme le fait l'humble Jésus de Nazareth. « Moi et mon Père ne faisons qu'un ». Aux Pharisiens qui doutaient, qui s'indignaient et qui lui jetaient quelques pierres, Jésus demandait : qu'ai-je fait pour mériter un tel opprobre? « Étant un homme, tu t'es fait Dieu ». On voit alors Jésus leur répondre qu'ils ne sont pas dignes de passer jugement sur lui. « Vous êtes de ce monde, je ne suis pas de ce monde », peut-on lire encore dans Jean.

Je suis prêt à m'asseoir avec le théologien Guy Durand et lire les Évangiles avec lui, rien que les Évangiles, qui sont censés être le dépôt de la révélation divine, nous assure-t-on. Pas les gros commentaires inutiles que les théologiens depuis 2000 ans ont écrits pour expliquer le message de Jésus de Nazareth. La Parole de Dieu a-t-elle donc besoin de tant de commentaires et d'éclaircissements? J'ai repris récemment la lecture des Évangiles. Je suis aussi abasourdi aujourd'hui, et même plus, que je ne l'ai été dans la vingtaine quand je les ai lus et que j'ai rejeté cette prétendue révélation divine, cette vision du monde faite d'un Dieu qui s'incarne pour expier les péchés du monde et apaiser la colère de son Père Céleste, d'un Jugement dernier où les bons et les méchants seront départagés et ces derniers seront projetés dans un feu éternel, tandis que les premiers recevront la récompense éternelle pour leur foi en Jésus.

Jean-Paul II croit toujours en l'existence de Satan. Je suppose que Satan ne vit pas au Ciel. Voyez comment les Évangiles rapportent les paroles de Jésus sur les châtiments qui attendent ceux qui n'auront pas cru en lui, qui auront démérité de son Père céleste. Je ne trouve pas ni dans Confucius, ni dans Lao-Tseu, ni dans le Bouddha de telles extravagances. « Quand le Fils de l'Homme viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges, alors il prendra place sur son trône de gloire. Devant lui seront rassemblées toutes les nations, et il séparera les gens les uns des autres, tout comme le berger sépare les brebis des boucs. Il placera les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. Alors le Roi dira à ceux de droite : venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde.... Alors il dira à ceux de gauche : Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel qui a été préparé pour le Diable et ses anges.... Et ils s'en iront, ceux-ci à une peine éternelle et les justes à la vie éternelle. » (voir la Bible de Jérusalem) Et il est clair pour Jésus que l'enfer n'est pas une condition spirituelle, mais un lieu de tourment physique qui durera éternellement. Je passe sur la difficulté, qu'ont eu à résoudre les théologiens, de corps qui brûlent éternellement. C'est assez comique de les lire sur ce point. Mais il n'y a rien d'impossible aux théologiens.)

Pourquoi je ne suis plus chrétien

Si je ne suis plus chrétien, c'est parce que je ne crois plus aux dogmes de l'Église du Christ. Il y a toujours eu des Chrétiens qui ont été embarrassés par les passages extravagants des Évangiles sur la damnation éternelle. Origène avait donné une interprétation originale et assez généreuse de ces passages troublants des Évangiles, où à la fin tout, même Satan et ses anges, serait réconcilié avec Dieu. Mais Augustin ne l'entendait pas de cette oreille, qui qualifiait la position d'Origène de sacrilège et surpassant « toutes les erreurs dans sa perversité. » Le Christianisme sans l'enfer est impensable. C'est pourquoi Jean-Paul II croit toujours dur comme fer à l'existence de Satan, tout comme il croit aux anges gardiens, et à bien d'autres fantaisies.

Le cinquième concile œcuménique (an 553) condamnait Origène comme un hérétique et dénonçait toute une liste de ses erreurs, surtout celle qui affirmait que l'enfer était un état de tourment spirituel qui durerait aussi longtemps que nécessaire, mais pas plus, pour la réhabilitation de l'homme déchu. « Tant de charité et de bonne volonté étaient intolérables », commente une philosophe de l'Université de Regina, Shadia Drury. La position d'Origène avait surtout le malheur de ne pas être conforme au texte évangélique. C'est pourquoi Augustin aussi bien que Thomas d'Aquin ont défendu avec âpreté la doctrine de l'enfer comme lieu de tourment physique éternel. Le Docteur Angélique soutenait que les damnés seraient « punis non seulement dans leur âme, mais aussi dans leur corps. » Il insistait sur le fait que le feu de l'enfer était corporel et qu'il brûlerait les corps ressuscités des damnés pendant toute l'éternité.

Quand nous lisons les textes « sacrés » de l'Église de Rome de façon impartiale, nous ne pouvons qu'être scandalisés. Nous y voyons une religion avec une vision diabolique de la réalité du monde. Nous nous trouvons dans un monde où nous avons tous été condamnés à un tourment éternel par le seul fait que nous sommes les descendants supposés d'un couple mythique, Adam et Ève, et un monde où il n'y a aucun moyen pour nous d'obtenir par nous-mêmes notre propre salut. Il fallait qu'il envoie son Fils Unique expier la faute originelle. Seul Dieu décide de notre salut et ses critères et ses choix sont incompréhensibles. Et les récompenses de ceux qui seront sauvés et qui seront admis en Paradis pour l'éternité incluront celle de voir éternellement les tourments éternels des damnés. Thomas d'Aquin explique, en effet, que la vue des tourments des damnés de l'enfer est partie intégrale du plaisir d'être au Ciel. Le saint homme déclarait que de pouvoir « voir parfaitement les souffrances des damnés » rendait le bonheur des sauvés « plus délicieux », et les rendait capables « de donner plus de reconnaissance à Dieu ». À la question de savoir si ces élus n'auraient pas de pitié ou de compassion pour les damnés, le Docteur Angélique répondait, avec sa logique ordinaire, qu'avoir pitié consiste à participer au malheur d'autrui, « mais les élus ne peuvent connaître aucune tristesse, » aucun chagrin, donc ils n'ont pas de pitié pour les damnés. Au contraire, disait ce profond théologien, les « bienheureux se réjouiront de la punition des méchants » considérée comme la manifestation de la justice de Dieu (voir sa Somme théologique, S94, articles 1,2,3). Il ne faut pas prendre des Évangiles ce qui nous plait et rejeter ce qui fait problème. C'est notre Cardinal qui nous le rappelait lors de son élévation récente au cardinalat. Je suis ici assez d'accord avec le Cardinal. Une fois n'est pas coutume.

La religion de Jésus n'a pas été pervertie par les Évêques de Rome, par Paul de Tarse, que je ne peux qualifier de saint, par l'Église constantinienne ou augustinienne, et par tous ceux qui ont commis les plus grands crimes en son nom. L'intolérance, l'esprit vindicatif et impérieux aussi bien que l'amour du prochain se trouvent dans les paroles qu'on attribue au Jésus des Évangiles. « Je vomirai les tièdes de ma bouche », « qui n'est pas avec moi est contre moi », « n'allez pas croire que je suis venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive » ; ce ne sont pas là des paroles d'un homme modéré et tolérant. Le Christ des Évangiles ne semble pas avoir surmonté ses contradictions et demeure pour moi un personnage ambigu. Socrate, le Bouddha ou Lao-Tseu me semblent lui être supérieurs. À côté du sermon admirable sur la montagne, fabriqué après coup par l'évangéliste (les évangiles ne sont pas des narrations historiques) il y a de nombreuses et terribles condamnations aux feux de l'enfer.

Héritage de l'Histoire

Il faudrait tout un livre pour répondre aux affirmations de Guy Durand. Il écrit : « Malgré ses excès, encore une fois, l'Occident chrétien est une terre de liberté, de tolérance, de paix. Il n'est d'ailleurs pas question ici de foi personnelle ni de croyances, encore moins de pratiques liturgiques, mais de culture, de culture commune. » « Refuser l'héritage culturel chrétien, refuser ses symboles et ses manifestations, c'est refuser l'histoire qui a fait ce pays, disons-le encore une fois. C'est aussi refuser le présent en niant les droits de la grande majorité des citoyens qui sont encore de culture chrétienne. » « Refuser l'héritage, c'est hypothéquer l'avenir. Il n'y a pas d'avenir sans passé. »

Il n'y a rien de stable dans l'histoire. La « culture commune » change continuellement. Le christianisme est venu à un moment donné de l'histoire humaine, après l'Égypte, les cultures de la Mésopotamie, la juive comprise, après la Grèce et Rome. Affirmer sans broncher et sans plus que « l'Occident chrétien (en mettant l'accent sur chrétien) a donné naissance aux droits de la personne, à la liberté individuelle, à la valorisation de la femme, au souci des démunis », comme si tout avait commencé avec les Évangiles, est faire preuve d'une certaine ignorance de l'histoire. J'ai l'air ridicule si je rappelle que la démocratie, la liberté de conscience et l'État de droit sont nés péniblement et partiellement en Grèce avec Solon en -594 avant notre ère, si toutefois nous pouvons mettre une date à de tels phénomènes. Tout se fait graduellement dans l'histoire. Rome, de son côté, a entrepris sa lutte pour la démocratie dès -509, lutte qui durera jusque vers -264; et elle connut un apogée de civilisation, inspiré par les penseurs stoïciens, entre 96 et 180 de notre ère, un État de droit qui n'a pas duré longtemps, mais qui a laissé un souvenir impérissable dans la mémoire des peuples d'Occident.

Voici, pour exemple, la vision du stoïcien Cicéron : « La vraie loi est la droite raison en accord avec la nature, universelle dans sa perspective, invariable, éternelle... On ne peut s'y opposer ou l'altérer, on ne peut l'abolir, on ne peut se libérer de ses obligations envers elle par aucune législation, et on ne doit pas chercher ailleurs qu'en nous-mêmes la source de cette loi. Cette loi n'est pas différente à Rome ou à Athènes, dans le présent ou dans l'avenir; ...elle est et sera valide pour toutes les nations et pour tous les temps. ...Qui lui désobéit se nie lui-même et sa propre nature ».(De republica III, 22 ; De officiis I, 23 ; De legibus I,15). C'est là un résumé de l'idéal qui a été recherché, poursuivi, l'est encore aujourd'hui et le sera demain et aussi longtemps qu'il y aura une civilisation humaine qui luttera pour faire triompher cette idée et cet idéal.

Guy Durand se plaint et s'indigne que l'on puisse délaisser l'héritage sacré et la foi de nos pères et mères. Refuser l'héritage, c'est hypothéquer l'avenir, il n'y a pas d'avenir sans passé, écrit-il. C'est exactement la plainte et l'accusation que Celse adressait vers 175 de notre ère aux Chrétiens. « Vous ne vous attendez pas, je suppose, à ce que les Romains délaissent, pour embrasser votre foi, leurs traditions religieuses et civiles, et invoquent votre Dieu, le Très-Haut ou de quelque nom que vous l'appeliez ... » (Celse, Contre les chrétiens, J. J. Pauvert éditeur, collection Liberté, 1965, p. 160). Encore quelques siècles, cependant, et Rome était devenue chrétienne, le glaive de Constantin et de Théodose aidant, et celui de beaucoup d'autres empereurs chrétiens, parce que les Romains « éclairés » ne croyaient plus aux dieux romains, et que « les masses » trouvaient consolations et refuge dans les nouveaux mystères venus du Moyen-Orient et d'Égypte. Ces derniers semblaient convenir davantage à l'état de l'opinion publique et à la situation de l'Empire dans sa période de décadence. « Il est une nouvelle race d'hommes nés d'hier, sans patrie, ni traditions, ligués contre toutes les institutions religieuses et civiles, poursuivis par la justice, universellement notés d'infamie, mais se faisant gloire de l'exécration commune : ce sont les Chrétiens » ; c'est par ces mots que Celse débute son pamphlet contre les Chrétiens et veut maintenir la tradition romaine qui s'étiolait. Nous ne savons guère, quant à nous, ce que sera l'avenir, mais nous savons qu'il sera différent du passé, même si le passé dure longtemps.

Indécidables questions

Pourquoi faut-il s'étonner si après 2000 ans nous ne croyons plus aux dogmes chrétiens? Ils ne nous conviennent plus, voilà tout, du moins à un certain nombre d'entre nous. Une nouvelle tradition prend forme depuis quelques siècles en Occident, ou plutôt renoue avec celle née en Grèce aux sixième et cinquième siècles avant ce que l'on appelle encore l'ère chrétienne. Nous avons la prétention de nous déclarer non chrétiens dorénavant, comme les Chrétiens il y a 2000 ans eurent l'audace de ne plus s'appeler Romains, refusant les dieux de Rome; nous ne sommes plus des chrétiens parce que nous ne croyons plus aux dogmes chrétiens, bien que nous soyons forcément sortis d'une longue tradition chrétienne, qui a eu ses sommets et ses abîmes, tout comme les premiers chrétiens en leur temps surgissaient d'une longue tradition plurielle du bassin de la Méditerranée. Et aujourd'hui, la vision chrétienne du monde, avec ses dogmes et sa morale, ne semble plus convenir au temps nouveau de l'histoire.

Alors, que croyons-nous donc sur les grandes et « indécidables » questions? « Faut-il croire en dépit de tout », comme le propose le théologien dominicain Jean-Marie-Roger Tillard? Je résumerais ainsi, pour ma part, la nouvelle vision, le nouveau credo des hommes et des femmes d'Occident, minoritaires encore, bien sûr, comme l'étaient les premiers Chrétiens il y a 2000 ans dans l'Empire romain. D'où vient donc que je crois ce que je crois? Comment tout cela s'est-il formé en moi au fil des négations et des interrogations? À 76 ans, dans toute l'opacité de mon être, mais avec une sourde force de conviction personnelle et dans une adhésion radicale, je suis arrivé à croire ce que maintenant je crois. Je ne peux pas prouver tout ce que je crois. Mais du plus profond de mon être je ne peux pas croire autrement.

« Voici donc, disait Jean Rostand, ce que je crois, parce qu'on ne peut jamais que croire, et que toute la différence est entre les téméraires qui croient qu'ils savent et les sages qui savent qu'ils croient. Voici ce que je crois, parce qu'on ne peut s'empêcher de croire quelque chose, même quand la raison suprême serait peut-être de suspendre le jugement... Voici ce que je crois, quand je suis seul avec moi-même, et non pas en présence des autres, qui trop souvent nous altèrent en nous provoquant au consentement ou à la contradiction. Voici ce qui, tout compte fait, me paraît le moins invraisemblable, ce pour quoi, très honnêtement, je parierais si j'avais, sur les grandes et indécidables questions, à tenir un pari, non pas un pari frauduleux à la Pascal, où l'on nous fait le coup de l'angoisse et de l'infini, mais un bon pari honnête et paisible où l'on peut garder toute sa tête ». Quel pourrait donc être le credo d'un non-chrétien, d'un humaniste athée, au début de ce millénaire? En voici un parmi d'autres. Et je ne le donne pas pour plus qu'il ne vaut. « On ne peut souvent, disait Freud, se retenir de dire ce que l'on pense, et l'on s'en excuse alors en ne le donnant pas pour plus que cela ne vaut ».

Un credo post-religieux 

Mes croyances ne sont pas absolues, mais relatives et évolutives ; on peut les étudier, les remettre en question et les changer. Ce que je crois n’est pas basé sur des textes dits révélés, sur la fantaisie, le rêve ou sur une vaine espérance, mais sur la réalité, quelque obscure et problématique qu'elle puisse être, une réalité que nous devons étudier, connaître et accepter, quelles que soient les conclusions auxquelles nous arrivons et quel que soit l’Univers qui nous est ainsi révélé. Je ne peux pas prouver tout ce que je crois, mais du plus profond de mon être je ne peux pas croire autrement.

Je crois qu’il est souhaitable et possible de connaître les « lois » [3] simples qui gouvernent l’ensemble de l’univers et qui président à son évolution inexorable ; que ces lois, ces régularités observées, sont éternelles comme lui, objectives, extérieures à nous, « invariables », universelles, et vérifiables.

Je crois que ces « lois » de l’Univers sont progressivement connues des humains, qu’elles ne sont pas de pures inventions de leurs cerveaux,[4] et qu’elles ne sont pas la propriété de l’un ou de l’autre sexe, ou de quelques cultures particulières.[5]

Je crois que tous les humains peuvent y avoir accès [6] et que, si d'aventure il y a d'autres roseaux pensants dans l'univers, ils découvriront les mêmes « lois de la nature » que nous, et expliqueront de la même manière la naissance et la mort des étoiles, l'explosion des supernovas, la formation des trous que l'on dit noirs, et la structure des protons, des atomes ou de l'ADN.

Je crois que notre destin est de ce monde [7], où nous pourrions être seuls [8], et où nous avons fait irruption par la plus grande des chances et le plus incroyable des hasards [9].

Je pense comme Aristote que ce qui est engendré par hasard n'est pas engendré en vue d'un but ; et je crois comme Stephen Jay Gould que les humains sur cette planète ne sont que de simples possibles et non pas le but recherché et nécessaire de l'Univers, semblables en cela aux abeilles, aux dinosaures, aux roses et aux nénuphars, aussi bien, hélas, qu'aux rats, à la mouche tsé-tsé, à la peste, à la variole et aux plantes vénéneuses [10].

Je crois comme Héraclite et le Bouddha, Parménide et Épicure, Aristote et Lucrèce, que l'Univers est incréé et éternel, j'opine comme Martin Rees, Andrei Linde et Lisa Randall qu'un Multivers est possible [11], et je conclus comme Bertrand Russell et Jacques Monod qu'il est sans compagnon divin inutile.

Je crois comme Pascal, Lao-Tseu et le Bouddha qu'il y a un infini [12] et que nous en ignorons la nature et la raison d'être; et je crois comme la Bible qu'il ne faut pas invoquer le nom de dieu en vain; je veux dire, ici, qu'il est, en effet, vain et inutile de se référer à un dieu pour expliquer le monde.

Je crois que la planète Terre et la vie qu'elle abrite sont pour nous ce qu'il y a de plus précieux dans l'Univers, que notre lot, notre devoir, notre souci, ou même notre mission, est de prêter vie, notre vie, si l'on peut, à cet Univers pour le temps qu'il durera dans le Multivers ; que c'est là la plus sacrée de nos tâches de Terriens, notre joie, notre passion et notre dramatique aventure.

Je crois que ce qui subsistera de nous après notre mort sera les descendants et les souvenirs que nous laisserons après nous, et les atomes dont nous étions faits et qui seront recyclés dans l'Univers; je crois que nous serons éternellement anéantis, quoi qu'en pensât Pascal et espérât Socrate [13], et qu'il faut accepter notre destin sans se plaindre, et sans trop gémir comme Cioran [14].

Je suis d'avis que nous devons nous reconnaître pour ce que nous sommes, des êtres finis et mortels qui participent tous de l'infirmité commune : jamais rien ne pourra totalement nous satisfaire, et nous serons toujours irrémédiablement ignorants du secret ultime des choses. Nobliau ou grand seigneur de l'Univers, notre destin est fait de joies et de peines terrestres passagères, et de connaissances limitées. Évitons les peines, si l'on peut, et combattons notre ignorance. Sachons nous contenter de notre condition ; sortis de l'Univers, connaissons l'Univers. Là est notre tâche et notre destin, là est la sagesse humaine, là, le bonheur des Terriens.

Je crois que nous ne savons pas pourquoi il en est ainsi. Mais je crois qu'il en est ainsi. Voilà mon credo.

[15] Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre.

Je ne crois pas en un dieu qui aurait créé le Ciel et la Terre ; on sait assez comment la Terre a été formée et les cieux étoilés ont été allumés au-dessus de nos têtes. Et nous n'avons pas besoin de "cette hypothèse" pour expliquer le Big Bang.

Et en Jésus-Christ son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie,

Je ne crois pas à la fable du dénommé Jésus-Christ, fils unique de ce que l'on appelle le Père Éternel, qu'il ait été conçu d'un Saint-Esprit, et soit né d'une vierge de Palestine il y a 2000 ans pour le salut du genre humain.

a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort, a été enseveli,

Je peux admettre, à la rigueur, qu'un Galiléen ait souffert sous Ponce-Pilate, ou sous un autre, qu'il ait été crucifié, qu'il soit mort et ait été enseveli ; ce sont là des choses que l'on peut vérifier, qui peuvent donc être vraies ou fausses, et qui arrivent lorsque l'on n'est pas raisonnable et que l'on se prend pour le fils de Dieu et le Roi des Juifs. [16]

est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts, est monté aux cieux,

Il est absurde de dire que ce crucifié soit descendu aux enfers, qu'il soit ressuscité, et qu'il ait monté au ciel [17].

est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant, d'où il viendra juger les vivants et les morts.

Il est extravagant d'affirmer qu'un faux prophète [18] de Palestine soit assis à la droite d'un Être éternel, et qu'il viendra juger les vivants et les morts. [19]

Je crois en l'Esprit-Saint,

Il est inutile et également absurde de croire à un Saint-Esprit, troisième personne d'un dieu trine.

Il est indigne de proposer à la croyance des terriens cette histoire d'un dieu qui, courroucé par une prétendue faute originelle d'un supposé premier couple d'humains, damne l'humanité entière aux feux éternels d'un enfer absurde ; et il est risible de penser que cette humanité ne peut être sauvée de la damnation éternelle, édictée par un Être Suprême, que par l'envoi sur terre de son fils unique, qui devra expier par sa mort sur une croix la faute autrement irréparable.

à la sainte Église catholique,

Je n'estime guère l'Église catholique qui se qualifie elle-même de sainte, et je lis son histoire avec tristesse, horreur, colère et indignation.

J'admire sans réserve les croyants en une divinité qui vouent leur vie au soulagement des maux qui affligent les Terriens, mais je trouve tout à fait inutile de faire accompagner ce dévouement admirable de dogmes absurdes ; j'ai en sainte horreur les fables, les censures, les mensonges, les fabrications de faux, les inquisitions et les excommunications ; et je n'ai que faire d'un dieu qui nous menace des feux de l'enfer tout en disant nous aimer.

à la communion des saints,

Je trouve tout à fait inutile de croire en la communion des saints, mais absolument nécessaire de promouvoir la solidarité de tous les humains sur Terre.

Nous faisons ce que nous pouvons pour faire progresser l'humanité et lui enlever de l'esprit de fausses et d'inutiles croyances, et nous travaillons avec acharnement et quelque succès à neutraliser les papes qui déraisonnent au Vatican, les cardinaux, les archevêques, les évêques et les prêtres qui pontifient et qui fabulent dans les églises et les cathédrales, les rabbins qui font de même dans les synagogues, les bonzes qui marmonnent dans les pagodes, et les imans et les mollahs qui prient et crient dans les mosquées.

à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. Amen.

Il est inadmissible, il me semble, d'affirmer sans preuve qu'il y a une vie éternelle. [20]

Enfin, je crois que notre vie serait plus belle et plus riche, plus vite nous réaliserons que la mort est un terme, une fin, et non un commencement, que « le ciel est sous nos pas et non au-dessus de nos têtes, que le seul Dieu que nous devons adorer est notre frère et sœur en humanité » (Vivekananda) [21], qu'il n'y a pas de Providence qui nous guide et nous protège, pas de Christ qui nous aime et qui nous sauve, pas de résurrection des corps ni de transmigration des âmes, qu'il n'y aura pas de Paradis pour nous accueillir et nous procurer un bonheur éternel — ni d'enfer pour nous rôtir éternellement — que la vie que nous vivons est la seule qui nous sera donnée. Dura lex, sed lex. Dures vérités, mais vérités tout de même.

Abandonnons ces mysticismes débilitants qui troublent les cœurs et qui égarent les esprits, ces dogmes et ces dévotions inutiles qui distraient les humains de la vérité la plus haute : l'Univers est comme un temple et la vie est sacrée ; il n'y a pas d'autre dieu à chercher ; seul est véritablement religieux qui étudie les mystères du monde et qui sert, qui respecte et qui sauve les vivants.

Je ne vois pas ce que l'affirmation gratuite d'un dieu caché, silencieux, muet et sourd, donc à toutes fins utiles inexistant, vient ajouter de lumières à ce monde ténébrescent que nous devons illuminer, ombres noctiluques que nous sommes, de nos désirs et de nos amours, de nos rêves et de nos chants, de nos connaissances et de nos créations.

Allons, du courage, la vérité nous libérera, de craintes inutiles, de dogmes extravagants et de vaines espérances.


[1] Originalement titré Un credo post-chrétien, quatre ans plus tard, l'auteur nous a soumis ce texte révisé et annoté avec pour nouveau titre Un credo post-religieux. (Télécharger l'édition 2014 enrichie et annotée par l'auteur.)

[2] Roger Léger a fait carrière comme professeur de philosophie au collège militaire de St-Jean. Il fut aussi éditeur de la revue Idées et pratiques alternatives dans les années '80 où il manifesta son engagement pour l'écologie militante. Directeur des Éditions du Fleuve, il publia le Rapport Brundtland sous le titre de Notre avenir à tous en 1988, réédité aux éditions Lambda en 2008 et diffusé en Europe par Adéquations.

[3] 1. J’ai mis le mot « lois » entre parenthèses pour indiquer l’ambiguïté du mot dans l’expression « lois de la nature », et le problème qui est soulevé quand on parle des lois de la nature, car immédiatement on pense à un législateur suprême ; c’est pourquoi j’emploie l’expression « régularités observées » immédiatement après. Ces régularités observées sont certainement objectives, extérieures à nous, universelles, mais sont-elles invariables, et éternelles? Voir J. Webb, Are the Laws of Nature Changing with Time? in Physics World, Vol. 16, Part 4, pages 33-38, avril 2003 ; aussi Scientific American, juillet 2005, l’article Inconstant Constants ; aussi Dreams of a Final Theory, the Search for the Fundamental Laws of Nature, du prix Nobel de Physique, Steven Weinberg, Pantheon Books, 1993; encore, de Roger Penrose The Road to Reality, a Complete Guide to the Laws of the Universe, Alfred A. Knopf, 2005 (2004) ; encore, du prix Nobel Richard Feynman La nature de la physique, Seuil, sciences, 1980 ; voir aussi The Comprehensible Cosmos, Where Do the Laws of Physics Come From, de Victor J. Stenger, Promotheus Books, 2007.

[4] Comme l'affirment certains tenants du postmodernisme. « Les lois de la gravitation n'existaient pas avant Newton »! disent certains philosophes des sciences. Nos connaissances scientifiques, qui s'expriment dans des théories et des lois, ne reflètent que partiellement et progressivement la réalité ; certains postmodernes disent qu'elles ne la reflètent pas du tout, qu'elles ne sont que de pures créations de leur cerveau.

[5] 3. Elles ne seraient que de mythologiques narrations des mâles blancs d'Occident, prétend tout un mouvement de pensée qui sévit sur les campus américains et qui réunit des féministes et les philosophes postmodernes ; la science, pour eux, est une narration comme une autre, un mythe parmi d'autres mythes qui jalonnent l'histoire des mythes et des religions. C'est l'extrême où est tombé le postmodernisme. Les livres à lire : Impostures intellectuelles, des professeurs Jean Bricmont et Alan Sokal, chez Odile Jacob, 1997, et Higher Superstition, the Academc Left and its Quarrels with Science des professeurs Paul R. Gross et Norman Levitt, Johns Hopkins UP, 1998 (1994). On peut consulter l'œuvre abondante du philosophe de McGill, Mario Bunge, pour une critique dévastatrice des thèses postmodernistes.

[6] Quelque difficiles que soient devenues les sciences à la fin de ce millénaire, et particulièrement difficiles d'accès au commun des mortels, je pose qu'en théorie tous les humains peuvent y avoir accès, si on y met les efforts et le temps voulus, contrairement aux dogmes des religions qui nous seront à jamais incompréhensibles.

[7] Il n'y a pas d'autre monde, de paradis ou d'enfer ; si l'enfer n'est plus de mise, il doit en être de même du paradis ; nous sommes un merveilleux épiphénomène temporaire de l'univers.

[8] Le livre à lire est Rare Earth, Copernicus (1999), des professeurs Peter D. Ward et Donald Brownlee, sur la probable rareté sinon la probable unicité de l'espèce humaine dans l'univers ; c'est un grand débat scientifique ; seule l'observation déterminera l'exactitude de la thèse ici rappelée ; les faits semblent nous diriger vers cette conclusion ; il faut attendre, cependant, la fin de l'histoire, c'est-à-dire des recherches en cours ; à lire aussi A Glorious Accident, Understanding Our Place in the Cosmic Puzzle sous la direction de Wim Kayser ; une série d'entretiens avec Oliver Sacks, S. J. Gould, Stephen Toulmin, Freeman Dyson, Daniel C. Dennett.

[9] Le livre à lire est Destiny or Chance, our solar system and its place in the Cosmos de l'astronome australien, spécialiste des planètes, Stuart Ross Taylor, paru chez CUP en 1998 ; l'histoire du système solaire (la position de la terre par rapport au soleil, l'existence accidentelle de la lune, sa grosseur et le moment de son impact, l'existence de Jupiter, etc.), et de la vie sur terre (la disparition accidentelle des dinosaures grâce à un météorite il y a 65 millions d'années) sont des preuves suffisantes du caractère hasardeux de l'existence de l'espèce humaine sur terre et dans l'Univers ; nous aurions pu ne pas être ; nous ne sommes pas une nécessité, encore moins le but de l'univers. C'est ce que semblent nous indiquer nos connaissances actuelles ; donc jusqu'à nouvel ordre je crois que nous sommes autorisés à conclure que l'humanité n'est qu'un simple possible, comme tous les autres êtres vivants qui existent, qui ont existé ou qui existeront sur terre.

[10] Finalisme, thèse qui veut que l'univers existe en vue d'un but ; dans l'opuscule Invitation à la philosophie (Éditions mille et une nuits, 1998), page 14, Aristote a cette petite phrase : « or aucune chose engendrée par hasard n'est engendrée en vue d'un but, et il n'y a pas pour elle d'accomplissement. » Darwin disait que Cuvier et Linné étaient des nains à côté d'Aristote. Une certaine finalité, la téléonomie, existe certainement dans les formes vivantes. Mais la grande question est de savoir si l'être humain est le but de la vie sur terre, le but de l'évolution des formes vivantes sur cette planète, et si Dieu est le but de l'univers dans son ensemble. Le livre à lire est Book of Life sous la direction de Stephen Jay Gould, W.W. Norton & Company, 2001 ; The Fith Miracle, the Search for the Origin and Meaning of Life de Paul Davies défend âprement la thèse de la finalité de toutes choses, de la vie et de l'intelligence réflexive, de la conscience humaine, inévitable résultat des lois de la nature.

[11] 9. Voir Andrei Linde, An Eternally Inflationary Self-Replicating Universe, Scientific American, 1999; et de Martin Rees Our Cosmic Habitat, Princeton University Press, 2001, et Just Six Numbers, the deep forces that shape the Universe, Basic Books, 2000 (1999), et surtout Before the Beginning, Our Universe and Others, (1997), AddisonWesley, Foreword by Stephen Hawking.

[12] Certains pourront m'accuser ici de contradiction flagrante : si on admet un infini, on admet un Être distinct du monde, etc., on admet alors Dieu, le Dieu des théologiens et des philosophes. J'ai volontairement employé le mot infini pour illustrer l'infini mystère des origines, qui ne nous indique pas pour autant l'existence d'un Dieu personnel, créateur de l'Univers ; nous ne savons pas! Et il ne faut pas invoquer le nom de Dieu en vain!

[13] Platon, le Phédon.

[14] Cioran, Œuvres, Quarto, Gallimard, Paris, 1995, 1818 pages.

[15] Je suis ici le Credo officiel de l'Église [le Je crois en Dieu], pour le nier point par point.

[16] Alvar Ellegard, Jesus, One Hundred Years Before Christ, A Study in Creative mythology, 1999, The Overlook Press, Woodstock, New-York ; la conclusion de son étude se démarque totalement de toutes les autres sur le sujet. Il conclut que a) Jésus n'a pas existé physiquement tel que rapporté dans les Évangiles, ses disciples et ses prétendus contemporains ne l'ont jamais vu que dans des visions ; c'est de toute évidence le cas de Saint Paul ; b) le Jésus des Évangiles est une invention du 2e siècle de notre ère, comme solution à des conflits internes d'une Église en expansion rapide ; et c) le Jésus réel a existé en 100 av. J.-C., et  il a été le fondateur du mouvement réformateur des Esséniens.

[17] Les Chrétiens ont emprunté cette croyance aux croyances « païennes » de l'Antiquité gréco-romaine : « descendre dans l'Hadès ».

[18] Les prophéties affirmées par le Jésus des Évangiles et qui sont manifestement fausses.

[19] Il en est de même du jugement dernier ; c'est dans toutes les mythologies du bassin méditerranéen.

[20] La croyance en la vie éternelle est à la base des grandes religions, et il semble bien que l'humanité ne puisse se passer de cette croyance. Gibbon en fait une des cinq causes de la victoire finale de la religion chrétienne sur ses concurrentes, le mithraïsme entre autres ; voir The History of the Decline and Fall of the Roman Empire, chapitre XV.

[21] Will Durant, Story of Civilisation, Vol. 1, chap. 22, p. 618.


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