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La violence faite aux hommes [1]

par François Brooks

Je me sens triste de penser que si Marc Lépine avait voulu nous dire quelque chose par son geste insensé de la tuerie des étudiantes de la Polytechnique, il y a dix ans aujourd'hui, notre refus de l'entendre fera que ces jeunes femmes seront mortes pour rien. Je ne voudrais pas qu'elles soient mortes pour rien. Parce que si c'est le cas, à moins que Lépine ait eu tort à 100%, j'ai bien peur qu'un geste semblable puisse se reproduire. Ce serait regrettable.

On n'en finit plus de nous casser les oreilles avec la violence faite aux femmes et toutes ces vilenies qui n'appartiennent qu'à la gente masculine ; je me sens harcelé. Le seul fait que je sois un homme me prédispose à violenter les femmes, être un harceleur sexuel, un père absent, un pédophile, un irresponsable, et j'en passe. Si je n'avais pas un peu de bon sens, j'en viendrais à détester ma propre nature, à regretter de ne pas être né femme. Si ce matraquage moral n'est pas de la violence faite aux hommes, je me demande bien comment le nommer.

Bien sûr, la scène de la tuerie de Lépine est horrifiante et j'imagine bien l'angoisse que peut ressentir une jeune femme se terrant sous un pupitre en lui disant, pour échapper à ses balles : « je ne suis pas féministe », tout comme un quidam dirait devant un nazi : « je ne suis pas juif », tout comme je dirais aux propos assassins des journalistes de Radio-Canada : « je ne suis pas un homme ».

Je ne voudrais pas qu'elles soient mortes pour rien ces jeunes femmes, c'est pourquoi il faut que le féminisme cesse. Qu'on ne se méprenne pas sur mes intentions : je suis père de deux jeunes adultes dont une fille de 21 ans ; si ma fille était tombée sous les balles de Marc Lépine, moi aussi j'aurais voulu lui arracher le ventre pour lui faire sentir ce qu'il m'aurait fait. Il faut que Lépine ait tort à 100%, il ne faut plus en fabriquer d'autres. Les féministes lui donnent raison en récupérant cette tuerie pour leur cause. Il n'a pas fait souffrir que des femmes, loin de là [2].

* * *

Avec mon chèque de paye, cette semaine, j'ai reçu un petit ruban blanc que monsieur le maire me demande de porter pour souligner le triste anniversaire du 6 décembre 1989, en guise d'engagement à ne jamais commettre, fermer les yeux ou me taire à propos de la violence faite aux femmes [3]. Je me demande, en toute égalité, quand demandera-t-on aux femmes de porter aussi un ruban en guise d'engagement à ne jamais commettre, fermer les yeux ou se taire à propos de la violence faite aux hommes? Faut-il rappeler qu'au Québec, nous détenons un triste record du monde quant aux suicides des jeunes hommes entre 15 et 25 ans? La violence morale faite aux hommes par notre société féministe ne se termine pas dans une tuerie spectaculaire ; elle prend plutôt la forme silencieuse et anonyme du suicide des jeunes hommes dont on ne parle jamais au téléjournal.

Vivre homme au Québec, c'est être amené à se détester tous les jours en regardant le téléjournal. On se croirait revenu au temps de l'inquisition où on brûlait les sorcières sur la place publique. Les rôles sont simplement inversés. Ce sont maintenant les femmes qui ont le beau rôle. Comme si celles-ci ne portaient pas en elles la nature humaine, elles ne sont presque jamais au banc des accusés.

[1] Ce titre fut repris dans le texte de Daniel Martin dans la chronique parue dans le journal Métro le 31 juillet 2001 :
      « 010731-DanielMartin-La violence faite aux hommes.htm  »

[2] Voir mon texte : « 991206 Marc Lépine et les féministes »

[3] Voir le texte : « Why I Won't Wear A White Ribbon » de M. Adam Jones (1992)
Page consultée le 6 déc. 1999 : http://www.interchange.ubc.ca/adamj/ribbon.htm .

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