Extraits de « Pensées et réflexions », de « Notes maximes et pensées » et de « De l'esprit »[1]
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On n'appelle pas fou un homme qui croit manger le bon Dieu, mais celui qui se dit Jésus-Christ.
La religion a fait de grands maux, et peu de petits biens.
On sacrifie souvent les plus grands plaisirs de la vie à l'orgueil de les sacrifier.
Ce qui fait le bonheur des hommes c'est d'aimer à faire ce qu'ils ont à faire. C'est un principe sur lequel la société n'est pas fondée.
L'art du politique est de faire en sorte qu'il soit de l'intérêt de chacun d'être vertueux.
La vérité est un flambeau qui luit dans un brouillard sans le dissiper.
Les hommes sont toujours contre la raison quand la raison est contre eux.
L'intérêt ferait nier les propositions de géométrie les plus évidentes et croire les contes religieux les plus absurdes.
Moines : ont la triste singularité de se priver des plaisirs sans faire moins de crimes.
La vertu a bien des prédicateurs et peu de martyrs.
Il est, pour chaque nation, un temps de stupidité et d'avilissement, pendant lequel elle n'a point d'idées nettes de l'esprit : elle prodigue alors ce nom à certains assemblages d'idées à la mode, et toujours ridicules aux yeux de la postérité : ces siècles d'avilissement sont ordinairement ceux du despotisme. Alors, dit un poète, Dieu prive les nations de la moitié de leur intelligence, pour les endurcir contre les misères et le supplice de la servitude. [p. 76] [5]
César et Mahomet ont rempli la terre de leur renommée. Le dernier est, dans la moitié de l'univers, respecté comme l'ami de Dieu ; dans l'autre, il est honoré comme un grand génie : cependant, ce Mahomet, simple courtier d'Arabie, sans lettres, sans éducation, et dupe lui-même en partie du fanatisme qu'il inspirait, avait été forcé, pour composer le médiocre et ridicule ouvrage nommé al-koran, d'avoir recours à quelques moines grecs. Or, comment, dans un tel homme, ne pas reconnaître l'ouvrage du hasard qui le place dans le temps et les circonstances où devait s'opérer la révolution à laquelle cet homme hardi ne fit guère que prêter son nom? [p. 150]
Combien de fois une trop sotte confiance en des moines ignorants n'a-t-elle pas fait nier à des chrétiens la possibilité des antipodes? Il n'est point de siècle qui, par quelque affirmation ou quelque négation ridicule, n'apprête à rire au siècle suivant. Une folie passée éclaire rarement les hommes sur leur folie présente. [p. 6]
Les chrétiens, qui donnaient avec justice le nom de barbarie et de crime aux cruautés qu'exerçaient sur eux les païens, ne donnèrent-ils pas le nom de zèle aux cruautés qu'ils exercèrent à leur tour sur ces mêmes païens? Qu'on examine les hommes, on verra qu'il n'est point de crime qui ne soit mis au rang des actions honnêtes par les sociétés auxquelles ce crime est utile, ni d' action utile au public qui ne soit blâmée de quelque société particulière à qui cette même action est nuisible. [p. 17]
Des vertus de préjugé, et des vrais vertus, je donne le nom de vertus de préjugé à toutes celles dont l'observation exacte ne contribue en rien au bonheur public ; telles sont la chasteté des vestales et les austérités de ces fakirs insensés dont l'Inde est peuplée ; vertus qui, souvent indifférentes et mêmes nuisibles à l'état, font le supplice de ceux qui s'y vouent. Ces fausses vertus sont, dans la plupart des nations, plus honorées que les vraies vertus, et ceux qui les pratiquent en plus grande vénération que les bons citoyens. [p. 45]
Le clergé est une compagnie qui a le privilège exclusif de voler par la séduction.
Quelque temps après qu'une erreur a disparu, les hommes ne conçoivent pas comment on l'a pu croire.
La raison souvent n'éclaire que les naufrages.
Nul n'a droit sur l'air que je respire, ni sur la plus noble fonction de mon esprit, celle de juger par moi-même.
Par le système de l'attraction, il n'est pas nécessaire d'admettre un Dieu...
[1] Toutes les citations de cette page sont extraites de : http://atheisme.free.fr/Biographies/Helvetius.htm .
[2] Claude Adrien Helvétius, Pensées et réflexions, 1774.
[3] Claude Adrien Helvétius, Notes, maximes et pensées, 1774.
[4] Claude Adrien Helvétius, De l'esprit, 1774.
[5] Les numéros de pages de De l'esprit sont ceux du document produit par Jean-Jacques Delfour extrait de la base de données textuelles Frantext réalisée par l'Institut National de la Langue Française.
Helvétius - De l'esprit (1758) - texte intégral (204 pages).rtf