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Le plaisir d'être père

par François Brooks

À l'époque romantique, être père apportait toutes sortes de gratifications qui sont aujourd'hui disparues. Ces gratifications provenaient le plus souvent d'une sorte de fierté liée au plaisir de se sentir indispensable. Nous étions appréciés pour nos qualités masculines naturelles et laissez-moi vous dire que ça dépassait largement le simple fait — aujourd'hui si valorisé — d'être présents.

 

Qui savait bricoler et tout réparer? À qui demandait-on d'ouvrir le pot de marinades? À qui octroyait-on le veto en ce qui concernait les prises de décisions difficiles face aux choses familiales importantes? Qui apportait-il chaque semaine son salaire pour faire vivre sa famille? Qui faisait l'entretien mécanique de la maison et tondait le gazon? Et j'en passe. C'est le père. Toutes ces manifestations d'adresse, de force, de responsabilité, de générosité et de persévérance étaient des qualités pour lesquelles on appréciait l'indispensabilité — disait-on — d'un homme dans la maison.

 

Aujourd'hui, si l'homme bricole, on dira que c'est une manie ; sa force physique, bêtement un don et loin d'être indispensable. Ses décisions difficiles sont interprétées comme s'il bafouait le sacro-saint droit à la liberté des membres de sa famille. L'argent qu'il donne à sa famille, c'est un droit de celle-ci sans quoi on est prêt à le poursuivre pour négligence de son devoir de pourvoir aux besoins familiaux. Les tâches dans lesquelles il excellait sont maintenant si peu indispensables qu'il n'est pas rare de voir des gîtes dans de piteux états fonctionnels. On blâmera l'homme d'être un père absent. On veut un père présent qui fasse la vaisselle et change les couches. Somme toute, on l'apprécie s'il est rose et pas indispensable. Pensez-vous, s'il l'était, il pourrait nous imposer ses quatre volontés. Et s'il fout le camp, on aura toujours le plaisir de pouvoir le critiquer d'être simplement absent. Avec un tel mépris, et si généralisé, pour le rôle du père, ce qui est surprenant, ce n'est pas le phénomène des pères absents, ce sont ceux qui restent que j'ai de la difficulté à comprendre.

 

Le plaisir d'être père était lié à une valorisation de son rôle indispensable dans la famille. On m'a privé de ce plaisir et j'ai perdu mes qualités viriles. Aujourd'hui, je fais toutes sortes de choses inutiles, comme gagner de l'argent et le dépenser pour toutes sortes de futilités. Je ne suis plus indispensable et à ce compte-là, qui peut s'illusionner encore de l'être?