010222

Viol et consentement

par François Brooks

Si on vous forçait à participer à une activité sexuelle contre votre volonté mais que, malgré tout, on vous amène à éprouver un orgasme très jouissif, vous considéreriez-vous comme violé? Intenteriez-vous un procès contre cette personne libidineuse qui, malgré votre refus, vous a amené au septième ciel?

 

À Toronto, l'été dernier, j'ai vu un reportage très troublant à la télévision. Il s'agissait d'une réflexion en profondeur sur l'univers sadomasochiste. Au terme de la loi, ces gens se livrent à des agressions sexuelles, voies de fait, grossière indécence, séquestration et humiliation publiques avec consentement. Seule leur attitude face à ces crimes « consentis » fait qu'ils n'encourront aucune poursuite ni sentence : ils considèrent ces agressions comme la source d'une jouissance sublime. Ils sont même prêts à payer une somme importante pour qu'on leur inflige des souffrances.

 

Nos parents nous ont mis au monde sans notre consentement, bien entendu. Ils sont en quelque sorte la « cause » de tous nos plaisirs, mais aussi de tous nos malheurs. Personne ne s'est jamais plaint de ne pas être né. N'est-ce pas ce sentiment de culpabilité qui ronge les parents aussitôt qu'ils voient leur progéniture dans une position de déplaisir? Ils savent bien que par amour (et mus par une poussée érotique incontrôlable) ils nous ont fait naître, mais après coup, ils réalisent avec effroi qu'ils nous ont aussi condamnés à souffrir et à mourir.

 

Bien entendu, de ce point de vue, la solution idéale serait de s'abstenir de faire naître. Idéale, mais absurde aussi, puisque cette solution aurait tôt fait de voir la race humaine disparaître. Alors nous continuerons à faire naître nos enfants sans leur consentement en souhaitant qu'ils jouissent de la vie au maximum. Puisse ceci nous déculpabiliser d'avoir violé la tranquillité qu'ils avaient avant de naître.

 

Pourtant, devant toute la misère humaine, j'en arrive souvent à penser comme le dit Sénèque que le premier bonheur serait de ne pas naître.

 

Si Dieu a créé l'homme, il a, du coup, inventé sa mort. Je me suis souvent demandé quel intérêt pouvait-il avoir dans cette créature lui, si parfait, si au-dessus de tout. Ne ressent-il pas une culpabilité parentale qui l'oblige à nous? Aussi, il n'est peut-être pas vain de le prier. Ce Dieu si commode à nos parents avait le dos bien large. C'était lui, la cause de tout, et non pas eux.