PHILOSOPHIES DE LA NATURE 

Parménide

 

Texte fondateur

~ 490 av. J.-C.

Permanence de l'être [1]

Eh bien ! je vais te parler, et toi, écoute mes paroles. On ne peut connaître le non-être, puisqu'il est impossible ; ni l'exprimer en paroles.

Car la pensée est la même chose que l'être.

Il faut que la pensée et la parole soient l'être ; car l'être existe et le non-être n'est rien.

Que la coutume ne te précipite pas dans ce chemin vague où l'on consulte des yeux aveugles, des oreilles et une langue retentissante ; mais examine avec ta raison la démonstration savante que je te propose. Il ne reste qu'un procédé ; c'est celui qui consiste à poser l'être. Dans cette voie, bien des signes se présentent pour montrer que l'être est sans naissance et sans destruction ; qu'il est un tout d'une seule espèce, immobile et infini ; qu'il n'a ni passé ni futur, puisqu'il est maintenant tout entier à la fois, et sans discontinuité. Quelle origine, en effet lui chercheras-tu ? D'où et comment le feras-tu croître ? Je ne te laisserai ni dire ni penser qu'il vient du non-être ; car le non-être ne peut se dire ni se comprendre, et quelle nécessité, agissant après plutôt qu'avant, aurait poussé l'être à sortir du néant ? Donc il faut admettre d'une manière absolue, ou l'être ou le non-être. Et jamais, de l'être, la raison ne pourra faire sortir autre chose que lui-même. C'est pourquoi le destin ne lâche point ses liens de manière à permettre à l'être de naître ou de périr, mais le maintient immobile. La décision à ce sujet est tout entière dans ces mots : l'être ou le non-être... Comment l'être viendrait-il à exister ? Et comment naîtrait-il ? S'il vient à naître, c'est qu'il n'est pas, et de même s'il doit exister un jour. Ainsi se détruisent et deviennent inadmissibles sa naissance et sa mort.

La pensée est identique à son objet. En effet, sans l'être, sur lequel elle repose, vous ne trouverez pas la pensée ; car rien n'est ni ne sera, excepté l'être, puisque la nécessité a voulu que l'être fût le nom unique et immobile du tout, quelles que fussent à ce sujet les opinions des mortels, qui regardent la naissance et la mort comme des choses vraies, ainsi que l'être et le non-être, le mouvement et le changement brillant des couleurs.

Or, l'être possède la perfection suprême, étant semblable à une sphère entièrement ronde, qui du centre à la circonférence serait partout égale et pareille ; car il ne peut y avoir dans l'être une partie plus faible que l'autre.

[1] Parménide d'Élée, De la nature, ~-490 av. J.-C.
Alfred Fouillée, Extraits des grands Philosophes, Librairie Delagrave, 1938, p. 34-35, traduction Riaux.
Extrait de F.-J. Thonnard, Extraits des grands philosophes, Desclée & Cie © 1963, pp. 6-7.

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