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L'Être et le néant

Text Box:  
Éloge de la dialectique
René Magritte, 1936
par François Brooks

Dieu créé le monde à partir du néant [1].

 

Lorsqu'on regarde à travers la fenêtre, on voit une autre maison en face. L'intérieur de ma maison est comme l'intérieur de moi-même. Ma conscience dans mon corps est comparable à mon corps présent dans la maison. La maison en face, c'est l'autre que je vois et qui contient une âme, une conscience, une présence à l'intérieur de son corps, sa maison. Cette conscience, comme les poupées russes, en contient une autre qui en contient une autre et ainsi de suite. La plus intérieure de toutes les poupées pourrait se comparer à Dieu, mais cette « poupée » est si petite, si intérieure, qu'à mon échelle, elle est comparable au néant. Et pourtant, ce néant est la forme parfaite qui donne sa forme à toutes les autres couches extérieures. Ce néant, c'est Dieu, c'est la base de l'être, c'est le vide qui rend possible l'être construit à partir de la présence des êtres et des choses extérieures.

 

Si je rentre dans les trous noirs des yeux de celui qui m'observe, c'est comme si mon image pénétrait dans le vide de ses yeux. Ce vide que je remplis de mon image anime son être[2] ainsi que toutes les images qui ont pénétré dans le vide de ses yeux (son vide intérieur) depuis sa naissance. Toutes ces images l'ont fait devenir ce qu'il est, lui ont donné son existence propre.

 

Je vois le monde comme rempli de gens vides, avides de rencontrer d'autres vides pour combler leur intérieur. C'est comme si Dieu, néant intérieur, se cherchait lui-même dans les êtres qu'il habite. Une vaste quête narcissique du néant envers lui-même, voilà Dieu et le monde ; voilà l'Être.

 



 

[1] saint Augustin

 

[2] Dans mes yeux je sentais ton regard,

Et dans tes yeux tu sentais mon regard

Te regarder pour savoir si dans tes yeux

Je regardais.                                    Pierre Lalonde (chanson populaire des années '60)