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La Gravitation n'est-elle qu'une illusion ?

par François Brooks

Il y a plusieurs sortes de théories en physique. La plupart d'entre elles sont constructives. Celles-ci tentent de construire une image des phénomènes complexes en partant d'un formalisme de base relativement simple. [...] C'est la théorie qui décide de ce que l'on peut observer. [1]

Einstein

 

Actualité scientifique

Le magazine Science & Vie peut se glorifier d'être un média véritablement scientifique [2]. En effet, il ne manque pas une occasion de nous montrer que les véritables fondements scientifiques sont loin d'être dogmatiques, à l'instar du philosophe viennois Karl Popper (1902-1994), qui n'a cessé de nous rappeler que ce qui est scientifique, c'est ce dont la fausseté peut être démontrée. C'est d'ailleurs la survie même de la science qui est en jeu, sinon, elle serait dogme et religion.

Dans l'excellent article de Roman Ikonicoff, Quand la physique cherche à s’affranchir de la réalité, l'actualité scientifique nous rappelle que les fondements scientifiques ne sont que des représentations.

 [3]

Une 4e théorie de la gravitation vient de surgir. Après la théorie de la gravitation universelle de Newton (1687) (expliquant la chute des corps), la théorie de la relativité générale d’Einstein (1916) (décrivant les trous noirs), la gravitation selon la théorie des cordes (1980) (essayant d’unifier les deux premières et de décrire les comportements subatomiques de la « matière » (énergie-vibration ou corps)), Erik Verlinde, physicien Néerlandais, propose l’idée que la gravitation ne serait pas une force fondamentale. Mais qu’est-elle donc ? et pourquoi mettre au rancart des théories qui fonctionnent, dans leur champ d’application ?

Le problème est que les trois premières théories n’expliquent pas, elles décrivent de manière cohérente le comportement de la « matière ». Mais l’effet semble toujours magique. Par exemple, Newton parle d’une « force » mais n’explique pas le support physique permettant à cette force de se propager. Einstein a eu besoin de deux théories (relativité générale et mécanique quantique) pour expliquer un univers qui, selon toute logique, devrait pourtant être régi par les mêmes lois quelle que soit l’échelle (infiniment petit ou infiniment grand). Verlinde refuse maintenant de considérer la gravitation comme une force fondamentale, il la voit comme un phénomène émergent qui provient d'interactions microscopiques.

L’intérêt de cet article est qu’il nous permet de nous détacher de ces théories obscures et contradictoires pour comprendre que nous ne traitons pas de la réalité mais de l’observation des phénomènes. Bref, la réalité ne serait finalement rien d’autre que de l’information.

Je cite l’article :

« Par exemple, si un astronome dit qu’il y a 1% de chances qu’une grosse météorite heurte la Terre d’ici à 2100, c’est qu’il ne détient pas assez d’informations pour avoir une certitude : cette probabilité est liée à son ignorance [ignorance = manque d’information]. La météorite, elle, nous heurtera à 100% ou ne nous heurte pas —[la proposition] " elle nous heurte à 1% " n’est pas une option du monde réel. »

Questions philosophiques des enjeux et conséquences

De quoi le monde est-il fait ?
Qu’est ce que la réalité ?
Le monde décrit par les théories physiques est-il réel ?
Si un arbre tombe dans la forêt sans oreilles pour l’entendre, fait-il du bruit ?
Qu’est-ce que le bruit?

Concepts fondateurs et philosophes pour comprendre

Les philosophes scientifiques Newton et Einstein vont nous aider, mais surtout Berkeley.

Newton nous explique, par sa théorie de la gravitation universelle, que tous les corps de l’univers sont constitués d’une certaine masse et qu’ils s’attirent mutuellement en raison de l’importance relative de leurs masses respectives. Plus un corps est massif, plus notre masse corporelle sera attirée par ce corps. Par exemple, sur la Lune, notre poids est 6 fois moins lourd que sur la Terre du fait que la masse de celle-ci est six fois moindre.

Einstein a trouvé les limites de cette explication de l’univers en considérait les facteurs de temps et d’espace. Par exemple, à la vitesse de la lumière, les corps perdent leur propriété matérielle pour n’être plus qu’énergie avec un rapport au temps complètement différent (on sait qu’à cette vitesse, le temps relatif au corps s’arrête).

Il n’est pas important ici de comprendre parfaitement ces théories difficiles mais de se rappeler qu’elles sont incomplètes et contradictoires, d’où notre difficulté à les maîtriser, et c’est ici que va nous aider Berkeley.

Berkeley est un philosophe irlandais, évêque de profession, qui vécut de 1685 à 1753 (contemporain de Newton (1642-1727)). Il nous rappelle que la réalité n’est pas matérielle mais essentiellement spirituelle, avec son concept d’immatérialisme. Il s’agit d’un idéalisme absolu. Platon et Descartes nous avaient expliqué que l’humain est composé de matière et d’esprit. Berkeley pense que la nature même de la matière est spirituelle, qu'au bout du compte la matérialité n'est qu'une conception d'esprit. Exit la matière. On peut le comprendre avec l'exemple de l’arbre qui tombe dans la forêt et ne peut faire de bruit s'il n'y a aucun témoin pour l'entendre puisque le bruit est essentiellement ce qui peut être perçu et interprété par un humain ou un animal doté d’un système de perception.

Pertinence du philosophe en lien avec notre nouvelle

Avec Berkeley, nous pouvons maintenant comprendre l’article de Science & Vie qui essaie de nous faire voir que la réalité du monde n’est rien d’autre que ce que l’on en perçoit, de l’information. Que l’on soit éboueur ou physicien, cette réalité se réduit à l’information qui en émane. Au bout du compte, celle-ci est la seule vérité et encore qu’elle soit très variable selon le système interprétatif qui la perçoit. L’éboueur est adapté à son camion de vidange parce qu’il possède l’information nécessaire à le rendre fonctionnel. Le physicien aurait besoin d’une formation (i.e. information) pour faire le même travail travail. Et réciproquement.

Pour aller plus loin

Film de Alejandro Amenábar, Ouvre les yeux (Abre los ojos), 1997.

[1] Première partie de la citation :
Albert Einstein, Conceptions scientifiques, Flammarion © 1990, Champs-Flammarion #214, page 48.
Seconde partie :
Werner Heisenberg, La partie et le tout – Le monde de la physique atomique (Souvenirs, 1920-1965), Éd. Albin Michel © 1972, Flammarion-Champs #215, chapitre V, pages 87 à 102.

[2]

[3] Dossier intitulé GRAVITATION, elle ne serait qu’une illusion, Magazine Science & Vie, sept. 2010, No. 1116.

Philo5
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