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Le Paradoxe juif : Victime©

par François Brooks

Heureux serez-vous, lorsqu'on vous outragera, qu'on vous persécutera et qu'on dira faussement de vous toute sorte de mal...

Matthieu 5, La Bible, (Louis Segond 1910)

Il est difficile de comprendre le génie de la pensée juive du XXe siècle si on néglige l'importance acquise par le privilège de la victime. Bien enraciné dans la chrétienté, celui-ci recouvre l'ensemble de la pensée occidentale. Femmes, Juifs, noirs, handicapés, homosexuels, rivalisent du sens de l'indignation pour réclamer le droit à d'innombrables compensations pour des cicatrices qu'on n'en finit plus d'afficher sous le microscope médiatique. Et comme notre mémoire s'est infiniment prolongée par les multiples développements technologiques des cent dernières années, chacun puise dans le passé intarissable de ses douleurs collectives pour exiger réparations sans fin et privilèges variés. Le Sermon sur la montagne est devenu la poule aux oeufs d'or des heureux affligés qui se bousculent dans les vitrines médiatiques pour réclamer compensations et reconnaissance.

Même les hommes, jadis forts et braves, sont maintenant sur le point d'exiger des femmes une pension à vie pour les avoir mis au monde contre leur volonté dans un corps mortel voué à souffrir. J'exagère ? Réfléchissons un peu. Essayons de voir comment se glisse dans nos esprits ce mécanisme génial par lequel le mouvement perpétuel des réclamations s'enclenche.

Le 28 septembre 2004, alors qu'il procédait à la dédicace de son dernier livre, Alain Soral est agressé par une vingtaine de Juifs casqués, armés de gourdins et de bombes lacrymogènes saccageant la librairie et blessant les clients en hurlant « Israël vaincra ! ». Quelques jours plus tard, la Radio de la Communauté Juive demande au philosophe professionnel Alain Finkielkraut de commenter l'événement. Voyons de quoi il s'agit :

Agression à la librairie « Au Pays de Cocagne »

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Ilana Cicurel, émission Qui vive» Alain Finkielkraut - RCJ, 4 oct. 2004

La logique paradoxale d'Alain Finkielkraut est éblouissante. Il déclare Alain Soral

  1. pamphlétaire obsédé,

  2. antisémite virulent,

  3. obsessionnel,

  4. animé par un ressentiment sans limite pour des juifs dont on a l'impression qu'ils lui font de l'ombre,

  5. dégoûtant

  6. écrivant de la prose vulgaire

Du même souffle, après s'être livré à ce chapelet de savantes injures, il déclare que ceux qui se sont attaqués à lui ne se sont pas trompés de cible, mais ont cependant eu tort parce que « Leur acte est ignoble et stupide. » étant donné qu' « il n'y a aucune raison de faire à des monstres le cadeau de la victimisation. »

Ceci dit cette violence verbale « distinguée » de Finkielkraut adressée à Soral ne fait-elle pas justement à celui-ci le « cadeau de la victimisation » ? De plus, cette façon d'illustrer sa pensée ne présente-t-elle pas la victime (le Juif) comme imbue d'un privilège qu'il faut jalousement se garder ? Ceci ramène donc notre moralisateur au niveau de celui qui est « animé par un ressentiment sans limite pour celui dont on a l'impression qu'il nous fait de l'ombre » c'est-à-dire, de l'arroseur arrosé.

Bref, Monsieur Finkielkraut nous montre que l'injure est une forme de violence qui déshonore son auteur et ne dit rien sur la personne à qui elle s'adresse sinon qu'elle lui fait le cadeau de la victimisation. Ainsi donc, merci à lui de la part de Monsieur Soral qui peut se permettre un sourire narquois en songeant qu'il est parvenu à lui faire effectivement de l'ombre en bénéficiant d'une victimisation que Finkielkraut déplore paradoxalement injuste de l'en avoir fait bénéficier.

De manière analogue au Crétois affirmant que tous les Crétois sont menteurs Monsieur Finkielkraut ne nous montre-t-il pas la limite de la validité de son combat ? Le paradoxe de la victime initié par le monde chrétien et sur lequel le Juif de l'après Deuxième Guerre réclame maintenant un copyright interminable ne risque-t-il pas de se retourner contre celui-ci ? Monsieur Finkielkraut, serait-il victime du paradoxe juif ?

La mémoire humaine qui, assistée des moyens techniques modernes, n'arrive plus à oublier les outrages ne risque-t-elle pas de nous enfermer dans un piège pire encore ?

Philo5
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