MES LECTURES - Passages choisis 

Bosio et Zancarini

2005-02-03

Éd. Larousse © 2001

Femmes et fières de l'être [1]

SOMMAIRE

Égales ou différentes ?

L'inégalité est née de l'histoire [ ÉGALITÉ ]

L'incertitude de la détermination du sexe [ NEUTRALITÉ ]

Construire une identité propre [ IDENTITÉ ]

Féminiser la langue

Aller au-delà des différences

La parité : une conquête ou un droit ? [Le citoyen est-il neutre ou sexué ?]

Quotas ou parité ?

Existe-t-il une troisième voie entre le droit à la parité et sa négation ?

Prostitution : esclavage ou travail ?

Abolitionnistes contre réglementaristes

Les trois façons d'affronter la prostitution

Le droit de disposer de son corps

Le droit à la dignité

Mère à tout prix ? [Droit des enfants à une famille biparentale]

Droit à l'enfant ou droits de l'enfant ?

Questionnements

Mères porteuses et solidarité féminine

L'embryon rouvre le débat sur la liberté d'avortement

Comment écrire l'histoire des femmes ?

Égales ou différentes ?

p. 158

Au coeur même du féminisme depuis ses débuts, le débat reste toujours ouvert entre les « différentialistes » qui croient en une différence radicale entre hommes et femmes et les « universalistes » qui pensent qu'au-delà des différences physiques et biologiques le genre humain est un et indivisible et que les sexes sont en tous points égaux. Au XIXe siècle, quand les femmes ont commencé à s'organiser en mouvements et en groupes de pression pour conquérir leur émancipation, la majorité des féministes se battait pour ses droits politiques, civiques et sociaux au nom de la maternité et des valeurs « féminines » — douceur, respect de la vie, compassion, altruisme, exigence morale —, constituant donc une grande masse de différentialistes. De leur côté, les féministes radicales revendiquaient ces droits au nom de la liberté, de l'égalité et de la dignité de l'individu. Les premières tenaient à ce que la maternité soit reconnue et protégée, les secondes auraient préféré que les femmes sortent de leur rôle de mère, ou le fassent passer au second plan. Mais les droits à conquérir étaient tels qu'elles ne se sont jamais vraiment posées en antagonistes.

L'inégalité est née de l'histoire [ ÉGALITÉ ]

Simone de Beauvoir relance la question dans Le deuxième sexe en 1949, avec une certaine méchanceté puisqu'elle déclare dans son introduction : « La querelle du féminisme a fait couler assez d'encre [...]. Et il ne semble pas que les volumineuses sottises débitées pendant le siècle dernier aient beaucoup éclairé le problème. » Elle veut tout reprendre à zéro : l'inégalité des femmes est une réalité, dit-elle, mais elle a entièrement été construite par les hommes. La femme est l'Autre de l'homme, constituée par lui en objet pour servir son pouvoir. Ni son corps ni son esprit ne sortent indemnes de cette opération, dans la mesure où ils sont intimement liés. Ainsi la femme accepte comme évidente sa faiblesse physique, et donc son impossible rôle de conquérante. Elle se contente de séduire ou de servir de médiatrice. Elle reproduit au lieu de créer. Mais cette aliénation ne s'est pas produite sans sa complicité : « Refuser d'être l'Autre, refuser la complicité avec l'homme, ce serait pour elles renoncer à tous les avantages que l'alliance avec la caste supérieure peut leur conférer. » Des avantages tels que la protection, un pouvoir par reflet, le droit à l'irresponsabilité. Pour la Simone de Beauvoir du Deuxième Sexe, tout est à jeter dans la féminitude, mythe créé par les hommes, d'autant plus que la femme n'a pris aucune part à l'histoire puisqu'elle « a toujours été, sinon l'esclave de l'homme, du moins sa vassale ». Il n'est donc d'autre solution que de revendiquer l'égalité pour accéder au statut masculin et enfin jouir du même pouvoir et des mêmes droits que les hommes pour réussir à être aussi actives et créatives, quitte à renoncer — comme elle le fit — à la maternité.

Tout le courant égalitariste ne se montre pas aussi radical dans son rejet de la féminitude. Simone de Beauvoir elle-même a changé d'avis en assistant aux débats passionnés qui ont accompagné les grands mouvements féministes des années 1970, et reconnu que dans leur résistance individuelle ou collective, les femmes ont pu se forger des valeurs ou une culture qui constituaient un apport positif. Mais les égalitaristes partagent toutes une même méfiance envers la « naturalisation » du corps des femmes. Elles lui opposent l'histoire et le collectif. Comme le remarque Françoise Collin dans Différence et Différend (in Histoire des femmes, le XXe siècle, 1992) : « Le courant égalitariste du féminisme est héritier de la pensée des Lumières retraversée par le marxisme. Il identifie différence et domination pour ne concevoir que des individus abstraits et équivalents. » [...] Ce n'est d'ailleurs pas une hasard si les termes du débat sont « égales ou différentes », alors qu'il serait logique d'opposer, avec l'Américaine Joan W. Scott, « égales » à « inégales » et « différentes » à « identiques ».

La conquête de l'égalité des femmes est une conquête de l'égalité de leurs droits, assimilable à celle d'autres catégories sociales opprimées. C'est ce que pensait dès la fin des années 1960 la majorité du mouvement anglais, très lié aux syndicats, aux travaillistes et à l'État providence. C'est aussi ce qui caractérisait la NOW américaine lancée par Betty Friedan.

Le féminisme égalitariste accepte la mixité : les hommes qui veulent combattre auprès des femmes sont les bienvenus. Ils sont même nécessaires. Pour les égalitaristes, il n'est rien qu'une femme n'ait le droit — et, en retour, le devoir — de faire. Cela comprend le droit d'exercer la force, car non seulement l'armée doit lui être ouverte, mais aussi le combat armé et le droit de tuer. La volonté de certaines d'avoir recours à la violence est d'ailleurs, à leurs yeux, la meilleure preuve que la non-violence féminine représente un mythe construit par les hommes. Rares sont celles qui se mobilisent sur ce point spécifique, mais toutes le considèrent comme une conséquence logique de l'égalité. Une égalité qui, pour beaucoup, interdit de demander une protection particulière. Toutefois, les égalitaristes divergent sur ce terrain : pour certaines, l'affirmative action, littéralement l'« action positive », des Anglo-Saxons et des Scandinaves — dont la traduction française sous forme d'oxymore « discrimination positive », est révélatrice d'une profonde réticence — visant à favoriser la pénétration et l'ascension des femmes dans certains métiers ou en politique est considérée comme une offense à leur dignité. Pour d'autres — dont nombre d'Américaines —, elle constitue un instrument utile. Mais la meilleure arme reste la loi qui, justement appliquée grâce à une vigilance de tous les instants, suffira à abolir les rapports de domination entre les sexes. Des sexes qui, comme l'a montré l'anthropologue Margaret Mead en étudiant des sociétés traditionnelles de la Nouvelle-Guinée, sont interchangeables : « Si certaines attitudes que nous considérons comme traditionnellement associées au tempérament féminin — telles que la passivité, la sensibilité, l'amour des enfants — peuvent être typiques des hommes d'une certaine tribu, et, dans une autre, au contraire, être rejetées par la majorité des hommes comme des femmes, nous n'avons plus aucune raison de croire qu'elles sont irrévocablement déterminées par le sexe de l'individu. Il est maintenant permis d'affirmer que les traits de caractère que nous qualifions de masculins ou de féminins sont, pour un grand nombre d'entre eux, sinon en totalité, déterminés par le sexe d'une façon aussi superficielle que le sont les vêtements, les manières ou la coiffure qu'une époque assigne à l'un ou à l'autre sexe » (Moeurs et sexualité en Océanie, Plon, 1963).

Une vingtaine d'années plus tard, Élisabeth Badinter apporte de l'eau au moulin de la théorie de la construction sociale des sexes dans l'Amour en plus : l'instinct maternel, dit-elle, n'existe pas. L'amour maternel « dépend de la mère, de son histoire et de l'Histoire ». C'est un sentiment qui, comme tel, peut être partagé par les hommes. D'ailleurs, les hommes sont en train de changer, écrit-elle en 1986 dans un second essai, L'un est l'autre, qui rencontre un vif succès. Ils se « féminisent », à la recherche de la tendresse plutôt que de la passion sexuelle, éprouvent même le désir d'enfanter, tandis que les femmes se « masculinisent » en cherchant à se réaliser en dehors des seuls rapports sentimentaux. Devenus « jumeaux de sexe opposé ».les uns et les autres tendent de plus en plus à se ressembler psychologiquement et physiquement.

L'incertitude de la détermination du sexe [ NEUTRALITÉ ]

En s'appuyant sur la biologie moléculaire, les recherches des dernières décennies sur les mécanismes de la différenciation sexuelle ont montré que ces derniers sont beaucoup plus compliqués qu'on ne le pensait. Auparavant, on croyait que les foetus porteurs des chromosomes XX développaient des organes sexuels féminins, et ceux porteurs des chromosomes XY, des organes masculins. Mais la découverte d'individus porteurs de XX de sexe masculin et d'individus porteurs de XY de sexe féminin a conduit à chercher un autre facteur de détermination du sexe. On a cru trouver un gène baptisé ZFY qui expliquerait la formation des testicules, mais on a découvert des mâles XX qui ne le possédaient pas. On a donc essayé d'en trouver un autre, le SRY, mais, comme l'écrivent Évelyne Peyre et Joëlle Wiels dans Les Temps modernes d'avril-mai 1997, « ce qui devait arriver arriva, et plusieurs équipes mirent en évidence que certains individus mâles XX, sans ambiguïté génitale, ne possédaient pas ce gène SRY ». On a donc modifié la façon de raisonner, centrée jusque-là sur le masculin : inutile de chercher un facteur qui, à partir d'un état zéro (absence de testicules), chercherait à expliquer la formation du mâle. Il faut plutôt partir de l'idée que chacun des deux sexes se détermine selon un mécanisme complexe dans lequel entre en scène un ensemble de gènes, comme dans un orchestre. Cette complexité révèle la fragilité des catégorisations sexuelles de notre culture, apportant de solides arguments à ceux qui pensent que l'individu se trouve au-delà des différences.

Construire une identité propre [ IDENTITÉ ]

Les différentialistes se battent, bien sûr, comme les universalistes, pour l'égalité des droits, mais à condition que ces droits ne tendent pas à les rendre pareilles aux hommes et leur permettent au contraire d'exprimer et de vivre leur différence. Elles pensent, comme Luce Irigaray, qu'il faut aboutir « à l'inscription de droits sexués équivalents (mais forcément différents) devant la loi » (Je, tu, nous, Grasset, 1990). Fouillant l'identité féminine et donc influencé par la psychanalyse, ou plutôt par la critique de la psychanalyse, ce courant est particulièrement fort en France et en Italie, où de multiples collectifs se sont penchés dès les années 1980 sur la « spécificité féminine ». « La différence est un principe existentiel qui concerne les manières de l'être humain, les particularités des expériences et des buts personnels [...]. La différence entre femme et homme est la différence fondamentale de l'humanité », revendique le collectif Rivolta femminile. Luce Irigaray va plus loin encore : « Vouloir supprimer la différence sexuelle, c'est appeler un génocide plus radical que tout ce qui a pu exister comme destruction dans l'histoire » (op. cit.).

[...]

Les différentialistes ne cherchent pas la spécificité féminine dans la maternité, mais dans la sexualité, une sexualité aliénée précisément à cause de la maternité, rôle primordial assigné à la femme dans la société patriarcale. Redécouvrir son corps, découvrir à quoi ressemble le désir féminin hors des normes masculines et forger à son image une écriture féminine, ainsi que cherche à le faire l'écrivaine française Hélène Cixous, élaborer une parole et une culture qui disent le féminin, telles sont les tâches premières que se donnent les différentialistes. Objet d'étude fondamental, le langage est considéré comme l'instrument majeur de toutes les oppressions, plus encore que la force à laquelle il donne forme et justification : les différentialistes s'efforcent de décortiquer le langage masculin et de comprendre ce que pourrait être le langage féminin.

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Selon Françoise Collin, « parler femmes, c'est se tenir toujours tout près du corps, et dire ce corps nombreux. Le langage-femmes n'est pas ventriloque, il est polyglotte (avec cette petite glotte tout ce qu'on peut faire). Ne pas s'éloigner du corps, c'est d'abord savoir que le langage verbal ou écrit n'est pas le seul langage possible et que le privilège qui lui est accordé, surtout dans notre culture, est déjà, à soi seul une exclusion. Il y a les gestes, le contact, le mouvement, il y a le dessin, la danse, la musique, le chant, la voix. De tout cela, le langage mâle élimine la trace en s'érigeant. Il élimine le bruit de la parole. Il tente de faire croire que la parole ou l'écriture ne sont que communication de sens, et non contact » (« Polyglo(u)ssons », in Cahiers du GRIF, n° 12, Bruxelles, 1976).

[...]

Pour le féminisme lesbien, en plein essor dans les pays développés durant les années 1980-1990, cet essentialisme est trop limité. Surtout, il ne mord pas sur la réalité de l'oppression puisqu'il reste dans une logique binaire homme/femme. Le lesbianisme est pour ses partisanes plus que la revendication d'une préférence sexuelle, il est le refus radical et conscient de l'oppression masculine. C'est ainsi que Monique Wittig écrit, en 1992 : « Notre survie exige que nous contribuions de toutes nos forces à la destruction de la classe de femmes où les hommes s'approprient les femmes. Ce n'est possible que par la destruction de l'hétérosexualité en tant que système social fondé sur l'oppression des femmes par les hommes, et qui produit la doctrine de la différence entre les sexes pour justifier cette oppression. »

La femme lesbienne échappant totalement à la logique des hommes finit par se confondre avec l'individu abstrait des universalistes : avoir les mêmes droits pour vivre totalement séparées. Ce « purisme » a séduit certaines hétérosexuelles qui y voient la pratique la plus radicale du féminisme. Mais, s'il ne s'accompagne pas d'un penchant sexuel réel, il devient à la longue difficile à assumer et ne peut rester en tout cas que minoritaire.

[...]

[...] le féminisme culturel, comme le féminisme essentialiste, n'accepte pas la mixité. Pour formuler leurs revendications, pour affirmer leur identité, les femmes ne peuvent que se retrouver entre elles. Tout au plus le soutien des hommes est-il accepté dans les mobilisations pour les droits, mais la réflexion, la constitution des mots d'ordre, la réflexion sur l'histoire ne sont élaborées que par les femmes.

Féminiser la langue

L'un des premiers soucis des féministes a été de repérer de quelle façon la langue piégeait les femmes. La linguiste Marina Yaguello démontrait en 1978 son sexisme dans Les Mots et les femmes : « La place de la femme dans cette langue est le reflet de sa place dans la société. Ce que révèle l'étude du genre, "grammatical" ou "naturel", et de ses valeurs symboliques : [1. Le masculin l'emporte sur le féminin.] de son fonctionnement — absorption du féminin par le masculin —, [2. ex. : femmelette, tapette, etc.] des dissymétries morphologiques : les noms d'agent, dénotatives, connotatives —, [3. ex. : putain, viarge, etc.] de la langue du mépris — les qualificatifs injurieux pour la femme, réduite au choix entre le titre de madone et celui de putain, l'argot sexuel et sexiste : c'est le même —, [4. ex. : M. et Mme Tremblay] de l'identité sociale des femmes — elles sont toujours définies par le père ou le mari —, [5.] des dictionnaires enfin, qui sont des créations idéologiques et dont les définitions reflètent souvent la mentalité attardée des usagers de la langue. » Américaines et Scandinaves [en universalistes] ont bataillé pour remplacer les masculins génériques par des termes neutres, les Françaises [en différentialistes] à l'inverse pour que les métiers déclinés au masculin trouvent un féminin (écrivain/écrivaine...), mais dans tous les cas, la transformation est lente car elle ne peut aller plus vite que le changement des mentalités, qui passe sûrement par l'école et/ou l'éducation.

Aller au-delà des différences

La séparation entre universalités et différentialistes n'est évidemment pas rigide et rares sont les féministes qui n'hésitent pas dans les batailles d'idées comme dans les décisions pratiques entre l'une et l'autre théorie. Selon l'Américaine Ann Snitow, une « ligne de partage » se forme régulièrement dans la pensée et l'action féministe, entre, d'un côté, la nécessité de construire l'identité « femme » et de lui donner une signification politique solide, et, de l'autre, le « besoin de démolir la catégorie femme existante et de démanteler son histoire par trop figée » (1990, citée par Yasmine Ergas, op. cit.).

Dans le numéro des Temps modernes d'avril-mai 1997, Françoise Picq affirmait [...] qu'« un homme sur deux est une femme » : « Les deux termes de ce qui deviendra la contradiction principale du MLF y sont indissolublement liés : universalisme et particularisme ensemble. » La libération des femmes, alors, [en 1970] était « non pas une revendication d'égalité, qui aurait pris pour étalon le modèle masculin (droits, rôles, conceptions), mais une aspiration fondamentale des femmes à être elles-mêmes, hors des schémas, à forger des valeurs alternatives (ni complémentarité ni compétition) ». Cette aspiration était partagée par toutes dans la mobilisation ; avec l'usure du temps, elle a éclaté dans les courants dont nous avons parlé plus haut.

[...]

Mais au coeur de ces mobilisations pragmatiques, il y a essentiellement la dignité des femmes, une revendication qui allie l'universalisme et le particularisme. Une dignité que l'on recherche avec les hommes : le féminisme contemporain est très souvent mixte. Une mixité qui est le fondement même du groupe Mix-Cité créé en 1997 à Paris. C'est l'exemple d'une tentative pour trouver une troisième voie, « une valeur universelle qui transcende les genres », dit Clémentine Autin, sa cofondatrice avec Thomas Lancelot, au Nouvel Observateur (15 juin 2000). Pour elle, « il est temps de mélanger le rose et le bleu pour voir ensemble l'avenir en violet ». Reste à savoir ce que pourra être ce violet : une nouvelle différence des sexes vécue dans la parité, l'équilibre et le respect mutuel, ou bien un modèle unique, encore inconnu, où les différences de sexe s'aboliraient ?

La parité : une conquête ou un droit ?
[Le citoyen est-il neutre ou sexué ?]

p. 166

Faut-il considérer le citoyen comme neutre ou reconnaître que le peuple souverain est constitué d'hommes et de femmes ? La parité est l'égale représentation des femmes et des hommes dans les instances de décision.

[...]

Bien que les constitutions démocratiques reconnaissent qu'aucun individu ne peut être discriminé en raison de son sexe, de sa race ou de sa religion, on a vu que la parité n'est atteinte nulle part. Mais entre les 45% de Suédoises membres du Parlement et les 11% de Françaises ou d'Italiennes, il y a une différence. Une différence qui a poussé le Conseil de l'Europe, s'appuyant sur la convention des Nations unies de 1981, à recommander une participation minimale de 30% de femmes, considérée comme un seuil critique.

Quotas ou parité ?

Pour les premières, l'important est la participation massive d'une catégorie sociale afin qu'elle puisse faire valoir ses besoins catégoriels et améliorer les conditions matérielles des individus qui la composent.

[...]

En Suède, la « discrimination positive » date de 1980, mais ce principe n'est pas appliqué en politique parce que depuis longtemps les partis font place aux femmes, organisées en ligues féminines fort actives. À la moindre alerte, elles se mobilisent : ainsi en 1991, lorsque le nombre d'élues a chuté de 38% à 33%, ont-elles diagnostiqué et dénoncé un manquement des partis et menacé de fonder un parti féminin avec ses propres listes électorales. Un sondage leur ayant attribué 40% des intentions de vote a convaincu les partis de constituer des listes paritaires aux élections de 1994. Les féministes ont alors renoncé à fonder leur propre organisation puisque le but recherché était atteint.

[...]

Les secondes, qui considèrent la parité comme différente des quotas, avancent deux types d'arguments : le plus répandu est que les femmes ont des valeurs spécifiques à apporter et, comme l'écrit la Norvégienne Hege Skjeie en 1994 (supplément au Bulletin de l'ANEF, n° 16), qu'il « est bénéfique pour la société que les valeurs des femmes et leur sens de la justice deviennent des composantes de la politique ».

[...]

L'individu abstrait de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 n'est-il pas un leurre ? se demandent plusieurs féministes qui croient pourtant fermement à l'égalité absolue entre les individus. En fait, l'humanité est composée d'individus sexués, et reconnaître ce double aspect du genre humain empêche d'escamoter un sexe au profit de l'autre. Sophie Agacinsky écrit dans La Politique des sexes, en 1998, que « l'effacement d'un sexe ne laisse jamais place à la neutralité, mais à l'autre sexe. On ne l'oublie que parce qu'on a déjà placé le masculin et ses modèles à la place de l'universel ».

[...]

Sophie Agacinsky et Geneviève Fraisse pensent donc, avec Françoise Gaspard, ancienne mairesse et députée, que la différence des sexes, universelle, ne saurait se comparer à aucune autre — de culture, de couleur de peau, d'appartenance sociale... — et que la demande de représentation politique des différentes minorités n'a rien de commun avec l'exigence de la parité. Une parité dans laquelle les femmes ne sont pas là pour représenter d'abord les femmes en tant que femmes, mais pour représenter paritairement avec les hommes l'ensemble du peuple. Dans ce cadre, les quotas peuvent servir à l'instauration de la parité, à condition que l'on reste conscient qu'ils ne sont que des outils pour faire progresser la philosophie paritaire.

[...]

[...] la conception universaliste du peuple souverain est en jeu. Bon nombre d'intellectuelles jugent dangereux de renoncer à la République une et universelle, celle qui veut qu'un élu représente tous les citoyens, quels que soient leur sexe, leur âge ou leur origine. Que ce soit par des quotas ou par la parité, d'ailleurs. Dans les deux cas, c'est la particularité des femmes qu'on avance, et, ce faisant, leur infériorité puisqu'elles ont besoin d'être assistées par la loi en tant que femmes : « La parité est humiliante pour les femmes, qui ne sont pas une espèce à protéger », déclare Françoise Cachin, directrice des musées de France, à L'Express (11 février 1999). L'Italienne Ida Magli lui fait écho dans La Repubblica (9 mars 2000) : « C'est comme dire : "Peu importe ce dont tu es capable, nous te protégeons en tant que femme". Inacceptable. » Elisabeth Badinter, Évelyne Pisier et Danièle Sallenave précisent dans L'Express : « L'universel est une arme contre les différences, en tant qu'elles séparent et discriminent. L'histoire montre qu'on n'intègre jamais au nom de la différence, mais que, en revanche, c'est toujours en son nom qu'on exclut. » Elles reprochent aux partisans de la parité à la fois de favoriser les revendications communautaristes et d'abandonner les minorités à leur sort : « En faisant de la "différence" féminine un absolu qui transcende toutes les catégories, on abandonne le principe de la solidarité entre les victimes de discriminations. On distingue entre des niveaux d'exclusion, mais on ignore les inégalités économiques, sociales, raciales dont souffrent tant de femmes. Et, en inventant de toutes pièces une solidarité formelle entre les femmes en tant que telles, on oublie trop facilement que toutes les femmes ne sont pas également discriminées. » D'autre part, argumente Mona Ozouf dans le même numéro du magazine, « pourquoi les jeunes et les vieux ne réclameraient-ils pas à leur tour d'être représentés ? L'âge est aussi une qualification universelle ».

Les partisans de la parité sont dans une logique inverse, qu'Élisabeth Guigou, ancienne garde des Sceaux, résume bien : « Cette modification de la Constitution est un acte symbolique, juridique, politique très important : il faut repenser l'universalisme, quitter la conception abstraite, la neutralité qui a marqué la domination masculine, faire reconnaître que la souveraineté s'incarne dans les hommes et les femmes. » À quoi Élisabeth Badinter réplique dans le Nouvel Observateur du 14-20 janvier 1999 : « Plutôt que d'accuser l'universel d'être masculin pour mieux le jeter aux poubelles de l'histoire, il eût été plus juste de mettre en accusation les hommes qui bafouent le principe de l'universalité. » Et plutôt que de sexuer le concept d'humanité, elle préfère considérer l'humanité contenue dans chaque sexe : « C'est en reconnaissant que les vertus masculines et féminines appartiennent aux deux sexes que l'on progresse vers l'égalité... Chaque homme et chaque femme est dépositaire de l'humanité tout entière. » Sophie Agacinsky lui oppose la réalité de l'histoire : « Contrairement à ce qu'affirment aujourd'hui, avec candeur, certains soi-disant gardiens de la République, celle-ci n'a jamais considéré le citoyen comme un individu "abstrait", sexuellement indéterminé. Comme le montre au contraire, sans appel, le principe du suffrage "universel", instauré en 1848, "l'universel" signifiait la "totalité des hommes" (au masculin). » La Cour de cassation n'a pas manqué de le rappeler aux suffragettes en 1885 : « La Constitution du 4 novembre 1848, en substituant le régime de suffrage universel au régime censitaire ou restreint dont les femmes étaient exclues, n'a point étendu à d'autres qu'aux citoyens de sexe masculin qui, jusqu'alors, en étaient seul investis, le droit d'élire les représentants du pays. » Elisabeth Badinter voit poindre la guerre des sexes derrière une telle position ; ainsi confie-t-elle à L'Événement du 4-10 février 1999 : « Comme beaucoup d'autres féministes, j'ai travaillé, j'ai beaucoup milité, pour arriver à un rapport des sexes d'entente, de connivence, de fraternité. Un rapport pacifié. J'ai l'impression que le discours de la parité met fin à cela. »

Existe-t-il une troisième voie entre le droit à la parité et sa négation ?

Bérangère Marqués-Pereira pense qu'il n'y a pas de synthèse possible car le débat s'appuie sur une contradiction fondamentale : « L'écueil réside dans une citoyenneté à géométrie variable située dans un espace à mi-chemin entre le public et le privé [...]. En effet, l'exclusion politique des femmes à partir d'une assignation sociale propre à la sphère privée autorise la revendication de leur intégration à la sphère publique en tant que "femmes", mais cette catégorisation conditionne une intégration hétéronome qui fait obstacle au processus d'individuation. En même temps, cette exclusion politique qui se joue dans le cadre d'une démocratie représentative autorise la revendication de leur intégration en tant qu'individus, mais cette dynamique conditionne une intégration autonome qui alimente la logique d'homologation à la norme masculine » (Recherches féministes, vol. 12, n° 1, 1999). Alors, où se trouve la solution ? Elle réside dans le « brouillage » entre le privé et le public, où le plus gros du travail revient aux femmes puisque c'est à elles d'imposer une nouvelle vision de la citoyenneté. Travail qu'elles sont déjà en train d'accomplir : « C'est dans les interstices du privé et du public que des associations de femmes se construisent comme protagonistes de l'État et de la société civile en se positionnant comme actrices de " l'interprétation d'une politique des besoins " (Fraser, 1987). Cette perspective [...] peut alimenter une sorte de citoyenneté privée qui modifie les frontières du politique, comme le souligne J. Leca (1991) : " De vision du destin de la cité, le politique devient système de médiation des demandes sociales les plus variées, le privé l'emporte sur le public comme but de l'activité citoyenne, mais le public l'emporte sur le privé comme mode d'allocation des ressources. " »

Prostitution : esclavage ou travail ?

p. 172

Faut-il interdire, tolérer ou légaliser la prostitution ? Faut-il l'accepter comme un droit de l'individu à disposer de lui-même ou la refuser comme une atteinte à la dignité de la personne ?

Les féministes dénoncent la double morale : la liberté sexuelle pour les hommes, la vertu pour les femmes.

Abolitionnistes contre réglementaristes

La mobilisation contre la réglementation s'organise d'abord en Angleterre autour de Joséphine Butler et de la Fédération abolitionniste internationale fondée en 1875, regroupant plusieurs pays d'Europe occidentale. Elle ouvre une voie nouvelle entre la simple répression et la réglementation puisqu'elle considère que la prostitution est une activité sexuelle privée et non punissable, mais que son exploitation par un tiers constitue un délit.

[...] en 1949 à une convention de l'ONU « pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui » selon laquelle « la prostitution et le mal qui l'accompagne, à savoir la traite des êtres humains, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine ». Dans les pays signataires, les maisons closes ferment autour de cette date, sans toujours prévoir de réinsertion. En France, une loi votée en 1960 institue dans chaque département un service de prévention et de réinsertion. Mais, en 2000, huit seulement sont en fonction, et l'aide aux prostituées est en fait dévolue aux organisations non gouvernementales.

Les trois façons d'affronter la prostitution

Les pays les plus riches — États-Unis à l'exception de trois États, Japon, pays Scandinaves —, les pays communistes comme la Chine ou le Viêtnam et les anciens pays communistes ont un régime prohibitionniste : la prostitution est interdite et réprimée, comme le proxénétisme. La richesse permet de contenir le phénomène à un niveau assez bas, qui augmente dès que le chômage s'accroît. Dans les pays communistes, la « rééducation » des femmes est sérieusement prise en main et l'existence du phénomène est niée, mais il subsiste, s'adressant surtout aux étrangers.

Les pays abolitionnistes, on l'a vu, tolèrent la prostitution, mais répriment le proxénétisme. Ils cherchent à pénaliser le moins possible les femmes pour punir leurs exploiteurs. Mais au final les premières sont harcelées pour trouble de l'ordre public ou raisons fiscales, tandis que les proxénètes, solidement organisés, sont rarement arrêtés et condamnés. Tel est le cas de la France, du Luxembourg, de l'Italie, de l'Espagne, du Portugal et du Royaume-Uni.

La Belgique hésite entre l'abolitionnisme et le réglementarisme puisqu'elle autorise les femmes en vitrine. Ce que fait également l'Allemagne réglementariste avec ses eros-centers, tout comme les Pays-Bas, la Grèce, la Turquie, l'Australie et la grande majorité des pays pauvres. Les Pays-Bas ont peaufiné le statut des eros-centers par rapport à l'Allemagne : ils sont depuis septembre 2000 totalement légaux, et les personnes qui y exercent sont désormais des « travailleuses du sexe » tandis que les exploitants ont le titre d'entrepreneurs.

Le droit de disposer de son corps

Toutes veulent qu'on reconnaisse leur « profession » et qu'à l'obligation de payer des impôts corresponde le droit à la sécurité sociale et à la retraite. Beaucoup de féministes se sentent prêtes à les soutenir car elles-mêmes revendiquent le droit de disposer librement de leur corps. En rupture avec la convention de l'ONU qui veut que la prostitution soit incompatible avec la dignité humaine, elles voient avant tout des femmes qui veulent enfin se libérer du joug de leurs souteneurs et acquérir leur propre indépendance.

[...] L'association le Bus des femmes est plus radicale encore : « Nous considérons que la vente de services sexuels en soi n'est pas plus une forme d'esclavage que la vente des services domestiques, nourriciers ou éducationnels. »

Le droit à la dignité

À l'inverse, à l'Unesco, Wassyla Tamzili ne partage pas ce point de vue : « J'ai longuement écouté les prostituées qui revendiquent d'être prostituées. Peu m'importe qu'elles soient manipulées ou non. Je leur réponds : vous n'avez pas le droit, car par votre acte vous engagez non seulement votre personne, mais moi, nous, l'idée que nous nous faisons des droits humains. » Là se situe en effet le problème puisque la prostitution est à l'articulation du privé et du public, jouant un rôle symbolique indéniable.

Nombre de féministes, dont Françoise Giroud, regardent du côté de la Suède, qui a introduit en janvier 1999, dans le cadre d'une loi générale contre la violence faite aux femmes, le délit d'« achat de services sexuels » Margaretha Wimberg, ministre de l'Égalité des sexes, déclare : « En Suède, traiter une personne comme une marchandise, fût-ce avec son consentement, est un crime » (Le Nouvel Observateur, 14-20 janvier 1999). Les prostituées sont libres d'exercer, mais les clients sont passibles de six mois de prison. À ceux qui l'accusent de puritanisme, elle répond qu'elle milite pour la liberté sexuelle, antithétique avec le sexe marchand.

Mère à tout prix ?
[Droit des enfants à une famille biparentale.]

p. 176

La PMA [procréation médicalement assistée] remet en question des liens de filiation qui semblaient intangibles : père et mère biologiques d'un côté, père et mère adoptifs de l'autre. Elle ne concerne bien sûr qu'un petit nombre de personnes, d'autant plus que ses pourcentages de réussite restent relativement faibles (15%, contre 25% dans le cas des grossesses naturelles), mais les perspectives qu'elle ouvre en association avec les découvertes génétiques, et les questionnements éthiques et philosophiques qu'elle pose, sont vertigineux.

Droit à l'enfant ou droits de l'enfant ?

En France, où Simone de Beauvoir a dénoncé la maternité comme un facteur majeur d'aliénation, les féministes s'expriment peu sur ce thème. Même les différencialistes préfèrent parler de sexualité féminine plutôt que de maternité. Si l'on excepte celles qui dénoncent la manipulation médicale et la dissociation de la maternité de la sexualité, les féministes se montrent dans leur ensemble favorables à la PMA et à la liberté de choix. Bien sûr, elles soulèvent le problème des droits de l'enfant. Jacqueline Costa-Lascoux, dans L'Histoire des femmes en Occident, pose la question : « Un enfant, de quel droit ? », dénonçant le fait que le désir d'enfant s'est transformé en « une exigence, voire une revendication d'un droit à l'enfant » (op. cit.). Mais elle n'y apporte pas de réponse. La sociologue Dominique Mehl, dans son essai La Controverse bioéthique, reconnaît que ce désir d'enfant à tout prix entre parfois en contradiction avec la Charte des droits de l'enfant de l'ONU, qui établit son droit a connaître ses deux parents et, dans la mesure du possible, à être élevé par eux. Or, les couples veulent garder le secret sur l'insémination artificielle et les dons de gamètes sont anonymes. Quant à l'insémination post mortem, elle ôte dès le départ la possibilité d'être élevé par les deux parents. Dominique Mehl laisse elle aussi la question en suspens parce qu'elle lui semble relever de choix individuels. Les droits de l'enfant seraient à repenser, semble-t-elle dire en filigrane, à travers le filtre de ce que les anthropologues nous ont appris. Les travaux de Françoise Héritier, en particulier, montrant comment diverses sociétés conçoivent la filiation hors des liens biologiques, prouvent que la première est avant tout une construction sociale et que ces derniers ne sont pas le seul modèle possible.

Questionnements

Mais beaucoup s'interrogent sur l'anonymat. Des psychiatres et des psychanalystes, surtout. Elles dénoncent le secret entretenu par les parents : la pédopsychiatre Catherine Bonnet se demande si les enfants « venus du froid » ne risquent pas « de percevoir les non-dits des adultes comme les signes d'une conspiration qui se noue autour d'eux » (Les Enfants du secret, O. Jacob, 1992). Geneviève Delaisi de Parseval insiste, en écrivant dans Le Magasin des enfants (dir. J. Testart, Jeanne Bourin, 1990) : « Tout être humain a le droit de savoir de qui il est issu, qui sont les divers relais génétiques et humains à qui il doit la vie. »

[...] La psychanalyste Muriel Flis-Trèves milite comme sa consoeur pour qu'au moins le don d'ovocytes ne soit pas anonyme, non pas pour faire prévaloir les liens biologiques de la famille traditionnelle, mais au nom du droit de savoir qui permet à tout un chacun de mieux gérer sa propre histoire.

Mères porteuses et solidarité féminine

Les féministes libérales américaines les approuvent, on l'a vu, dans le cadre de la liberté des individus. Les féministes socialistes dénoncent, quant à elles, l'exploitation de la pauvreté de certaines femmes par d'autres femmes.

En France, la majorité s'insurge contre le paiement de la maternité de substitution, conséquence du fait que certaines femmes sont poussées à louer leur utérus pour faire face à leurs problèmes économiques. Florence Montreynaud va jusqu'à se demander : « Une nouvelle forme de prostitution va-t-elle se développer ? Après la location des vagins, celle des utérus s'annonce-t-elle, avec des prolétaires de la reproduction mises à la disposition des couples riches ? » (Le XXe siècle des femmes, Nathan, 1992)

L'embryon rouvre le débat sur la liberté d'avortement

Les embryons créés in vitro en surnombre sont surgelés pour être ultérieurement implantés si le couple le désire. Mais que faire de ces embryons quand le couple ne veut plus d'enfants ou que les deux partenaires se séparent ou disparaissent ? [...]

Les législateurs occidentaux considèrent tous que la « dignité » de l'embryon lui vient de ce qu'il est une « personne humaine potentielle ». Mais, comme le constate Dominique Mehl, leur attitude vis-à-vis de l'embryon dépend du terme sur lequel on met l'accent. Pour les Anglo-Saxons, l'aspect potentiel prévaut sur celui de personne humaine. D'ailleurs, l'embryon n'ayant pas de système nerveux avant quatorze jours, ils le considèrent comme « préhumain » durant cette période, conception qui leur permet d'envisager le clonage thérapeutique dans les sept premiers jours de son développement.

Comment écrire l'histoire des femmes ?

p. 182

Partant de l'idée que pour imposer et faire perdurer l'inégalité entre les sexes, tous les discours masculins la cachaient soit en ignorant les femmes et en ne réservant l'action qu'aux seuls hommes, soit en idéalisant les femmes dans le rôle de subordination que la société patriarcale leur attribuait, la question s'est vite posée pour les féministes de savoir comment retrouver les traces d'un passé parvenu jusqu'à nous de façon aussi partielle et déformée. De ce besoin sont nées les études sur l'histoire des femmes, menées dans leur large majorité encore aujourd'hui par des historiennes, ce qui révèle une réticence masculine durable à reconnaître le bien-fondé d'une démarche historique qui tienne compte de la différence des sexes.

[...]

Toutefois, c'est sans doute l'effet de la demande sociale, de l'envie collective de savoir, qui a eu l'impact le plus fort dans le développement de la discipline. Ainsi en France, sous l'influence du MLF, mouvement politique et social, des femmes ont affirmé le droit d'exprimer leur différence. De là est né un besoin d'histoire et de recueil des mémoires.

[1] Sabine Bosio-Valici et Michelle Zancarini-Fournel, Femmes et fières de l'être, Larousse-H.E.R. © 2001.

Le livre contient 3 parties :
1. Événements (faits saillants chronologiques du féminisme de l'an 1900 à 2000)
2. Figures et mythes (présentation de 26 femmes emblématiques du féminisme du XXe siècle)
3. Bilans et débats (paradoxes et enjeux féministes en ce début du XXIe siècle)
Les passages choisis sont extraits de la 3e partie seulement.

* * *

Le projet des féministes est enfin en train de se réaliser : l'égalité des droits entre les sexes est inscrite dans les lois, à défaut d'être réellement conquise dans les faits. Cet ouvrage fournit une description précise des principales étapes de l'émancipation féminine pendant le XXe siècle, des deux côtés de l'Atlantique. Il présente également une galerie de portraits de quelques-unes des figures les plus significatives de la lutte féministe, et conclut par une série de débats qui passent au crible des thèmes aussi discutés que la parité, la réglementation de la prostitution, ou la maîtrise de la fécondité avec l'aide de la science médicale.

SABINE BOSIO-VALICI est journaliste et traductrice.
MICHELLE ZANCARINI-FOURNEL est maître de conférences en histoire contemporaine à l'IUFM de Lyon [Institut Universitaire de Formation des Maîtres].

La collection 20/21, d'un siècle à l'autre, donne les clefs des grands problèmes du XXe siècle et ouvre les perspectives du XXIe.
Organisé en 3 parties — Événements, Figures et mythes, Bilans et débats —, chaque ouvrage de la collection 20/21 permet au lecteur de retenir les moments essentiels du passé, de comprendre les motivations des personnages décisifs et d'analyser les enjeux de l'avenir.

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