991020

Le monde réel

par François Brooks

 

Le monde est le lien indispensable qui permet aux univers spirituels que nous sommes de communiquer. Si deux personnes (ou plus) arrivent à une observation identique, sur le monde réel, empirique, celles-ci vivent l'union de leur esprit. Cette union reste illusoire puisque la monade est sans fenêtre[1]. L'état des choses dans le monde, c'est Dieu lui-même dans son immuabilité. Lorsque apparaît dans l'esprit de deux personnes (ou plus) une observation identique, c'est, comme le dit Berkeley, Dieu coordonnant entre elles les différentes perceptions et actions. Dieu est le monde. C'est ici d'ailleurs qu'apparaît la nécessité de Dieu. Sans cette notion, aucun ancrage n'est possible ; nous nageons dans l'aléatoire, l'indéterminé, le chacun pour soi.

 

Pour communiquer, pour sortir de leur immense solitude, les esprits que nous sommes doivent passer par le monde. Ce monde reste illusoire mais il est un point d'ancrage fiable si on l'observe scientifiquement. En effet, dans notre univers intérieur, d'une fois à l'autre nos rêves changent ; mais dans le monde réel, les choses sont stables : à chaque fois que je me réveille, c'est toujours dans le même lit que je suis, mes meubles sont toujours là, ma maison aussi[2]. Quand on ne sait pas fonctionner dans le monde, on se frappe, on se blesse, et ce monde nous apparaît bien réel à travers les blessures qu'il nous inflige. Quand on sait fonctionner dans le monde, tout se passe sans heurt, de telle sorte qu'on peut facilement croire qu'il est imaginaire. La douleur nous ancre dans le monde ; le bien-être nous ancre dans l'esprit.

 



 

[1] En référence à la monadologie de Leibniz.

 

[2] Dieu garantit le monde.