Je pense toujours, tant pis pour les arbres 

 

François Brooks

1998-08-06

Essais personnels

 

Pourquoi moi ... moi ?

 

(Suite de la réflexion du 960913 Doute sur la vie après la mort)

Pourquoi moi ... moi ? Cette question me hante depuis toujours. Il me semble que c'est la seule qui persiste avec le plus d'acuité. Il me vient une idée : se pourrait-il que la conception de tout être vivant sous forme « stéréo » — c'est-à-dire, deux moitiés symétriques soudées ensemble (comme l'est notre corps) — créée l'« illusion » de la conscience qui m'amène à croire à ma propre existence, à me sentir comme un être « unique » ? Dès lors, ma question « Pourquoi moi ... moi ? » peut être formulée. Étant formé de deux moitiés symétriques : deux bras, deux jambes, deux yeux, etc., ce « moi » que je suis se trouve l'« unique » situé à la conjonction des deux êtres, ces deux moitiés qui me composent. Ce moi serait ce que précisément nous nommons « conscience » (scientis — cum, savoir — avec). La certitude découlant du fait que lorsque je vois, entends, touche, marche, etc., je suis deux à le faire : ma moitié gauche et la droite. Je dis alors que je suis « conscient » et j'ai la certitude d'exister et d'avoir fait ce que j'ai fait.

Dans cette perspective, il m'est aisé de comprendre que tout n'est qu'illusion. Illusion créée par la sensation de certitude. Ce que je ressens comme un « je », ne serait que l'illusion donnée par la cohabitation de deux moi-même. Ce qui m'amène à penser qu'il faut être deux pour que quelque chose existe, pour que l' « illusion » de la conscience apparaisse, opère : la chose elle-même et sa « vérification » (chacune des deux moitiés du cerveau servant à « vérifier » l'autre). Je dis « illusion » parce que, tous, autant que nous sommes, hommes ou animaux, nous ne prenons conscience de l'existence que dans la perspective « stéréo » qui constitue notre être. Dans l'absolu, pour une plante, une cellule ou une chose inerte, quel est mon être ? Je n'en sais rien. Je ne peux me connaître qu'à partir de ce qui me connecte au monde et à moi-même : mes sens et mes propres facultés intellectuelles dans mon état « stéréo ». Tout cela me donne ce que j'appelle l'illusion d'exister. Hors de ma vie, point d'illusion.

Cet être que nous appelons aussi « notre esprit » est un être qui surgit un peu de façon « magique ». Son existence n'est possible qu'en fonction de l'union effective de deux moitiés symétriques semblables. Ces deux moitiés que nous sommes ne sont pas parfaitement symétriques. Ça me laisse penser qu'elles sont un peu à l'image des paradoxes qui m'habitent : le loup et la brebis, le bien et le mal qui se battent en moi, qui s'unissent aussi et donnent ainsi un sens à mon existence. On a déjà dit : La nature a horreur du vide ; j'ajouterais : « La vie adore la symétrie, la paire ».

La question Pourquoi moi ... moi ? ne se pose pas du point de vue de la philosophie du Tao. Selon cette philosophie, celui-ci m'englobe comme faisant partie de l'Unité de l'Univers. Selon le Taoïsme, si j'avais la « bonne attitude », je ne me sentirais pas détaché des autres et de l'Univers. Ainsi cette question m'apparaîtrait futile, puisque je suis moi, mais en quelque sorte, je suis aussi en même temps les autres.

Philo5
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