Texte référence 2001-05-08

La fin des syndicats [1]

par Daniel Martin

On ne peut pas dire que les syndicats ont très bonne presse. Depuis une vingtaine d'années, ils sont dépeints comme des regroupements de fier-à-bras qui protègent une élite de travailleurs incompétents et fraudeurs contre le bon sens économique des employeurs.

Comme nos médias SONT des entreprises, il n'est pas surprenant que le discours dominant des deux dernières décennies, dominées par l'économie, reflète principalement la vision patronale du syndicalisme.

Ce qui est intéressant, cependant, c'est de voir que le mouvement n'arrive pas à contrebalancer cette vision dans ses propres rangs. Le syndicaliste moyen n'est pas impliqué – quand il n'est pas carrément anti-syndicaliste.

Notre syndicaliste moyen (appelons-le Bob, pour alléger) dénonce les abus du syndicat. Lorsqu'il protège bien ses employés, c'est de l'abus de pouvoir, du gangstérisme. Bob oublie qu'une négociation s'effectue à deux, et que la partie patronale est responsable de ses échecs.

Bob parle de ses conditions de travail correctes, de ses bons rapports avec son boss, du fait qu'on a pas besoin de s'impliquer dans le syndicat parce que « ça sert à rien ». Il oublie, notre Bob, que les conditions dont il bénéficie ne sont pas tombées du ciel; que d'autres se sont battus pour les obtenir. Que son boss, si gentil, ne le traiterait pas si bien sans le rapport de force qu'il entretient avec le syndicat.

Bref, Bob est gras dur et a abandonné le mouvement syndical, victime qu'il est de la désinformation qui privilégie le point de vue économique au détriment du point de vue social. Laissé entre les mains de Bob, le syndicalisme au Québec se fanera et mourra.

Mais il y a du sang neuf: celui des travailleurs qu'on exploite au salaire minimum. Traditionnellement difficiles à organiser, ceux-ci commencent à joindre les rangs, comme les 25 employés du McDo de Rawdon. Et ils ont envie de se battre, parce que leur fessier ne s'est pas encore encroûté sur une moelleuse convention collective. Ils n'ont rien, ils ne sont pas respectés, ils sont le cheap labour du Canada: ils vont amener aux syndicats l'oxygène qui a depuis longtemps déserté les salles enfumées des assemblées générales. Bob n'a plus de conscience sociale ou de sens de l'histoire; tout ce qui peut le faire bouger, c'est une menace à son confort. Le cuisinier de McDo n'a pas de confort. Il a tout à gagner. Comme les gars d'Asbestos, en 1949.

Si le syndicalisme a à renaître, ce sera grâce à McDonald's. Et ce sera de loin la meilleure chose à sortir de ses cuisines!

Les opinions exprimées dans cette chronique ne sont pas nécessairement partagées par la direction de Métro


[1] Article paru dans le Journal Métro le 8 mai 2001.


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