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Méchants riches, méchants pauvres et drôle de dette

par François Brooks

Quand on parle des riches on est tout de suite porté à penser à l'équité sociale, la redistribution de la richesse et à l'injustice sociale que représente le pouvoir que leur donne leur argent. On a souvent tendance aussi à penser que s'ils sont riches, ces riches, c'est sur notre dos et qu'en quelque part, leur richesse nous prive de quelque chose. Nous les idéalisons à un tel point que toutes ces pensées ne sont que jalousie déguisée. On en trouve certains même qui se scandalisent en apprenant le salaire que gagnent certains sportifs ou chanteurs professionnels mais qui, pour tout l'or du monde, refuseraient de mener la vie nomade et le déracinement que leur carrière leur impose. Pour ma part, j'ai toujours pensé que les riches ne m'enlèvent rien, bien au contraire : Si ça se trouve, leur argent pourrait se payer mes services. Je trouve aussi que, un coup les besoins fondamentaux assouvis et puis “envouèye-don” aussi un peu de confort, au-delà de ça, l'argent peut devenir encombrant. ( Je suis cependant prêt à réviser mon système de valeur si demain je gagnais dix millions à la loterie. ) Je n'ai qu'à penser à la malheureuse fin de mon oncle Jean, à la triste histoire de ses deux enfants et la bisbille familiale que leurs millions leur ont procurés pour être content de n'avoir hérité de rien de la sorte.

 

Les riches sont des êtres humains comme tout le monde, fragiles et vulnérables et leur argent peut tout aussi bien leur apporter des problèmes que du bien-être.

 

Parler des pauvres, c'est plus délicat. D'abord parce que si on les dénonce comme des fraudeurs du système, on se donne l'image de quelqu'un qui “fesse” sur un blessé et ça, c'est “immoral” Seule la sélection naturelle a le droit de faire ça et encore, notre sens de la morale nous porte d'emblée à la contrer. Ensuite, parce que si on leur fait l'aumône, on ne leur apprend pas à pêcher et demain, il faudra leur donner encore un autre poisson et ... “y'en a marre” : Ils nuisent à notre porte feuille et à notre bonne conscience. L'idéal serait de pouvoir les oublier mais le problème est que, si nous, nous les oublions, eux, ne nous oublierons pas : Ceux qui mourront de faim viendront hanter nos consciences et ceux qui refuseront de mourir viendront nous cambrioler. Notre morale nous a-t-elle coincés ? Même que, tout bien réfléchi, je me demande si le confort matériel des riches ne vaut pas le confort moral des pauvres.

 

Chacun a, dans sa vie, à choisir l'équilibre optimal, pour lui-même, entre ces deux conforts. Mais, ai-je dit « choisir » ? Est-ce que le riche héritier d'une ancienne fortune de famille a eu le choix ? Est-ce que l'ouvrier tombé malade ou accidenté et qui se retrouve en chômage ou sur le Bien-être Social l'a choisi ? Non, bien sûr ! Mais le grand nombre peut choisir de s'instruire. Ah oui ? Pas si sûr ?

 

Mais de quoi parle-t-on ? En fait, je pense qu'il ne faut pas perdre de vue la simple nécessité de subvenir à nos besoins fondamentaux et, pourquoi pas, un petit peu de confort. La technologie actuelle, c'est bien connu, est en mesure de fournir à tous et chacun tout le bien-être et le confort voulu. Mais, si on est capable de cultiver assez de carottes pour nourrir tout le monde, fabriquer suffisamment de meubles pour asseoir tout le monde, bâtir toutes les maisons nécessaires à abriter tout le monde et confectionner tous les vêtements qu'il faut pour vêtir tout le monde, alors, où est le problème ? Pourquoi ne nous mettons pas tous au travail ? Pourquoi payer des gens à ne rien faire sur le B.S. ou l'assurance chômage, ou les rentiers, ou les retraités ou les mendiants ? ( Vous remarquerez que j'ai volontairement exclu les malades.)

 

Le problème origine du fait que tout le monde, riches ou pauvres, essaie de faire travailler les autres au maximum pour soi en fournissant le minimum de travail en retour. À noter que je ne blâme personne parce qu'il faut bien manger et qu'après tout, personne n'a choisi de naître.

 

Je sens mon raisonnement approcher l'analyse du sort du travailleur. Vous connaissez la “joke” qui veut que personne ne travaille à part vous et moi ? C'est un peu vrai. Si on enlève les enfants, les retraités, les malades, les chômeurs et les assistés sociaux, peu de gens travaillent. Et ce petit nombre doit produire tous les biens nécessaires au bien-être de l'ensemble. Mais, pas de panique, la technologie aidant, il y en a même qui produisent des biens ou services qui ne sont pas essentiels ; (Pauvres producteurs de carottes !) même que certains travaillent à ne rien faire. (Je ne les nommerai pas ; je suis certain que vous en connaissez au moins un)

 

Mais alors, où est le problème ?

 

Donnez-moi encore quelques lignes, je crois tenir le filon.

 

L'outil utile qu'est l'argent semble être la source du problème ou, tout au moins, le véhicule du problème. Je m'explique. Pour chaque bien produit, dans l'économie d'un pays, on est supposé émettre le montant correspondant d'argent en circulation, et, à l'inverse, retirer de la circulation le montant correspondant d'argent pour chaque bien détruit. Si un petit futé s'empare d'un grand terrain pour lui tout seul au départ, il a les ressources pour produire une plus grande quantité de biens que la moyenne des autres citoyens. Il vend plus de biens et bientôt, il a beaucoup d'argent. Cet argent serait utile à ceux qui n'en ont pas mais lui, il décide d'arrêter de produire et de vivre de son capital. On vient le voir pour avoir son argent et il décide de s'en départir moyennant intérêts mensuels. Ces intérêts à eux seuls suffiront à faire vivre notre petit futé. Ainsi, nous avons créé notre premier assisté social. Imaginons plusieurs milliers de petits futés, autant riches que pauvre (la morale aidant). Bientôt, toutes les ressources appartiendront à quelqu'un et ceux qui auront besoin d'argent (les nouveaux arrivés) devront verser un loyer mensuel pour utiliser cet argent. Mais ces gens sont les travailleurs, et, à mesure que le temps passe, ils seront de plus en plus endettés car, non seulement ils produisent les biens nécessaires pour tout le monde mais, à eux seuls, ils supportent aussi la dette colossale bâtie depuis des décennies. Je les vois, ces travailleurs, comme les esclaves modernes qui vendent leur vie dans l'espoir de l'améliorer.

 

On essaie, actuellement de renvoyer au travail les B.S. et chômeurs mais ceux-ci pointent l'autre catégorie de B.S. en disant que les riches doivent payer plus de taxes. Chacun taxe l'autre de parasite et garde les bras croisés en attendant que les autres se remettent au travail. Qui a raison?

 

J'admire le travailleur, j'admire les travailleurs ! Tous les travailleurs. Ce sont eux qui apportent le bien-être pour tous. Les autres méritent compassion et compréhension.

 

 

* *   *

 

            Dans ma façon de voir l'économie, il y a un autre joueur des plus importants : le gouvernement. Élu démocratiquement, c'est une sorte de Robin Des Bois qui arbitre la circulation de la richesse avec le sens de l'éthique en vogue dans son pays à l'époque où il “gouverne”. Il a un pouvoir immense puisqu'à chaque fois que l'argent change de poche, il en prélève un pourcentage important sous forme de diverses taxes de telle sorte qu'après avoir changé de poche dix fois, le dollar est revenu au gouvernement à plus de 90%. Pour être un “bon gouvernement”, c'est à dire pour avoir beaucoup d'argent à redistribuer, c'est à son avantage que l'argent change de poche le plus souvent possible. C'est ce qu'on appelle “faire rouler l'économie”. Mais voilà, l'argent des fortunes qui sont amassées par les riches (les petits futés) et qui n'achète rien à celui qui la possède parce qu'il en a beaucoup plus que le nécessaire à ses besoins fondamentaux, et même au luxe qu'il se paye, cet argent qui dort ne peut pas être taxé. Donc, seuls ceux qui dépensent contribuent à la redistribution de la richesse. Ceux qui arrêtent leur raisonnement ici seront tentés de demander que l'on taxe les fortunes personnelles. Mais le gouvernement touche quand même des taxes sur cet argent puisque ce seront ceux qui l'empruntent qui vont le dépenser. Au besoin, le gouvernement lui-même se fera emprunteur pour remettre en marche les cycles de dépenses qui lui généreront des taxes. Et c'est précisément ce qu'il fait et continue de faire. Mais voilà, comment se fait-il que le gouvernement n'arrive jamais à rembourser sa dette puisque les taxes lui ramènent toujours presque tout l'argent en circulation après dix transactions ? Serait-ce que l'argent revient toujours dans des poches qui n'ont pas besoin de dépenser et qu'il se retrouve bloqué à nouveau trop rapidement ? Dans ce cas, nous serions tentés à nouveau d'exiger une taxe sur les fortunes personnelles.

 

            Pour qu'il soit dépensé, l'argent doit appartenir à quelqu'un qui est dans le besoin (réel ou créé). Et c'est cette même personne qui est le meilleur générateur d'impôts et de taxes. Voici un nouvel argument en faveur de ceux qui réclament du gouvernement qu'il taxe davantage les riches. Mais qui sont ces riches ? La richesse du riche lui provient de la partie de ses revenus qu'il n'a pas besoin de dépenser pour satisfaire à ses besoins fondamentaux et à ses caprices. Cette partie de ses revenus ne sera pas dépensée mais capitalisée à la banque qui prêtera cette somme pour en produire des intérêts. Qui dit intérêt dit dette.

 

            Celui qui est endetté devient en quelque sorte l'esclave de son maître, le créancier. Pour s'affranchir de ses dettes, l'esclave moderne peut avoir recours à la faillite. Mais il devra à l'avenir vivre selon ses moyens parce qu'il ne pourra plus emprunter aussi facilement. Mais la faillite est un “pensez-y bien” pour celui qui a l'habitude d'utiliser le crédit pour augmenter son niveau de vie.

 

            Si les gens n'ont pas confiance en l'économie, ils dépenseront moins et le gouvernement, ne percevant plus autant de taxes, ne pourra plus donner à la population les services auxquels ses grands idéaux l'avaient habituée. La grogne risque de s'installer dans l'ensemble des gens qui avait pris l'habitude de se fier sur le gouvernement. Ce Robin Des Bois moderne va se faire chahuter. Je le plains.

 

            La complexité de notre système économique me fascine. Je commence seulement à comprendre combien nombreux sont les facteurs qui le gouvernent même si les principes sont relativement simples : Offre et demande.