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Mes pauvres amis n'ont pas le temps d'être heureux

par François Brooks

Beaucoup de mes amis sont des gens si occupés qu'obtenir d'eux une audience relève de l'exploit. Ils ont des vies réglées un peu comme l'horaire télévisuel et m'accordent des deux minutes de « commerciaux » de temps en temps.

 

Je réalise que j'ai une richesse rare : j'ai du temps. J'ai le temps d'inviter des amis à souper, le temps de converser avec eux, de faire des sorties. Mais ce temps se trouve le plus souvent converti en écriture puisque ces amis sont trop occupés pour s'arrêter et nourrir notre amitié.

 

Ces amis ne sont-ils absents qu'à moi ou sont-ils aussi absents à eux-mêmes?

 

Peut-être n'ai-je tout simplement pas ce qu'il faut pour retenir leur attention. J'offre présence, authenticité et intensité alors qu'ils cherchent leurs rêves à toute vapeur. Mais quand bien même ils tomberaient sur ce qu'ils cherchent, sauraient-ils le reconnaître? À effeuiller un livre à toute vitesse, comment l'œil aurait-il le temps d'apercevoir le passage précieux?

 

Quand mes amis se donneront-ils la richesse du temps d'être heureux?