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La perversion

par François Brooks

Drôle de société que celle qui met plus de précaution à empêcher que des mineurs puissent voir une scène de copulation à la télévision ou au cinéma qu'une du geste de tuer mis en scène avec toute l'imagination et la diversité de ses représentations possibles. Oui mon garçon, tu pourras voir facilement des acteurs s'éventrer, se tirer dessus, et leurs corps déchirés saigner à mort mais, pour ce qui est de voir le geste simple de la reproduction, de l'amour, il faudra que tu attendes tes 18 ans. La vue des organes sexuels en action, c'est très vilain. Le meurtre, par contre, c'est normal, naturel et acceptable.

 

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Drôle de société que celle qui interdit l'alcool au volant mais qui permet que l'on tapisse les abords de ses routes de panneaux incitant à boire de la bière, « cooler », gin ou tout autre produit éthylique. On pousse l'aberration jusqu'à représenter systématiquement les consommateurs de ces produits alcoolisés par de beaux jeunes heureux et en santé. Est-il nécessaire d'ajouter que dans la réalité, la consommation d'alcool mène précisément au contraire de ces résultats ; que non seulement celle-ci abîme la santé mais déchire aussi nos vies et, dans les accidents de la route, nos corps horriblement. La Sécurité Publique du Québec ne se lasse pas d'ailleurs de nous le représenter dans sa campagne anti-alcool au volant.

 

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Drôle de société que celle qui permet que l'on affiche dans le métro, les autobus et autres endroits publics les noms Players, Benson & Hedges et autres marques de cigarettes, alors qu'il est interdit de fumer dans ces mêmes endroits publics.

 

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J'ai peine à croire que notre société qui se targue d'être si moderne, scientifique, rationnelle et humaniste puisse encore accepter d'endosser de telles incohérences.

Mais, courage! Il y a peut-être un espoir quelque part, puisque, il n'y a pas si longtemps, cette même société permettait que l'on annonce des cigarettes alors que le tabagisme était la première cause de mortalité par cancer et que les soins de santé étaient fournis gratuitement par l'État. Sans compter qu'à cette époque, on pouvait acheter ses cigarettes dans les pharmacies.