MES LECTURES - Passages choisis 

Luciano Canfora

2003-05-22

Flammarion © 2002

L'Imposture démocratique [1]

 

p. 22

[...] la solution, dirait-on aujourd'hui, se trouve dans une éducation politique toujours plus répandue et efficace. Ce n'est pas faux, même si le projet est ardu. Il y a là un retour à Socrate : à la « politique » comme éducation. La contre-preuve de la justesse de cette intuition nous est donnée par la diffusion et la fortune irrésistible, et à première vue inattendue, des mouvements obscurantistes et anti-égalitaires actuels qui obtiennent la majorité (et parfois même prennent le pouvoir) à travers une vaste campagne capillaire et efficace de dés-éducation des masses, rendue possible, dans les sociétés dites avancées ou complexes, par la puissance, aujourd'hui illimitée, des instruments de communication et de manipulation des esprits ; et dans les sociétés dominées par l'obscurantisme archaïque à base religieuse de mouvements électoralement irrésistibles, du moins en apparence, comme le Front Islamique du Salut en Algérie.

p. 25

L'un des héritages les plus répugnants des tombereaux de propagande de la guerre froide est le « fondamentalisme démocratique ».

p. 31

Au mois de novembre 2000 s'est produit l'événement peut-être le plus important du siècle qui commence. Alors même qu'il avait perdu les élections, George Bush Jr. a été porté à la présidence des États-Unis. À cette fin, et du fait d'un verdict politiquement prédéterminé par la Cour suprême des États-Unis, le comptage des voix en Floride a été empêché alors que, mené à terme et correctement vérifié, il aurait marqué la défaite du candidat Bush.

Personne n'a jamais pensé que l'élection présidentielle américaine était une procédure « démocratique ». En leur for intérieur, même ceux qui, si on leur demandait leur sentiment à ce sujet, le soutiennent, n'y croient pas. [...]

p. 32

Dans la presse européenne, on le sait, les reportages sur la présidentielle américaine ne donnent jamais — c'est tout juste s'ils ne les cachent pas   les résultats des candidats en lice en termes de voix ; ne nous est précisé que le pourcentage. On veut cacher (en Europe, la chose paraîtrait honteuse si elle était connue) que la majorité des personnes ayant le droit de vote aux États-Unis ne l'exercent pas. [...] Bref, le vainqueur représente une petite minorité du corps électoral. [...]

Le fait vraiment nouveau de novembre 2000 est au contraire le coup de force. Pour la première fois a prévalu l'interdiction de compter les voix : une opération qui aurait déterminé la défaite du candidat qui devait gagner. Ce coup d'État (c'est ainsi qu'en a parlé Al Gore lui-même à l'un des moments les plus chauds de ce long bras de fer) est un inédit dans l'histoire des États-Unis. Et, comme il s'agit des patrons de la planète, aucun organe de presse qui compte, dans une Europe stupéfaite, n'a osé proclamer haut et fort la vérité atterrante : une vérité qu'ils auraient hurlée s'il s'était agi d'un autre pays.

[...] des forces puissantes exigeaient ce président-là et, d'une façon ou d'une autre, devaient l'obtenir. [...]

p. 34

Dès le 30 janvier 2001, soit vingt jours à peine après l'entrée en fonctions de Bush Jr., le Pentagone simulait la bataille virtuelle entre les États-Unis et la Chine à coups de missiles et de « bouclier spatial », en prévision d'un conflit non pas virtuel, mais bien réel, prévu, sous bénéfice d'inventaire, pour 2017 [2]. Mais l'attentat terroriste imprévu au coeur des États-Unis (11 septembre 2001) a conduit à délaisser, momentanément, ces scénarios délirants.

p. 37

En vérité, il est impropre de baptiser « démocratie » un système politique dans lequel le vote se négocie sur le marché politique et l'entrée au parlement oblige le candidat à engager des « dépenses » électorales considérables. Cet aspect attristant (sur un plan éthique, plus encore que démocratique), fondamental, du système parlementaire demeure en général dans l'ombre. Mais il est le pilier du système. La classe politique représente au fond la moyenne de la haute bourgeoisie et les possédants. Mais qui ose proférer ouvertement cette vérité d'évidence passe pour un adversaire du parlementarisme.

p. 51

[...] le système dit « démocratique » tel qu'il existe aux États-Unis et en Europe peut être rapproché, par bien des côtés, de la pratique athénienne, où une élite issue des classes marchandes et industrielles (Démosthène était fils d'« industriel ») dirige la république en se faisant périodiquement légitimer par les masses. Malgré l'abondante rhétorique démocratique et même « égalitaire » (bien que les esclaves fussent totalement exclus de l'espace politique), Athènes était en réalité une timocratie — régime dans lequel la recherche des honneurs est au principe de l'État — formalisée, entre autres choses, par la règle qui excluait des plus hautes charges militaires et financières ceux qui n'appartenaient pas aux familles les plus fortunées. Dans les « démocraties parlementaires » modernes, tout est, évidemment, infiniment plus compliqué, mais le critère d'accès à la classe politique est le même.

p. 55

Dans un essai récent, Edward Luttwak a développé une critique impitoyable de ce qu'il appelle le « turbo-capitalisme ». En italien, son livre porte un titre significatif : La Dictature du capitalisme[3]. C'est un capitalisme, écrit le politologue hongrois naturalisé américain, qui dicte à l'individu les règles de toute son existence. [...] Ce capitalisme modifie les rapports à l'intérieur de la communauté, décide le transfert des masses d'hommes et de valeurs, en peu de temps, d'un continent à l'autre, permettant le plus surprenant enrichissement d'une poignée d'individus qu'on ait jamais vu dans l'histoire humaine.

Quand, au milieu du XXe siècle, le capitalisme était encore le « royaume » de la concurrence, une des conséquences de cette « liberté », désormais piétinée, était une forte croissance économique. Aujourd'hui, le turbo-capitalisme s'efforce d'imposer un modèle unique. Il cherche à balayer les différences : il homogénéise le monde en vue de réaliser un gigantesque marché pour les multinationales et les lobbies.

p. 57

D'ailleurs, démocratie ne signifie pas non plus « gouvernement de la loi ». [...] si le [gouvernement] avait une expérience du monde antique, il découvrirait même qu'en pleine bataille politique, à Athènes, quand furent traduits en justice les généraux qui avaient gagné la bataille des Arginuses (406 avant J.-C.), Socrate fut le seul à s'opposer, au nom de la loi, à leur condamnation sommaire pour n'avoir pas sauvé les naufragés, tandis que les démagogues galvanisèrent l'assemblée et passèrent outre l'opposition de Socrate en rappelant que la volonté du peuple est au-dessus de la loi (« voici qu'on prétend empêcher le peuple de faire ce qu'il veut ! », crièrent-ils).

[...] tous les régimes « plébiscitaires » se fondent sur le consensus. Au demeurant, c'est là un concept superficiel, bien qu'à la mode. Toute la question est de savoir comment il est obtenu : la frontière entre la conquête et la manipulation de l'opinion publique est en vérité assez ténue ; et il s'agit surtout d'une question de points de vue. Quand De Gasperi se rendit pour la première fois aux États-Unis, il établit, non sans une certaine horreur, ce diagnostic : « Qui possède la télévision gagne les élections », tandis qu'aujourd'hui, en Italie, on estime normal qu'un dirigeant politique possède ou contrôle indirectement plus de la moitié des émetteurs à caractère national ; et qui voit dans ce pouvoir médiatique exorbitant la raison de son triomphe électoral est ridiculisé comme un pleurnichard passéiste. [...]

p. 63

[...] Raymond Aron [...] part du livre important de Milovan Djilas, La Nouvelle Classe[4], dont il résume schématiquement la pensée en ces termes : « Les nouveaux régimes, qui se baptisent démocraties populaires seraient des oligarchies, avec des privilégiés, en petit nombre, qui exploitent les masses. [...] Cette nouvelle classe est stérile, [...] elle ne rend pas à la société des services à la mesure de ses privilèges. »

p. 69

[...] Sur combien de générations peut durer l'expérience « révolutionnaire » ? La Révolution française de la fin du XVIIIe siècle autant que la révolution communiste, qui couvre une grande partie du XXe, démontrent que, passé la seconde génération, cette expérience ne se transmet pas [...] le fondement des révolutions est avant tout la tension morale. [...] Parce que l'expérience peut tout au plus se raconter, en aucune façon se transmettre : elle est individuelle et ne saurait se répéter. Aussi les révolutions finissent-elles par s'enliser et connaissent toutes, tôt ou tard, leur « thermidor ». Si l'on tente obstinément d'en préserver la vitalité par voie pédagogique de génération en génération, cette pédagogie est vite perçue comme pure rhétorique, et donc rejetée.

p. 84

[...] « Un des lieux communs les plus banals répétés contre le système électif, écrivait Gramsci, [...] est que le nombre serait en soi la loi suprême [5]. » Et d'objecter : « Mais le fait est qu'il n'est vrai, en aucune façon, que le nombre soit la "loi suprême" ni que l'opinion de chaque électeur pèse d'un poids exactement équivalent. »

[...] Pour Gramsci — là encore en parfait accord avec la critique élitiste —, « les idées et les opinions ne naissent pas spontanément dans le cerveau de chacun : elles ont eu un centre de formation, de rayonnement, de diffusion, de persuasion [...]. Le décompte des voix, conclut Gramsci d'une formule heureuse, est la dernière manifestation d'un long processus dans lequel l'influence maximale appartient précisément aux centres de rayonnement les plus forts, aux élites décisives ». C'est pourquoi il observe : « Si, nonobstant les forces matérielles immenses qu'il possède, ce groupe présumé Optimates n'obtient pas le consentement de la majorité, il faudra conclure qu'il est incapable ! »

p. 87

L'interprétation du phénomène complexe du parlementarisme moderne, que fournit ici Gramsci, insiste radicalement sur la place centrale des élites et sur leur rôle déterminant. Dès lors qu'il est entendu que le consensus, et donc la majorité, est un effet de leur force et de leur capacité, la banale indignation oligarchique disparaît, quitte la scène, pour faire place au « démasquage » de l'auto-représentation de la démocratie. De toute évidence, c'est sans complaisance aucune que Gramsci constate la vraie nature se l'apparence démocratique : s'agissant de ces élites décisives, il souligne que leur succès est déterminé par les « forces matérielles immenses » qu'elles ont à leur disposition.

p. 88

[...] l'expérience du parlementarisme, que le diagnostic nous a aidé à comprendre pleinement, appartient au passé, nous dit Gramsci : d'autres expériences sont en cours, dans lesquelles d'autres élites donnent vie à de nouvelles manières de construire le consensus.

p. 89

[...] la démocratie, entendue comme gouvernement  effectif de la majorité, est quelque chose d'intrinsèquement illogique et irréalisable.

p. 93

Dans le cadre d'un important message aux évêques d'Autriche (le 20 novembre 1998), le pape actuel, Jean-Paul II, qui a été le protagoniste actif de bouleversements radicaux à travers la planète, a rappelé le caractère historique, et donc transitoire, de la « mode » (de la « sensibilité », déclara-t-il) démocratique : « Et comme la forme de régime qui s'accorde la mieux avec la sensibilité actuelle est la démocratie, la revendication s'est répandue parmi certains fidèles d'une démocratisation de l'Église [6] », etc. Le contexte dans lequel apparaît cette formulation réductrice a son importance. Dissertant de l'expression biblique « peuple de Dieu » (Volks Gottes : laos tou theou), Wojtyla rejette une demande qui gagne du terrain parmi ses interlocuteurs autrichiens : celle d'introduire le principe démocratique à l'intérieur de l'Église catholique et de sa hiérarchie. Il la rejette pour diverses raisons [...], mais également en considération du caractère aussi intrinsèquement transitoire de la « sensibilité démocratique ». De fait, dans le paragraphe 89 de Fides et ratio est rappelé combien est inadmissible l'application systématique du principe démocratique :

On en vient à défendre une conception de la démocratie qui ne prend pas en considération la référence à des fondements d'ordre axiologique, et donc immuables : c'est à partir d'un vote de la majorité parlementaire qu'on décide du caractère admissible ou non d'un comportement déterminé[7].

La tournure d'esprit qu'illustre le paragraphe cité à l'instant n'est pas sans affinité avec la conception et la pratique extra-parlementaire du grand pouvoir financier supranational : les banquiers-philosophes qui déterminent les choix cruciaux pour la planète n'accepteraient jamais non plus de soumettre ces choix à des majorités parlementaires aléatoires, voire à des plébiscites imprévisibles.

[Dans] l'exorde de la leçon inaugurale prononcée le 17 décembre 1998 par Neil McCormick dans une prestigieuse université italienne (la faculté de droit de Macerata) [...] [il objecte] :

Si la critique du déficit démocratique revient à affirmer que l'Union actuelle n'est pas réellement démocratique, et que cet état de choses demeurera insatisfaisant tant que n'existera pas en Europe une forme de gouvernement démocratique, c'est une manière d'oublier l'enseignement du passé, à savoir que la démocratie et ses vertus particulières concourent à la bonne marche de toute république bien réglée, mais ne sauraient être l'essence ni le but de tout.

p. 103

[...] Dans les faits, il est fatal qu'une minorité organisée, qui obéit à un élan unique, l'emporte sur une majorité désorganisée. La force de la minorité, quelle qu'elle soit, est irrésistible face à tout individu de la majorité, qui se trouve seul face à la totalité de la minorité organisée ; et, dans le même temps, on peut dire que celle-ci est organisée précisément parce qu'elle est minorité.

p. 110

[...] L'électeur moyen accepte de continuer à se servir de son bulletin de vote pour donner une délégation à des représentants aussi longtemps qu'il considère que les règles de base de la représentation sont sauves. (C'est toujours une minorité du corps électoral qui marchande consciemment et « structurellement » son bulletin de vote.) Pour la plupart, en revanche, une brusque prise de conscience des termes réels de la question inflige une blessure mortelle au pacte dont dépendent les fortunes et la survivance même de la classe politique.

p. 113

[...] Ce qui fait le désespoir des réformateurs sociaux, y compris des plus radicaux, à savoir les révolutionnaires, c'est que la réalité humaine concrète ne soit pas réductible à leur analyse, que les sujets concrets soient plus ou moins réfractaires aux « expériences » tentées sur leur dos. Il existe à ce propos toute une littérature de la désillusion, quand elle ne succombe pas dans le cynisme — l'exemple le plus célèbre étant peut-être la comédie d'Aristophane, L'Assemblée des femmes. Par ailleurs, prendre acte, clairement et irrévocablement, de cette irréductibilité nourrit un immobilisme désespérant.

p. 114

Tant qu'ils secondent cette passion [de l'égalité], les réformateurs sociaux connaissent le succès : on ne saurait comprendre autrement la faveur, dans un premier temps renversante, que les mouvements révolutionnaires des temps modernes ont rencontrée à leur apparition. Au pouvoir, cependant, les révolutionnaires se heurtent à chaque fois au fonctionnement concret de cette machine qu'est la société, en général plus compliquée que leurs programmes et leurs analyses. Force leur est de la contraindre, de la brutaliser en expliquant que c'est pour son bien ou pour un bien futur. Jusqu'au jour où ils se font renverser. C'est là un schéma général qui, dans les faits, admet de nombreuses variantes, mais au fond il est bien celui-là.

S'il y avait un sens à dégager des règles des quelques exemples connus, on pourrait observer que, au moins jusqu'à aujourd'hui, les « révolutions » de l'Occident ont suivi le même cours que la révolution anglaise du XVIIe siècle : d'abord une phase radicale (1640-1648), suivie d'une décennie cromwellienne, puis l'usure, le rejet et la restauration (qui n'est jamais un retour au point de départ parce que, entre-temps, les personnes ont changé et que les expériences faites ne s'effacent pas, même pour ceux qui les ont combattues).

p. 120

Il semble donc que la gauche soit condamnée, en Occident, à une politique médiocre et donc à un échec périodique : à mener une politique prudente et décevante pour ses partisans, timide et cependant irritante pour les forces qui lui sont hostiles et qui, exploitant son manque d'efficacité, parviennent périodiquement à lui soustraire son électorat « naturel ».

p. 123

[...] le monde dominé par l'Occident avec les fils invisibles du primat économique n'entend probablement pas se libérer à travers une conception du monde et une prédication politique importées d'Occident [...]

p. 128

Mais attention. Le capitalisme a une résilience immense qu'aucun système économique et social antérieur (à notre connaissance) n'a jamais possédée. Son appareil de manipulation des consciences a même mis à contribution les mots subversifs par excellence : la liberté, par exemple. Il s'agit en fait d'un système oligarchique, mais il vit et jouit d'une santé florissante parce qu'il a réussi à dénaturer et à faire sien le mécanisme démocratique.

[...]

Comment s'en sortir aujourd'hui ? [...]

Il est nécessaire d'oeuvrer [...] à une compréhension actualisée du mécanisme capitaliste du temps présent. [...] Plus que jamais, nous avons besoin d'un nouveau Marx et d'un nouveau Darwin !

C'est la classe intellectuelle qui fait fonctionner les centres névralgiques du monde dominant. Et c'est cette classe qui est gagnée à la critique. Il faut une nouvelle critique de l'économie qui explique aux classes décisives du premier monde qu'elles sont elles aussi des exploités. Et qu'elles le sont en premier lieu dans ce qui est le plus grand des biens : l'intelligence. C'est du coeur du système que surgira la nouvelle crise : dans très longtemps et au terme d'une longue recherche. L'important n'est pas d'y être, mais de le savoir.

p. 135

[...] le Parti communiste [...] a soustrait la Chine au jeu colonial. [...] La vraie question qui se pose aujourd'hui à l'humanité [...] est de savoir si la nouvelle et meurtrière administration américaine voudra entraîner l'humanité dans la guerre pour affaiblir la Chine, redoutée comme un adversaire planétaire.

p. 136

[...] d'ici quelques décennies, les « ouvriers d'usine » ne représenteront plus dans l'Occident « riche » que 15 % de la force de travail. (Et c'est, entre autres, une des raisons pour lesquelles l'État social comptera toujours moins de défenseurs : les sujets pour lesquels il a été construit sont visiblement en perte de vitesse.)

p. 137

[...] De nos jours, c'est une oligarchie de quelques personnes qui détient en fait la richesse mondiale. Si l'on en croit le célèbre écologiste américain Jeremy Rifkin, 366 personnes à peine détiennent 40 % de la richesse de la planète. En revanche, les exploités, qui se comptent par milliards, sont « dispersés et divisés » [...] Cela tient, on l'a dit, à divers facteurs : géographiques, culturels, religieux, raciaux, etc., mais aussi, et ce n'est pas le moins important, au retour en fanfare de dépendances de type servile à l'échelle mondiale. Les puissants sont soudés et « internationalistes » ; à travers les gouvernements dits « démocratiques » qui sont à leur service, ils parent à toute urgence ; les autres n'ont plus ni contact international, ni parti, ni perspective.

p. 141

On pourrait résumer d'une formule l'expérience du siècle qui vient de s'achever : les oligarchies liées à la richesse triomphent, les oligarchies idéologiques perdent.

[1] Luciano Canfora, L'imposture démocratique, Flammarion © 2003.

* * *

Socrate condamné à mort par une courte majorité de trente voix ; George W. Bush élu président des États-Unis parce que l'on décide d'arrêter le décompte des suffrages qui l'aurait donné perdant : le triomphe absurde de la loi de la majorité dans un cas, sa négation dans l'autre... Que devient la démocratie lorsque le vote se négocie sur le marché politique ? Lorsque gouvernent des instances supranationales et non électives comme la Banque européenne et le Fonds monétaire international ? À rebours de la pensée unique et du « démocratiquement correct », Luciano Canfora livre une analyse sans concessions des démocraties occidentales et de leurs errements.

Luciano Canfora, historien de l'Antiquité, enseigne à Rome. Il est notamment l'auteur d'une biographie de Jules César : Jules César, le dictateur démocrate (Flammarion, 2001).

[2] Corriere della Sera, 30 janvier 2001, p. 14.
« Dans ses jeux de guerre secrets, le Pentagone considère la Chine comme l'ennemi à combattre à partir de 2015, quand son arsenal militaire s'approchera de l'arsenal américain » (Corriere della Sera, 20 octobre 2001, p. 2).

[3] Edward N. Luttwak, La dittutura del capitalismo, Milan, Mondadori, 1999 ;
en français, Le Turbo-capitalisme, Paris, Odile Jacob, 1999.

[4] Plon, 1957.

[5] Antonio Gramsci, Quaderni del carcere, éd. V. Gerratana, Turin, Einaudi, 1979 p. 1624 ; en français, A. Gramsci, Cahiers de prison, vol. 3. Cahiers 10, 11, 12, 13, éd. R. Paris, Gallimard, 1978, p. 420-421.

[6] L'Osservatore romano, 21 novembre 1998, p. 4 § 11.

[7] Traduction officielle du Saint-Siège. (N.d.T.)

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