030402

Les gagnants ont toujours raison

par François Brooks

C'est pas beau de faire la guerre. Oh! non! c'est pas beau. Dans la guerre qui oppose le États-Unis à Saddam Hussein, on a vite dénoncé George Bush junior pour ses instincts belliqueux. La guerre médiatique était déclarée. En engageant ses troupes, Bush tue des civils innocents, ceux-là même qu'il prétend aller libérer des griffes du méchant Saddam. La presse canadienne et française, durant les dix premiers jours n'a souligné que les bévues américaines coûteuses en vies innocentes.

 

Mais les troupes avancent sur Bagdad et soudainement, on nous a montré une foule kurde en liesse adulant les Américains libérateurs. Du coup, mon opinion bascule. Ceux-ci ont maintenant raison d'avoir entamé cette guerre. On apprend aujourd'hui que les Canadiens qui, les dix premiers jours, s'étaient opposés à l'action américaine, ont maintenant trois bateaux qui ont appuyé leurs opérations depuis le tout début. Je suis maintenant fier d'être du bon côté. Mieux! On nous dit qu'aucun autre pays qui se déclarait en faveur de l'action Américaine n'a aidé autant les États-Unis que le Canada qui se prétendait contre. Les sommes engagées par les Canadiens les dépassent tous.

 

Nous avions raison de nous opposer à cette guerre, et maintenant que les Américains sont sur le point de vaincre l'adversaire, nous pouvons être fiers de les avoir appuyés dans les faits depuis le début.

 

Si Hitler avait gagné la guerre, nous aurions appris, jeunes à l'école, qu'il a libéré le monde de la médiocrité, que les juifs étaient véritablement de la vermine, et que l'humanisme est une faiblesse dont il faut se méfier.

 

« Que nous ayons raison ou tort, nous devons gagner. C'est la seule voie. Et elle est moralement juste et nécessaire. Et quand nous aurons gagné, qui nous demandera des comptes sur la méthode? » disait Adolf Hitler. Les Juifs n'étant plus là pour témoigner, c'est le Hitler vainqueur qui aurait créé une autre Histoire avec un autre système de valeurs à inculquer aux masses.

 

Les valeurs éthiques sont de piètre importance à côté de la victoire. Celle-ci est décisive. Seuls les survivants ont raison. Les morts sont absents et à ce titre ils auront toujours tort.

 

Lors de la Révolution Française, celle-là même qui devait nous apporter « la Liberté, l'Égalité et la Fraternité », il y a eu cinq cent milles morts, nous dit Henri Laborit. Ceux qui ont imposé leur « nouveau » système n'ont eu qu'à nous dire que ceux qui sont morts étaient des méchants opposés aux belles valeurs françaises actuelles de Liberté, de Fraternité et d'Égalité ; liberté qui nous pèse bien lourd, fraternité encombrante de devoirs, et égalité qui nous pousse à toujours nous comparer jalousement.

 

L'idée qui défend des valeurs politiques, si elle est suffisamment armée, pourra exterminer ceux qui sont contre. Ainsi, il ne survivra que ceux qui professent cette « forte » idée. Alors, ceux qui naîtront seront dressés à croire en elle.

 

Non vraiment, la loi du plus fort l'emporte et toujours l'emportera. L'humanisme n'est qu'un amuse-gueule intellectuel propre à alimenter les esprits qui cherchent à se donner bonne conscience. Quand George Bush aura gagné sa guerre, il pourra se targuer d'humanisme mais là, il aura conquis ce qu'il voulait : une hégémonie américaine encore plus puissante... et il aura raison. Bien sûr, puisqu'il sera le gagnant.

 

Ainsi, Pierre Bégin avait bien raison de dire avec les anciens sceptiques grecs que devant la contrainte dominatrice, aucune philosophie ne fait le poids. Seul le pouvoir compte véritablement. Les philosophies n'apportent aucune garantie sur ce qu'elles avancent. Seul le pouvoir de la personne qui parle donne du poids aux idées qu'elle avance. Comment la philosophie pourrait-elle se donner du pouvoir, elle qui n'a que des questions alors que le pouvoir a « la » réponse?