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Jouissance et souffrance

par François Brooks

L'activité sexuelle, lorsque l'action bat son plein, a ceci de troublant qu'elle pourrait facilement, à première vue, être confondue avec une lutte. Pendant la chevauchée endiablée de la copulation, tout porte à croire que je suis en train de maltraiter, voire de violer, ma partenaire de lit. Ses longues plaintes répétées, son front courroucé, sa tête qui dodeline, sa respiration haletante, ses contractions musculaires spasmodiques et mes grognements de bête, tout porte à croire que je suis en train de la battre, de la tourmenter, de la faire souffrir. On pourrait même penser que j'effectue sur elle le travail du bourreau en train de torturer sa victime.

 

C'est d'autant plus troublant que ces signes de souffrance augmentent mon excitation dans la même mesure qu'ils s'accroissent. Un seul indice me dit que ma blonde n'est pas en train de souffrir : c'est qu'elle accepte de rester là, avec moi. Si elle souffrait, elle s'en irait sur-le-champ, je suppose, pour se soustraire à mon agression. Autrement, je croirais être véritablement en train de la violer. Ça me fait bizarre de penser que ces manifestations de jouissance, pendant l'amour, en tout point semblables à des manifestations de souffrance, m'excitent au plus haut point, alors que l'idée même du viol me fait débander.

 

Voilà sans doute pourquoi on s'isole pour baiser ; les gémissements d'une femme ne peuvent pas laisser indifférent. Le tout est de savoir interpréter la nuance entre jouissance et souffrance.