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Je fume, c'est mon droit et ma liberté!

par François Brooks

Il n'y a pas si longtemps, la sagesse populaire parlait de droits et devoirs du citoyen. Aujourd'hui, on n'entend plus parler que de droits et libertés.

 

Que dire au fumeur qui fume dans un espace public et qui refuse d'éteindre sa cigarette en rétorquant qu'il est libre de fumer si ça lui plaît? Il me laisse donc savoir que ça lui déplairait de ne pas fumer et qu'il assume mon déplaisir à devoir respirer sa fumée. Mais que fait-il de mon droit de respirer de l'air propre et exempt de particules cancérigènes? Nous sommes ici dans un dilemme. Il semble évident que pour occuper en même temps le même espace, il y en a un des deux qui devra vivre dans l'inconfort.

 

J'avais appris, jeune, que ma liberté s'arrête où commence celle de l'autre. Et aujourd'hui, la liberté est un thème si sacré qu'il outrepasse le bon sens. Il est acquis que le bon sens est élastique, variable et relatif à la situation de chacun. Il est aussi entendu que ce qui est bien dans une situation peut être considéré comme mauvais dans une autre et ce discours légitime le fumeur d'accaparer l'air que tout le monde respire.

 

Je vais essayer de mettre les choses en perspective et donner une place au bon sens qui, aujourd'hui, n'en déplaise à Descartes, ne semble plus être la chose la mieux partagée au monde sinon que personne ne se plaint d'en manquer.

1.   Est-il nécessaire de rappeler qu'un mammifère, donc l'être humain, a besoin d'air pour respirer.

2.   On peut vivre toute une vie en santé sans fumer.

3.   L'usage du tabac est en tête de liste comme cause de mortalité ainsi que la fumée secondaire ; c'est maintenant démontré scientifiquement.

4.   Le droit de vivre en santé prime sur le droit de détruire sa santé et celle des autres.

 

La logique impartie aux Droits de fumeur nous amène à vivre actuellement le non-sens commun le plus fabuleux qu'il m'ait été donné de voir. Après avoir institué les soins de santé gratuits pour tous, notre gouvernement a englouti des sommes astronomiques pour couvrir les frais des soins requis par les maladies causées par le tabagisme. Si bien qu'on assiste à des compressions budgétaires sans précédent dans les services de santé. Je travaille depuis maintenant 24 ans. J'ai pris soin de ma santé en m'abstenant de fumer, en faisant de l'activité physique et en surveillant mon alimentation. J'ai payé, à chaque semaine, une cotisation pour l'assurance maladie. Si, maintenant, je tombais malade, je devrais être soigné avec des moyens réduits. Tout ça, parce que les fonds qui auraient dû être disponibles ont été, pour une bonne part, utilisés pour soigner des fumeurs dont l'assurance de ces soins ne les encourageait pas à prendre soin de leur santé. Leur logique est simple : si je suis malade, on va me soigner.

 

N'est-il pas temps que ça change? N'est-il pas temps de parler de Droits et Devoirs du citoyen? Aucune compagnie privée ne pourrait survivre avec une telle logique. Si j'assure ma maison, c'est pour avoir le droit d'être dédommagé si elle passe au feu. N'ai-je pas, en même temps, le devoir d'utiliser le feu d'une façon appropriée? Ne suis-je pas en mesure de m'attendre à ce que ma compagnie d'assurance refuse de m'indemniser si, pour chauffer ma maison, j'allume un feu en plein milieu de mon salon et que ce feu provoque l'incendie de ma maison? Le bon sens de ce raisonnement saute aux yeux. Comment se fait-il que notre société continue de soigner gratuitement les gens qui tombent malades à la suite de l'usage du tabac? Par humanisme, me direz-vous. Alors comment se fait-il que nous acceptions les compressions budgétaires dans les soins de santé? Ici, il y a un manque flagrant d'humanisme. Et je dirai même de l'injustice pour ceux qui sont malades, qui ont fait attention à leur santé et qui sont privés de soins.

 

Nous n'avons plus les moyens, en tant que société, de supporter l'inconséquence des fumeurs qui abîment leur santé et celle des autres. Il est temps qu'ils assument eux-mêmes leur choix. Ils ont la liberté de fumer, soit, je serai le dernier à la leur retirer, sauf dans les endroits publics. Mais ils ont aussi le devoir d'assumer les conséquences de leur néfaste habitude. J'estime que les soins de santé dispensés pour les maladies dues au tabagisme ne devraient plus être couverts par le régime québécois d'assurance maladie. Sinon, j'estime qu'il devrait être possible de se retirer de ce régime et ainsi, avoir la liberté d'utiliser les cotisations pour adhérer à une police privée d'assurance maladie. De toute évidence, le gouvernement est un mauvais administrateur des services de santé publique ; sa faillite en est la preuve. Il devrait être possible dans une société libre et responsable de pouvoir se soustraire à un tel joug.

 

Le tabac est une drogue comme toutes les autres. Elle provoque une telle dépendance qu'elle induit chez son utilisateur des raisonnements qui défient le sens commun. Lorsqu'un drogué est en manque, il ferait n'importe quoi pour avoir sa dose. Aucune morale, ne peut l'atteindre. Il perd son sens civique et il accapare l'air de toute la pièce. Comme tout être, entre deux maux, il choisit le moindre. Il préfère affronter l'opprobre de quelques non-fumeurs que le profond malaise du manque de nicotine. Il est temps que les lois concernant les fumeurs dans les endroits publics aient des dents. Il est temps que les fumeurs assument eux-mêmes les coûts des soins de santé que leur tabagisme occasionne. Le tabac tue, c'est maintenant une chose reconnue et dénoncée depuis 1974. Nous avons laissé assez de temps à la bonne volonté des fumeurs pour qu'elle se manifeste. Il faut maintenant, prendre les moyens d'enrayer ce fléau et arrêter d'assumer collectivement les torts causés par le tabagisme.