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Zénon de Citium

Philosophe grec, fondateur de l'école des stoïciens

par F.-J. Thonnard [1]

Zénon était de Citium en Chypre. C'était une petite ville grecque où s'était établie une colonie de Phéniciens. Il eut Cratès pour maître. On dit ensuite qu'il prit les leçons de Stilpon, et que pendant dix ans il fut auditeur de Xénocrate. Polémon est encore un philosophe dont il fréquenta l'école.

Il choisit le portique appelé Pœcile, qu'on nommait aussi Pisianactée ; le premier de ces noms fut donné au portique, à cause des diverses peintures dont Polygnote l'avait enrichi. Sous les trente tyrans, mille quatre cents citoyens y avaient été mis à mort. Zénon, voulant effacer l'odieux de cet endroit, le choisit pour y tenir ses discours. Ses disciples y vinrent l'écouter, et furent pour cette raison appelés stoïciens [de stoa : portique], aussi bien que ceux qui suivirent leurs opinions.

Les Athéniens eurent tant d'estime pour ce philosophe, qu'ils déposèrent chez lui les clés de leur ville, l'honorèrent d'une couronne d'or, et lui dressèrent une statue d'airain.

Zénon disait que rien ne sied plus mal que l'orgueil, surtout aux jeunes gens et qu'il ne suffit pas de retenir les phrases et les termes d'un bon discours, mais qu'il faut s'appliquer à en saisir l'esprit, afin de ne pas le recevoir comme on avale un bouillon, ou  quelque  autre  aliment. Il recommandait la bienséance aux jeunes gens, dans leur démarche, leur air et leur habillement, et leur citait fréquemment ces vers d'Euripide sur Canapée :

Quoiqu'il eut de quoi vivre, il ne s'enorgueillissait pas de sa fortune ;

Il n'avait pas plus de vanité que n'en a un nécessiteux.

Zénon soutenait que rien ne rend moins propre aux sciences que la poésie. Il disait que le temps était de toutes choses celle dont nous avons le plus besoin. On raconte qu'un esclave qu'il punissait pour cause de vol imputant cette mauvaise habitude a sa destinée, il répondit : « Elle a aussi réglé que tu en serais puni. »

Un jeune garçon parlait inconsidérément : « Nous avons, lui dit-il, deux oreilles et une seule bouche, pour nous apprendre que nous devons beaucoup plus écouter que parler. » Il assistait à un repas où il ne disait pas un mot : on voulut en savoir la raison : « Afin, dit-il, que vous rapportiez au roi qu'il y a quelqu'un ici qui sait se taire. » Il faut remarquer que ceux à qui il faisait cette réponse étaient venus exprès de la part de Ptolémée pour épier la conduite du philosophe et en faire un rapport à leur prince.

On demandait à Zénon comment il en agirait avec un homme qui l'accablerait d'injures : « Comme un envoyé que l'on congédie, répliqua-t-il. » Appolonius de Tyr rapporte que Cratès le tira par son habit pour l'empêcher de suivre Stilpon, et que Zénon lui dit : « Cratès, on ne peut bien prendre les philosophes que par l'oreille. Quand vous m'aurez persuadé, tirez-moi par là ; autrement si vous me faites violence, je serai bien présent de corps auprès de vous, mais j'aurai l'esprit auprès de Stilpon. »

Zénon, dans sa manière de vivre, pratiquait la patience et la simplicité. Il se nourrissait de choses qui n'avaient pas besoin d'être cuites, et s'habillait légèrement. De là vient ce qu'on disait de lui, que « ni les rigueurs de l'hiver, ni les pluies, ni l'ardeur du soleil, ni les maladies accablantes, ni tout ce qu'on estime communément, ne purent jamais vaincre sa constance, qui égala toujours l'assiduité avec laquelle il s'attacha jour et nuit à l'étude ». En effet, il surpassait tout le monde, tant du côté de la tempérance et de la gravité, qu'à l'égard de son grand âge, puisqu'il mourut âgé de quatre-vingt-dix-huit ans, qu'il passa heureusement sans maladie.


[1] Extrait de F.-J. Thonnard, Extraits des grands philosophes, Desclée & Cie, © 1963, pages 122 et 123.