011016

Jésus-Christ est un philosophe comme les autres

par François Brooks

« Le meilleur moyen de faire de la terre un enfer, c'est de vouloir en faire un paradis »

 Lord Acton

 

Cette semaine, Richard Martineau nous présente dans sa chronique du journal Voir quelques versets des Évangiles Chrétiens et du Coran qui pourraient passer pour de l'incitation à la subversion[1]. S'il ne fallait citer que ces quelques phrases des Saintes Écritures, on pourrait penser que celles-ci sont un dangereux plaidoyer en faveur de la tyrannie et de la violence.

 

Mais ces textes ne sont-ils pas l'œuvre de philosophes? Et les philosophes sont humains, comme tout le monde. À travers une œuvre géniale, tout philosophe a laissé passer quelques bêtises, preuve de son humanité. Prendre cette littérature au pied de la lettre, c'est déifier une pensée maudite. Discréditer toute l'œuvre est tout aussi bête! Voilà pourquoi, à l'opposé des religions, la philosophie nous invite à penser par nous-mêmes : Pour que notre esprit reste vigilant et ne s'endorme pas avec des pensées toutes faites! « Le gros bon sens! », disaient mes éducateurs.

 

Ieschoua[2] nous apporte une philosophie révolutionnaire. Il remplace la Loi du talion par le Pardon du Père, et les Dix commandements par un seul : « Aimez Dieu et aimez-vous les uns les autres ». Cette philosophie contrecarre l'escalade de la violence de l'ancienne loi du Œil pour œil et simplifie l'apprentissage intellectuel laborieux des Commandements en nous invitant à vivre selon notre bon sens de l'amour. Fini la loi rigide tyrannique imposée de l'extérieur, place à un humanisme de cœur qui engage la liberté intérieure. On ne nous force plus, on collabore volontairement par une poussée intérieure qui nous amène à générer ce qu'on cherche le plus : l'amour. Au revoir l'intellectualisme bête ; bienvenu l'intelligence du cœur!

 

Bien sûr, comme toute philosophie, celle-ci a ses limites. Poussée à l'extrême, elle incite à se laisser massacrer sans broncher ou à mépriser celui qui manque d'amour.

 

Ériger sa philosophie en religion me semble dénaturer l'intention du philosophe Ieschoua. Apprendre les philosophies par cœur et les appliquer textuellement est un travail qui exige peu de réflexion et déresponsabilise. Les étudier librement et apprendre à comprendre leur application dans notre contexte personnel est le travail laborieux de toute une vie.

 



[1]

 11 octobre 2001

Dieu est grand

par Richard Martineau

 

« Les habitants de la terre se divisent en deux. Ceux qui ont un cerveau, mais pas de religion. Et ceux qui ont une religion, mais pas de cerveau. »

Aboul-Ala al-Maari, poète syrien, XIe siècle

 

Dieu est amour. Dieu est paix. Dieu est bonté.

 

Tous les croyants le répètent : leur religion prône l'entraide, le pardon, la générosité. Aucun fidèle digne de ce nom ne peut commettre des crimes au nom de l'islam ou de la religion catholique.

 

Ah oui? Voici quelques passages de la Bible et du Coran qui semblent pourtant prouver tout le contraire.

 

 

La Bible

 

« Ce n'est pas la paix que je suis venu apporter mais le glaive. » (L'Évangile selon saint Matthieu)

 

« Qui blasphème contre l'Esprit saint n'aura jamais de pardon, car sa faute est éternelle. » (L'Évangile selon saint Marc)

 

« Le Fils de l'homme enverra ses messagers qui enlèveront de son royaume tous ceux qui font le mal. Ils les jetteront dans la fournaise ardente, hantée de pleurs et de gémissements. » (L'Évangile selon saint Matthieu)

 

« Quant à ces gens qui me haïssent et n'ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici et massacrez-les en ma présence! » (L'Évangile selon saint Luc)

 

« Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment, il sèche, et les sarments secs, on les ramasse, on les jette dans le feu et ils brûlent. » (L'Évangile selon saint Jean)

 

« Femmes, soyez soumises à vos maris comme au Seigneur. Car le mari est le chef de la femme, tout comme le Christ est le chef de l'Église. » (Lettre de Paul aux Éphèsiens)

 

« Celui qui croira sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné. » (L'Évangile selon saint Marc)

 

« Qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi; qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi. » (L'Évangile selon saint Matthieu)

 

Le Coran

 

« Ceux qui ne croient pas ne manqueront pas d'être frappés par un cataclysme. »

 

« C'est Allah qui juge et personne ne peut s'opposer à Son jugement, et Il est prompt à régler les comptes. »

 

« Ô vous qui croyez! Combattez les mécréants qui sont près de vous; et qu'ils trouvent de la dureté en vous. »

 

« Allah veut châtier les incroyants ici-bas, et qu'ils rendent péniblement l'âme en mécréants. »

 

« Châtions les hypocrites, hommes et femmes qui pensent du mal d'Allah. Qu'un mauvais sort tombe sur eux. Allah est courroucé contre eux, les a maudits, et leur a préparé l'Enfer. »

 

« Et quiconque ne croit pas en Allah et en Son messager... nous avons préparé pour eux une fournaise ardente. »

 

La Bible louange le glaive et les massacres, le Coran promet des cataclysmes et des fournaises ardentes. Comme on dit : avec des amis comme ceux-là, pas besoin d'ennemis...

 

Bon, vous me direz que ces écrits millénaires sont des métaphores qui doivent être déchiffrées et interprétées. Mais voulez-vous me dire pourquoi chaque fois que Dieu ou Allah fait l'éloge de l'amour ou de la charité, il faut prendre le passage au pied de la lettre, alors que lorsqu'il sort son fouet et fait gronder le tonnerre, il faut soudainement y voir une métaphore?

 

Et la parole de Dieu n'est pas un buffet, à ce que je sache. On ne peut pas la juger à la pièce, accepter certains passages et en rejeter d'autres. Ce n'est pas un essai d'André Moreau.

 

On n'aborde pas le sujet, ces temps-ci, mais l'un des principaux problèmes qui accablent l'humanité est peut-être justement cette propension à baser sa vie et ses actes sur des écrits millénaires qui, si ça se trouve, relèvent peut-être de la pure fiction. Après tout, qu'est-ce que la religion sinon une secte qui a réussi?

 

On dit souvent qu'il n'y a plus de tabous, en 2001. Faux, il en reste un, et de taille : l'athéisme. Vous pouvez parler de pédophilie comme bon vous semble sur les ondes publiques, mais osez critiquer la religion, et vous sentirez la température baisser de 30 degrés.

 

Pourtant, comme l'a écrit Diderot : « La croyance en Dieu a créé autant de fanatiques que de croyants. Partout où l'on admet un Dieu, il y a un culte ; partout où il y a un culte, l'ordre naturel des devoirs moraux est renversé, et la morale, corrompue. Tôt ou tard, il vient un moment où la notion qui a empêché de voler un écu fait égorger cent mille hommes. »

 

[2] Ieschoua est le nom de Jésus de Nazareth, dans sa propre langue, en araméen, comme l'appelaient alors ses disciples.