980604

Féminisme et hommes roses

par François Brooks

Aujourd'hui, pour être bien vus, les hommes doivent épouser — publiquement du moins — la “cause” féministe. Le mea-culpa collectif de ces hommes roses me fait penser à une scène sado-maso où l'homme à genoux prend le fouet et se frappe lui-même à défaut de femelle pour le faire. Le summum de la domination n'est-il pas que la victime se frappe elle-même devant son “humiliateur”, comme un chien tend sa laisse à son maître? Les féministes n'ont cesse de nous faire croire que c'est pour l'égalité et prétendent que dans les rapports hommes-femmes la femme a toujours été humiliée, sous-estimée, tenue pour moindre que l'homme. Pourtant, au Québec, n'avons-nous pas, depuis toujours vécu dans une société matriarcale?

Nous vivons dans une société monogame. Lors des divorces, il est reconnu que les femmes obtiennent le plus souvent, et de loin, la garde des enfants ainsi que la pension alimentaire qui vient avec. Traditionnellement, la maison familiale était le domaine de la femme ; ne la désignait-on pas comme “maîtresse du foyer”? Elle organisait le gîte familial comme bon lui semblait et l'homme n'y venait que pour s'y reposer et porter sa paye entre les longues heures de travail à l'extérieur. On a trouvé le moyen, encore une fois, de le reprocher aux hommes en les traitant de “pères absents” alors que le bien-être dans lequel leurs enfants vivaient jadis était la représentation même de la présence du père auprès d'eux. La maison, c'était ça la présence du père. C'était aussi les meubles, la nourriture et les vêtements sans bien sûr amoindrir la participation ménagère de la mère.

D'aussi loin que je me souvienne, dans ma famille des deux côtés, (12 chez les Brooks et 6 chez les Beyries) la plupart de mes tantes tenaient le haut du pavé. L'image autoritaire de l'homme est largement surfaite et, en ce qui me concerne, n'était que l'exception. Les décisions importantes étaient prises par mes tantes et l'oncle n'avait qu'à obtempérer docilement. La dynamique familiale est facile à comprendre : l'homme, naturellement polygame mais coincé dans un régime monogame, n'avait qu'à bien se conduire s'il voulait son “biscuit”. Le cul menait le monde aussi à cette époque là et les femmes savaient tirer parti de l'avantage que le régime monogamique leur procurait. Si les femmes de jadis tenaient tant à garder secrète leur vie sexuelle, ne peut-on pas penser qu'il pouvait y avoir quelque chose de honteux dans celle-ci? Et ce quelque chose pourrait-il avoir été la manipulation de l'homme pour son droit de couche? Et ces éventuelles manipulations ne peuvent-elles pas expliquer la violence que ceux-ci se sentaient parfois légitimés d'exercer?[1] Si nous pensons à la vie dans un régime polygamique, on voit tout de suite que ce rapport de force serait en faveur de l'homme mais, comment se fait-il que dans notre régime monogamique actuel nous ayons pu berner les hommes au point de leur faire croire que ce soient eux les oppresseurs? Dans une société où ce sont les femmes qui tiennent le haut du pavé, doit-on s'étonner que l'homme mou de jadis se soit transformé en homme rose?

Comparé au père, la maîtresse du foyer n'avait-elle pas alors un ascendant culturel supplémentaire sur ses enfants? N'est-ce pas principalement d'elle dont les enfants héritaient leur langue et leurs valeurs — ne dit-on pas langue maternelle et non pas langue paternelle? Puisqu'elle était le plus souvent avec ses enfants son influence était prépondérante. Comment a-t-on pu minimiser le rôle de la femme au foyer au point de faire croire à toute une génération (et même plus) que celle-ci était inférieure?

Il est reconnu que c'est en bas âge que l'éducation exerce d'importance la plus grande influence sur les enfants. Pour ma part, je n'ai pas connu d'enseignants masculins avant ma huitième année. Pour mes sept premières années d'école je n'ai jamais eu que des femmes pour m'enseigner. Et c'était jadis, au Québec, la règle dans la très grande majorité des écoles. Comment les femmes peuvent-elles maintenant soutenir avoir eu jadis un rôle social secondaire?

Ce féminisme malade n'est-il pas une nouvelle lutte de classes qui cherche à nous faire gober le mensonge que c'est l'homme l'oppresseur qu'il faut combattre? Dans notre tradition chrétienne, l'opprimé n'a-t-il pas toujours eu bonne figure? Et c'est ce rôle que s'octroie la féministe sachant que l'opinion populaire penchera en sa faveur. Mais il faut être aveugle pour prendre au sérieux le discours qui prétend que l'homme est l'oppresseur et que la femme est une victime. Il est entendu que sur le plan physique, en moyenne, les hommes sont plus forts que les femmes mais il y a belle lurette que les moyens techniques ont contourné cette “inégalité”. D'ailleurs, le partage des tâches dans une famille traditionnelle était fait en complémentarité. Celui-ci tenait généralement compte de cette différence : les hommes faisaient le dur labeur exigeant une plus grande force physique et les femmes accomplissaient celles, non moins utiles, qui nécessitaient moins de force physique.

L'arrivée massive de la femme sur le marché du travail a doublé la main d'œuvre disponible et réduit considérablement la natalité. Jadis l'homme travaillait et, supporté par une administration avisée de la ménagère (la femme au foyer), son salaire suffisait à élever de  nombreux enfants. Mes grands-parents (du côté de mon père) ont élevé douze enfants avec le salaire de mon grand-père qui travaillait comme chauffeur d'autobus à la CTM[2] (aujourd'hui la STCUM[3]). Avec deux revenus semblables, aujourd'hui, l'homme et la femme arrivent tout juste à élever un ou deux enfants puisqu'une bonne partie de leurs revenus ira pour les frais de garde et pour la deuxième voiture. C'est comme si les femmes avaient troqué leurs enfants (à ne pas naître) contre un statut social, une job, un standing de vie. Mais qui donc a été assez malin pour faire acheter aux femmes qu'un travail rémunéré avait plus de valeur qu'une famille avec des enfants? Comment a-t-on réussi à enlever de l'esprit des femmes que le rôle fondamental, viscéral, de mère de famille contribuait moins à leur émancipation, à leur réalisation personnelle? Comment se fait-il que, pour elles, ce soit devenu la carrière d'abord, la famille ensuite?

La famille est reléguée au deuxième plan. C'est l'économie, le niveau de vie, qui a pris le plus d'importance dans nos préoccupations quotidiennes. Si bien qu'on achète (parfois) véritablement des enfants à l'étranger aujourd'hui (18 000$ pour une petite Chinoise, ça vous intéresse?[4]) plutôt que d'accueillir ceux de chez nous dont la DPJ[5] ne sait plus quoi faire. Ça nous donne, en même temps qu'une jolie petite poupée aux yeux bridés, la bonne conscience d'avoir aidé le tiers-monde et l'espoir d'élever ce qui sera dans l'avenir une femme qui viendra grossir les rangs et prêter main forte, au besoin, aux revendications féministes. Pensant bien faire, on ne fait que contribuer à aggraver le problème, puisqu'en Chine, la mentalité favorisant la naissance des garçons prépare, à terme , le problème de manque de filles à marier. Sans responsabilités, un homme reste un éternel adolescent.

Il se trouve que maintenant, la plupart des revendications féministes sont là pour régler un problème qui ne se posait même pas à l'époque de ma mère. (Exemple : parité salariale, présence du père, accès aux métiers, représentation dans les universités.) Loin de moi la tentation d'affirmer que son époque était idéale. Mais les féministes, tout en réclamant “l'égalité” n'ont-elles pas introduit la dysfonction familiale et les problèmes pour lesquels elles revendiquent actuellement. Avec les moyens dont nous disposons aujourd'hui, ne pourrions-nous pas libérer beaucoup de temps pour nous et nos familles si les couples s'accordaient à vivre des rôles complémentaires, et non compétitifs. Mais pour cela, il faudrait que l'amour revienne et ce n'est pas demain la veille. Nous sommes si préoccupés et si pressés que nous n'avons même pas le temps d'être heureux. Alors pour l'amour, vous repasserez.

[1] Je pense ici à la superbe scène du film Le grand chemin ou le mari, interprété par Richard Bohringer, devait pratiquement se battre pour faire l'amour avec sa femme qui ne voulait pas avoir d'enfant.

[2] Commission de Transport de Montréal

[3] Société de Transport de la Communauté Urbaine de Montréal

[4] Lire le texte : 980508, Chinoises à vendre.

[5] Direction de la Protection de la Jeunesse

Philo5
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